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VINCENT PUGIBET a été mandaté par les Vignerons indépendants de l'Hérault pour défendre le développement des variétés résistantes aux maladies. © P. PARROT
« La profession est en attente de variétés de vigne résistantes au mildiou et à l'oïdium, affirme Jean-Pierre Van Ruys, le directeur général de l'IFV. Le plan Ecophyto 2018, la pression sociétale, les risques liés à l'utilisation des produits phytosanitaires… Tout concourt à la prise de conscience des viticulteurs de la nécessité de réduire les traitements. Et les variétés résistantes constituent la meilleure solution pour y parvenir. »
« Pour les vignobles sans IG ou à IGP comme celui du Languedoc, ces nouveaux cépages seraient une source importante de compétitivité. Ils produisent des vins réellement biologiques, avec des coûts de traitement minimes », soutient Vincent Pugibet, membre des Vignerons indépendants de l'Hérault, mandaté par son syndicat pour faire avancer ce dossier.
Mais aucune variété n'est disponible. Les multiples croisements menés depuis 1974 à l'Inra de Montpellier par Alain Bouquet, un chercheur décédé en mai 2009, ont bien abouti à la sélection d'une dizaine d'obtentions présentant une très bonne résistance à l'oïdium et une bonne résistance au mildiou tout en donnant des bons vins. Mais leur résistance tient à un seul gène.
De ce fait, elle risque d'être contournée par le mildiou ou l'oïdium. Ce risque incite l'Inra à la prudence. À ce jour, l'institut n'a pas décidé de les diffuser.
En attendant, les Languedociens voudraient se tourner vers les variétés tolérantes allemandes et suisses, déjà plantées dans ces pays. En mai 2011, près d'une centaine de personnes ont assisté à Nîmes (Gard), puis à Narbonne (Aude), aux présentations faites par Volker Jörger, de l'institut de viticulture de Fribourg (WIF), qui a développé ces variétés en Allemagne.
Identifier les variétés adaptées au Languedoc
« Une vingtaine de participants nous ont fait part de leur souhait d'expérimenter ces variétés », affirme Jacques Rousseau, de l'ICV, à l'initiative de cette rencontre. L'ennui, c'est qu'elles ne sont pas inscrites au catalogue français. Dans un premier temps, le ministère de l'Agriculture s'est opposé à leur plantation à grande échelle. Mais les arguments défendus par Vincent Pugibet ont fait leur chemin. La position du ministère semble avoir évolué. Depuis peu, l'expérimentation à grande échelle, avec la vente des vins issus des parcelles expérimentales, paraît possible.
Dans l'attente d'une clarification de la position de l'administration, un programme IFV-ICV soutenu par FranceAgriMer et le conseil général de l'Hérault démarre dès cette fin d'année. Quatre à cinq variétés vont être plantées en début d'année prochaine sur deux sites, en vue de présenter un dossier d'inscription au CTPS (Comité technique permanent de la sélection).
Plus largement, ce nouveau programme vise à identifier les variétés résistantes les mieux adaptées au Languedoc.
Enfin, les travaux se poursuivent sur les variétés d'Alain Bouquet. L'Inra de Pech Rouge a obtenu l'autorisation d'en planter quelques-unes sur 4 hectares dans le cadre d'un programme d'expérimentation soutenu par FranceAgriMer.
À l'IFV, Jean-Pierre Van Ruys plaide pour une diffusion encadrée de ces variétés : « Poursuivons les expérimentations et autorisons une diffusion auprès de viticulteurs qui s'engageront à respecter un cahier des charges et à assurer au besoin deux à trois traitements par an pour éviter les risques de contournement. »
Fin octobre, le ministre de l'Agriculture enjoignait les agriculteurs à « mieux faire » pour atteindre les objectifs de réduction des traitements phytosanitaires fixés par le plan Ecophyto 2018. Une injonction qui pourrait aussi s'appliquer à l'administration. Ne pourrait-elle pas « mieux faire » en simplifiant les règles liées à l'expérimentation de nouvelles variétés ?
Encore deux ans de patience au bas mot
Voici le calendrier le plus optimiste pour l'inscription au catalogue des différentes variétés résistantes ou tolérantes au mildiou et à l'oïdium.
2013 : variétés d'Alain Bouquet dans le cas où l'Inra déciderait de les diffuser.
2016 : première vague de variétés dotées d'une résistante polygénique développées par l'Inra de Colmar (Haut-Rhin).
2017 : variétés allemandes testées en Languedoc.
2019 : deuxième vague d'obtentions de l'Inra de Colmar.
2022 : troisième vague d'obtentions de l'Inra de Colmar.
Rappelons que ces variétés ont toutes été obtenues par des programmes classiques de croisements de différentes variétés et espèces de vigne. Les variétés d'Alain Bouquet tirent leur résistance de Muscadinia rotundifolia, une espèce de vigne originaire du sud-est des États-Unis. Les variétés allemandes tirent leur résistance de Vitis américains. L'Inra de Colmar ambitionne d'obtenir des variétés à haut potentiel viticole et œnologique possédant les gènes de résistance de Muscadinia rotundifolia, de Vitis américains et de Vitis asiatiques.
François Houllier, directeur général délégué de l'Inra « Nous prendrons notre décision au plus tard en 2013 pour les variétés Bouquet »
© C. MAITRE / INRA
LA VIGNE : Il se dit que l'Inra a décidé de ne pas diffuser les variétés résistantes obtenues par Alain Bouquet, qui fut l'un de vos chercheurs. Est-ce exact ?
François Houllier :
Non. À ce jour, nous n'avons pris aucune décision quant à la diffusion ou non des variétés résistantes au mildiou et à l'oïdium issues des travaux pionniers d'Alain Bouquet.
Pourquoi tant de prudence ?
F. H. : Notre expérience avec la pomme de terre ou le tournesol nous incitent à la prudence. Le caractère monogénique des résistances présentes dans les variétés d'Alain Bouquet les expose à un risque accru de contournement de ces résistances par rapport aux variétés polygéniques en cours de développement à l'Inra de Colmar. Et une fois la résistance contournée, l'intérêt du gène concerné est perdu pour toujours. Cela compromettrait non seulement les variétés de Bouquet, mais aussi les variétés polygéniques en cours de développement, qui sont également dotées de ce gène. L'Inra ne peut pas se permettre de gaspiller cette ressource. Il est de notre responsabilité d'approfondir nos connaissances sur les mécanismes de résistance.
Mais les viticulteurs veulent avancer.
F. H. : Nous avons conscience de l'attente des professionnels. Nous discutons avec l'IFV pour cerner les surfaces qui pourraient être plantées avec les variétés Bouquet si elles étaient inscrites au catalogue, car les risques de contournement sont d'autant plus élevés que les surfaces plantées sont importantes. Tout ce travail nous permettra de prendre une décision au plus tard en 2013, en lien avec le ministère de l'Agriculture, car il ne faudrait pas nous retrouver dans une situation paradoxale, où les variétés françaises à résistance monogénique ne seraient pas diffusées, alors que celles en provenance d'autres pays seraient autorisées.
Premier test réussi pour les variétés Bouquet
À l'Inra de Bordeaux (Gironde), François Delmotte et son équipe travaillent sur la durabilité de la résistance des nouvelles variétés de vigne au mildiou. En effet, les populations de mildiou sont capables d'évoluer en s'adaptant à leur plante hôte. Le chercheur inocule les vignes avec une grande diversité d'isolats de mildiou collectés dans différents pays et sur différents cépages afin d'évaluer l'agressivité du pathogène face à ces résistances.
Récemment, il a montré que des populations de mildiou sont capables de contourner la résistance de la variété Regent (variété allemande). En revanche, après deux années d'étude, aucun contournement n'a pu être établi pour le gène de résistance (Rpv1) au mildiou des variétés développées par Alain Bouquet.
