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Magazine - Etranger

Heuvelland - Du vin au pays de la bière

Ludivine Fasseu - La vigne - n°236 - novembre 2011 - page 128

Une AOC et deux viticulteurs professionnels : c'est le Heuvelland en Belgique. Cette région de collines s'essaie à la viticulture depuis une dizaine d'années. Ses blancs frais et expressifs commencent à intéresser les restaurateurs.
LE TÉLÉSIÈGE DU CORDOBA, reliant le mont Noir au mont Rouge, est une attraction touristique majeure du Heuvelland. Il passe au-dessus des vignes du domaine Entre-deux-Monts.

LE TÉLÉSIÈGE DU CORDOBA, reliant le mont Noir au mont Rouge, est une attraction touristique majeure du Heuvelland. Il passe au-dessus des vignes du domaine Entre-deux-Monts.

MARTIN BACQUAERT, 30 ans, viticulteur entre le mont Rouge et le mont Noir, est tombé dans la marmite tout petit grâce à son père qui avait un négoce de vin.

MARTIN BACQUAERT, 30 ans, viticulteur entre le mont Rouge et le mont Noir, est tombé dans la marmite tout petit grâce à son père qui avait un négoce de vin.

EDWARD SIX produit quelque 6 000 bouteilles d'effervescents par an qu'il remue manuellement. Les vins restent au minimum neuf mois sur lattes et sont vendus 12 euros la bouteille. Ci-contre, il vendange le siegerrebe, un cépage allemand né d'un croisement entre la madeleine angevine et le gewürztraminer. Ce cépage produit entre 35 et 50 hl/ha à un bon niveau de maturité. Le degré probable à la récolte se situe souvent entre 11,5 et 12,5 % vol. PHOTOS D. PAILLARD

EDWARD SIX produit quelque 6 000 bouteilles d'effervescents par an qu'il remue manuellement. Les vins restent au minimum neuf mois sur lattes et sont vendus 12 euros la bouteille. Ci-contre, il vendange le siegerrebe, un cépage allemand né d'un croisement entre la madeleine angevine et le gewürztraminer. Ce cépage produit entre 35 et 50 hl/ha à un bon niveau de maturité. Le degré probable à la récolte se situe souvent entre 11,5 et 12,5 % vol. PHOTOS D. PAILLARD

VENDANGES. Jean-Pierre, le père d'Edward Six (à gauche), se fait aider d'un promeneur curieux pour décharger la vendange qui se fait en caisses.

VENDANGES. Jean-Pierre, le père d'Edward Six (à gauche), se fait aider d'un promeneur curieux pour décharger la vendange qui se fait en caisses.

Entre Lille et Ypres, en Belgique, au milieu des champs de houblon, s'étend un territoire parsemé de collines, le Heuvelland. Apprécié des randonneurs et des touristes, il possède une particularité plutôt insolite pour un pays réputé pour le houblon, celle d'accueillir quelques vignes. Et pas n'importe lesquelles.

Depuis 2005, le vin du Heuvelland est protégé par une AOC et les chefs des restaurants gastronomiques du secteur n'hésitent pas à jouer la carte du terroir. Car le vin d'ici a du caractère et il le revendique.

Le défi de la maturité

Edward Six, viticulteur établi sur les hauteurs du Monteberg, commente cette reconnaissance. « C'est vrai qu'on ne s'attend pas à trouver des vignes ici. Mais nous bénéficions d'un mésoclimat qui permet de pouvoir produire du vin de qualité. » Mont Rouge, mont Noir, mont des Cats… Entouré de collines, le Heuvelland bénéficie d'un climat particulier. L'eau est drainée par les collines, et les vignes cultivées sur les coteaux sud réalisent facilement leur photosynthèse. En outre, les terres se composent d'un sol sablo-limoneux pauvre et sec. Mais est-ce vraiment suffisant ? « Soyons honnêtes, nous ne pouvons pas faire pousser tous les cépages », témoigne Martin Bracquaert, viticulteur entre le mont Rouge et le mont Noir. « Nous plantons des cépages précoces. Il faut des cycles végétatifs courts pour qu'ils mûrissent fin septembre. » « Dans le Sud, les vignerons doivent maîtriser le taux de sucre. Pour nous, c'est le contraire. Nous manquons d'ensoleillement », poursuit Martin Bacquaert. On comprend mieux que les palissages atteignent en moyenne 2,20 mètres de haut. Il faut maximiser la surface foliaire pour faire mûrir le raisin. « Nous avons aussi semé de l'herbe entre les rangs afin de lutter contre l'érosion et pour créer un stress positif incitant les vignes à aller chercher les nutriments en profondeur », ajoute-t-il.

Côté cépage, on trouve sans surprise beaucoup de blancs : du chardonnay, du pinot gris, de l'auxerrois, mais aussi quelques cépages allemands comme le kerner et le siegerrebe. « Nous avons planté du kerner plutôt que du riesling, toujours pour cette question de maturité », justifie Martin Bacquaert. Les chardonnays et pinots gris sont vendus en monocépages, tandis que les vins allemands sont la plupart du temps assemblés.

Des vins qui se marient très bien avec les huîtres

Les vins du Heuvelland commencent à être reconnus en Belgique et au Luxembourg. Mais il faut les expliquer au grand public. « Avec notre climat, les raisins sont plus riches en arômes du fait de leur maturation plus lente. Ils sont moins passe-partout qu'un vin blanc traditionnel du sud de la France. Leur typicité, c'est leur fraîcheur. Nous produisons des vins qui peuvent se consommer à l'apéritif et qui se marient très bien avec les huîtres et les crustacés », précise Martin Bracquaert, dont la cuvée Raphaël, du cépage kerner, a reçu une médaille d'argent en 2010 au concours international de Bruxelles.

Les vins blancs se dégustent entre deux et trois ans pour conserver cette fraîcheur, « mais le chardonnay peut attendre jusqu'à quatre ans ».

Des vins blancs donc, mais aussi quelques rouges. Chez Edward Six, les premières bouteilles de vins rouges sortent de la cave : « Il a fallu quelques années d'expérience avant de nous lancer dans cette nouvelle aventure. » Installée à Dranouter, à cinq kilomètres de la frontière française, la famille Six est la première à avoir produit du vin sur les terres du Heuvelland. C'était en 1996, à l'initiative de Jean-Pierre, le père d'Edward. « Mon père, qui faisait déjà fermenter des raisins et des pommes, s'est mis dans la tête de produire du vin. Au départ, pour s'amuser, il a planté 600 pieds de vigne. » Encouragé par la qualité de ses premières cuvées, Jean-Pierre Six prend des cours d'œnologie à Louvain. Puis il plante des pieds supplémentaires et se professionnalise. La principale difficulté ? S'adapter au terroir. « Tous les écrits sur le vin et les vignobles se basent sur les terroirs du Sud. Nous avons dû réaliser quelques expérimentations », commente Edward Six qui a rejoint l'entreprise familiale en 2005, à l'âge de 31 ans. Si aujourd'hui, l'exploitation compte 34 000 pieds de vigne, sur 8,5 ha, dix bonnes années auront été nécessaires à la famille Six pour tenter le vin rouge. Avec du pinot noir pour commencer, puis, plus récemment, avec du rondo, « un cépage allemand résistant qui s'adapte très bien à nos sols ».

Trop proches de la France

De l'autre côté du Monterbeg, à quatre kilomètres de là, chez Martin Bacquaert, les premières bouteilles de rouge devraient sortir en 2012. « Nous avons planté du pinot noir mais nous le vinifierons en effervescent si la maturité n'est pas bonne, indique Martin. Il faut rester humble et ne pas s'entêter. »

Situé à Westouter, dénommé l'Entre-deux-Monts, son domaine n'a que sept ans mais s'étend déjà sur 6,5 ha (26 000 pieds). Diplômé de l'École supérieure d'agronomie de Montpellier (Ensa), le jeune viticulteur constate : « Ça n'est pas forcément facile de se faire connaître, nous sommes si proches de la France. Mais la Belgique compte près de trois millions d'habitants et nous ne sommes que quinze producteurs professionnels. »

Ils ne sont d'ailleurs que deux à vivre des vins du Heuvelland, la dizaine d'autres cultive la vigne pour le plaisir. La Belgique compte aujourd'hui 150 ha de vignes, dont 20 situés dans le Heuvelland. Sur ces 20 ha, près de 15 sont répartis entre le domaine du Monteberg de la famille Six et celui de l'Entre-deux-Monts de la famille Bacquaert. Avant que d'autres ne se lancent à leur tour dans la folle aventure… Affaire à suivre.

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