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VIGNE

Dépérissement de la syrah : les dernières avancées

Christelle Stef - La vigne - n°237 - décembre 2011 - page 40

L'IFV a organisé une journée de restitution du programme interrégional sur le dépérissement de la syrah à Nîmes. Près de 200 professionnels y ont participé. Voici ce qu'il faut en retenir
LE SYNDROME du dépérissement de la syrah se caractérise par des crevasses au point de greffe (photo de droite) parfois associées à un rougissement du feuillage à l'automne (photos centrale et de gauche). Un cep présentant ces deux symptômes mourra à plus ou moins court terme. L'apparition des crevasses précède toujours le rougissement du feuillage. PHOTOS A.-S. SPILMONT, IFV

LE SYNDROME du dépérissement de la syrah se caractérise par des crevasses au point de greffe (photo de droite) parfois associées à un rougissement du feuillage à l'automne (photos centrale et de gauche). Un cep présentant ces deux symptômes mourra à plus ou moins court terme. L'apparition des crevasses précède toujours le rougissement du feuillage. PHOTOS A.-S. SPILMONT, IFV

ANNE-SOPHIE SPILMONT, DE L'IFV, a expliqué qu'aucun phytoplasme (petites bactéries sans paroi), ni aucun viroïde (petits virus) n'étaient impliqués dans le dépérissement de la syrah. © C. STEF

ANNE-SOPHIE SPILMONT, DE L'IFV, a expliqué qu'aucun phytoplasme (petites bactéries sans paroi), ni aucun viroïde (petits virus) n'étaient impliqués dans le dépérissement de la syrah. © C. STEF

Depuis les années 1990, un mal mystérieux touche la syrah. Sur les ceps qui en sont atteints, le point de greffe gonfle et présente des crevasses plus au moins profondes. Les feuilles rougissent en fin de végétation. Au bout de quelques années, le cep meurt. C'est le dépérissement de la syrah. Le syndrome est présent dans tous les principaux pays producteurs de vin. Récemment, des chercheurs l'ont observé sur des souches non greffées au Chili et en Argentine. « Le greffage ne semble pas être la cause originelle du dépérissement », en déduit Laurent Audeguin, de l'IFV.

Quelle est l'origine de ce mal ? Comment y remédier ? Chercheurs et techniciens travaillent d'arrache-pied pour y répondre. En 2007, un programme interrégional a été lancé. L'objectif ? Mieux comprendre les causes et les facteurs environnementaux impliqués dans la mortalité.

Voici les résultats de ces travaux, présentés le 8 novembre à Nîmes (Gard).

PRODUCTION DES PLANTS : Toutes les greffes se valent

Bernard Genevet, de la chambre d'agriculture du Gard, a présenté différents essais comparant les modes de greffage. Quel que soit le type de greffe : anglaise ou oméga, des crevasses apparaissent de façon similaire. De même, ce n'est pas en faisant varier la concentration d'hormone au greffage qu'il est possible d'agir sur le mal.

Les greffes en place et les greffes boutures herbacées semblent retarder les symptômes, mais ne les évitent pas.

MATÉRIEL VÉGÉTAL : Trois clones à privilégier

Pascal Bloy, le directeur du pôle national matériel végétal à l'IFV, a rappelé qu'aucun porte-greffe n'est à l'abri du problème. Le 110 R et le 99 R semblent y être plus sensibles que les autres. Il est préférable de les éviter, si un autre choix est possible.

En revanche, il existe trois clones très peu sensibles au dépérissement : les 470, 524 et 747. Ce sont les seuls qu'il est recommandé de planter. Un bémol toutefois pour le 470 : il est très peu productif et n'est donc pas adapté à toutes les situations. À l'opposé, les clones 73, 99, 301, 381, 382, 383 et 585 subissent des taux de symptômes et de mortalité élevés. Ils sont en cours de radiation.

De nouveaux clones à l'étude

L'IFV a développé un test génétique qui permet de distinguer les clones sensibles des clones non sensibles. « Je recommande vivement aux vignerons d'y recourir pour vérifier que les clones qu'ils ont plantés ou qu'ils vont planter appartiennent bien au groupe des clones non sensibles », est intervenu Olivier Jacquet, de la chambre d'agriculture du Vaucluse.

Pour augmenter la palette des clones non sensibles au dépérissement, l'IFV et ses partenaires ont mis en place un nouveau programme de sélection. Plusieurs nouveaux clones sont en cours d'étude. Ils devraient être proposés à l'agrément en 2012-2013.

ORIGINE DES SYMPTÔMES : Une sorte d'étranglement

Selon Anne-Sophie Spilmont, de l'IFV, le rougissement du dépérissement de la syrah se rapproche de celui du rougeot traumatique, lequel résulte d'un accident mécanique comme l'étranglement du rameau. En effet, dans les deux cas, il y a de grandes accumulations d'amidon. En revanche, le rougissement du dépérissement n'est pas comparable à celui de l'enroulement, une virose de la vigne qui ne provoque pas d'accumulation d'amidon.

Anne-Sophie Spilmont a réalisé des observations très fines des tissus de ceps dépérissants et de ceps non dépérissants. Dans le bois crevassé, elle a remarqué des zones nécrosées, c'est-à-dire mortes, et des accumulations de polyphénols.

Dans les feuilles rougissantes, des polyphénols s'accumulent également et les chloroplastes sont remplacés par de gros grains d'amidons. Dans les nervures, de l'amidon et des polyphénols s'accumulent à la périphérie des faisceaux conducteurs.

Dysfonctionnement cambial

Le cambium, le tissu à l'origine des vaisseaux qui transportent la sève, est très affecté. Dans les crevasses, il ralentit, voire arrête de fonctionner. Et quand il fonctionne encore, il forme des cellules anormales. « Le rougissement du dépérissement résulte probablement de la dégradation du liber, les vaisseaux qui transportent la sève élaborée. Du coup, la sève a dû mal à redescendre vers les racines », a expliqué Anne-Sophie Spilmont.

À partir de ces travaux, l'IFV a identifié un marqueur cellulaire précoce du symptôme « crevasses » et donc de la sensibilité au dépérissement. Il consiste à repérer le dysfonctionnement cambial chez les clones très sensibles. « Les crevasses peuvent apparaître visuellement sept à dix ans après la plantation », a rapporté Anne-Sophie Spilmont. Réaliser une sélection clonale est beaucoup trop long. Avec le marqueur précoce, on peut être fixé dix-huit mois après le greffage.

CAUSE DE LA MALADIE : Microbienne ou génétique ?

L'effet clone cache-t-il une cause microbienne ou une cause génétique ? Pour le savoir, plusieurs études ont porté sur la recherche de pathogènes. Olivier Lemaire, de l'Inra de Colmar (Haut-Rhin), a ainsi réalisé un inventaire des virus hébergés par les seize clones de syrah agréés et par des clones modèles. Ses résultats montrent qu'en l'état actuel des connaissances, aucun virus n'est à l'origine du dépérissement de la syrah. Anne-Sophie Spilmont a expliqué qu'aucun phytoplasme (petite bactérie sans paroi), ni aucun viroïde (petits virus) n'étaient impliqués. Même chose pour les bactéries et les champignons.

Reste la cause génétique. L'IFV cherche donc les gènes qui seraient impliqués dans la sensibilité au dépérissement.

MORTALITÉ : Sécheresse et forte charge sont des facteurs aggravants

Marion Claverie, de l'IFV, a expliqué qu'un cep de syrah peut vivre avec ses crevasses pendant quelques années. Puis son feuillage se met à rougir, sans qu'il soit possible de prévoir quand. Ce rougissement résulterait du blocage de la sève élaborée par les crevasses, comme cela se produit après une incision annulaire. Cette sève ne descendant plus dans les racines, les plants feraient de moins bonnes réserves.

C'est la raison pour laquelle un plant développe un feuillage moins vigoureux l'année suivant un rougissement. À l'automne, il rougit à nouveau. La mise en réserve au niveau des racines devient insuffisante. Rapidement, le cep devient chétif et improductif. L'issue est toujours fatale. Inapte à passer l'hiver, le cep meurt « suite à un épuisement progressif de ses réserves », constate Marion Claverie.

Au vignoble, toutes les pratiques ou accidents qui pénalisent la mise en réserve sont donc des facteurs aggravants : forte charge, enherbement trop concurrentiel, contrainte hydrique trop forte…

Le remplacement des souches dépérissantes peut être réalisé via la complantation ou par le regreffage avec des clones peu sensibles. Bien entendu, celui-ci ne peut s'effectuer que si la souche est encore en vie. Il consiste à couper le pied atteint sous le point de greffe, puis à le regreffer.

Autre option : l'arrachage complet de la parcelle, puis la replantation avec des clones non sensibles au dépérissement. La chambre d'agriculture du Vaucluse travaille à l'élaboration d'une règle de décision qui permettrait de savoir, en fonction de l'âge de la parcelle, du nombre de manquants et de la rentabilité de la parcelle, quelle option est la plus judicieuse.

Un cépage crucial pour l'arc méditerranéen

Comme l'a rappelé Laurent Mayoux de FranceAgriMer, la syrah couvre 67 000 ha en France (chiffre de 2010). En trente ans, les surfaces ont été multipliées par 5,6. C'est le premier cépage du Languedoc-Roussillon, où il occupe 33 650 ha (en 2009), soit 15,5 % du vignoble. C'est le deuxième

cépage du bassin vallée du Rhône-Provence, couvrant 31 260 ha, soit 19,4 % du vignoble. De 2001 à 2007, la syrah a été le cépage le plus planté en Languedoc-Roussillon. Elle est valorisée en assemblage pour les rouges et les rosés AOP, en assemblage pour les IGP ou en vin de cépage. Il bénéficie du marché porteur des rosés.

« C'est un cépage associé à l'excellence qualitative. Il est emblématique de la restructuration du vignoble Il présente de multiples possibilités qui resteront incontournables dans les années à venir », insiste Laurent Mayoux.

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