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VIGNE - TECHNIQUE À L'ÉPREUVE

La prévention des troubles musculo-squelettiques « Elle se heurte aux habitudes de travail »

Colette Goinère - La vigne - n°237 - décembre 2011 - page 44

Sécateur électrique, siège roulant, lunette de sécurité et formation aux bons gestes : le château Clarke cultive une politique de prévention des troubles musculo-squelettiques. Malgré les réticences des salariés.
PASCAL PHILIP fait de la prévention des TMS son cheval de bataille. L'enjeu est de taille, car ces quinze dernières années, quatre salariés sur les quatorze affectés à la taille ont dû être opérés du canal carpien. PHOTOS P. ROY

PASCAL PHILIP fait de la prévention des TMS son cheval de bataille. L'enjeu est de taille, car ces quinze dernières années, quatre salariés sur les quatorze affectés à la taille ont dû être opérés du canal carpien. PHOTOS P. ROY

L'ACQUISITION DE SÉCATEURS ÉLECTRIQUES ergonomiques avec poignées tournantes permet de soulager les mains lors de la taille des parcelles de cabernet-sauvignon. Ce cépage ne représente que 20 % du vignoble, mais ses bois sont plus durs que ceux du merlot planté sur le reste du domaine.

L'ACQUISITION DE SÉCATEURS ÉLECTRIQUES ergonomiques avec poignées tournantes permet de soulager les mains lors de la taille des parcelles de cabernet-sauvignon. Ce cépage ne représente que 20 % du vignoble, mais ses bois sont plus durs que ceux du merlot planté sur le reste du domaine.

FORMATION À L'AFFILAGE. Tous les 100 pieds, il faut mettre un coup d'affiloir sur la lame du sécateur en respectant le tranchant. Les salariés ont donc suivi une formation de deux jours pour apprendre cette technique.

FORMATION À L'AFFILAGE. Tous les 100 pieds, il faut mettre un coup d'affiloir sur la lame du sécateur en respectant le tranchant. Les salariés ont donc suivi une formation de deux jours pour apprendre cette technique.

DIFFICILE REMISE EN QUESTION. Un petit noyau de salariés employés depuis longtemps n'a pas voulu renoncer à l'affûtage par la pierre. Pascal Philip va donc remettre en place de nouvelles formations.

DIFFICILE REMISE EN QUESTION. Un petit noyau de salariés employés depuis longtemps n'a pas voulu renoncer à l'affûtage par la pierre. Pascal Philip va donc remettre en place de nouvelles formations.

LES SIÈGES ROULANTS permettent de tailler et d'épamprer en position assise, ce qui soulage le dos. Mais les genoux sont davantage sollicités.

LES SIÈGES ROULANTS permettent de tailler et d'épamprer en position assise, ce qui soulage le dos. Mais les genoux sont davantage sollicités.

Dès 1993, le château Clarke, à Listrac-Médoc, en Gironde, décide d'engager une première action face aux troubles musculo-squelettiques (TMS). De fait, cette année-là, quatre salariés sur les quatorze affectés à la taille depuis une quinzaine d'années ont dû être opérés du canal carpien et se sont retrouvés en arrêt de maladie entre un et quatre mois.

« Avec la MSA et le médecin du travail, nous avons décidé de nous doter de sécateurs électriques pour soulager la main lors de la taille du cabernet-sauvignon. Certes, il ne représente que 20 % du domaine, mais ses bois sont plus durs que ceux du merlot, planté sur tout le reste du vignoble » indique Pascal Philip, chef de culture du château Clarke.

Sur le papier, tout roule. Exit les grosses coupes avec les sécateurs manuels. Désormais, les ouvriers sont invités à travailler avec les sécateurs électriques. Seul l'ébourgeonnage s'effectue encore avec le sécateur manuel. La réalité est tout autre. Utiliser un sécateur électrique suppose de porter des batteries dans le dos ou autour de la taille, soit 6 kg à ajouter au poids du sécateur, qui n'est pas léger.

« Une remise en question difficile »

« Cela n'a pas été évident à faire adopter. Même ceux qui avaient été opérés ne voyaient que les contraintes. Il est difficile de les pousser à changer d'habitude, même si c'est pour qu'ils s'économisent. C'est une remise en question », note Pascal Philip.

Aujourd'hui, le sécateur électrique est laissé au libre choix de chacun. D'autant que le vignoble est enherbé, ce qui limite sa vigueur et la présence de gros bois et d'entre-cœurs.

Pour renforcer sa politique, la propriété se dote de sièges roulants (quatorze sièges à 300 euros pièce) pour la taille et l'épamprage. Histoire d'être assis et de soulager son dos. Mais il y a un hic, le siège génère aussi des inconvénients, car si le dos est épargné, les genoux sont sollicités ! De même, le château a acheté des lunettes de sécurité pour les imposer lors de la taille. Chacun a été consulté pour le type de lunette qu'il souhaitait. Au final, certains les portent et d'autre pas. Motif ? Les montures feraient mal au nez ou aux oreilles, quand ce n'est pas à la tête !

Une formation à l'affilage a également été proposée, car tous les cent pieds, il faut affiler la lame en respectant le tranchant. Certains salariés, employés depuis des lustres, affûtent la lame du sécateur électrique avec une pierre et assurent qu'ils ne savent pas utiliser l'affiloir. Blocage psychologique ? Difficile remise en question ? Le fait est qu'un petit noyau affûte toujours à la pierre.

Pascal Philip, n'est pas homme à baisser les bras. Il a remis en place une formation. Au début du mois de décembre, un organisme est intervenu pour six salariés, les derniers à être entrés dans l'entreprise. Quatorze heures de formation pour apprendre la taille et l'affilage, mais aussi les bonnes postures au travail.

Retour programmé du travail en équipe

Dans un second temps, l'organisme va analyser les connaissances sur la taille, l'affilage et la vigueur de la vigne de tous les autres salariés. Puis ils seront répartis en trois groupes, selon les compétences et les besoins de chacun, avec une formation adéquate à la clé.

Reste une autre interrogation : ne faut-il pas changer le système des primes liées à la qualité et au rendement ? Comme les salariés sont responsables d'une parcelle, ils sont seuls pour la taille, l'épamprage et le relevage. Pour les motiver, une prime à la qualité et au rendement a été instaurée en 1988. Certains font 800‑pieds, alors que d'autres atteignent 1 000 pieds par jour. Avec le risque d'aller trop vite et de se faire mal aux mains lors de la taille ou de l'ébourgeonnage.

« Le système peut se retourner contre nous. Je suis pris entre le marteau et l'enclume. L'employeur veut une certaine rentabilité tout en se souciant de la santé de ses salariés », lâche Pascal Philip. La recette ? « Nous allons revenir à de petites équipes homogènes et transférer la prime individuelle en prime collective, ce qui permettra de motiver le personnel tout en ayant un rythme raisonnable. » Une question qui devra être réglée en 2012. Quoi qu'il en soit, les efforts déjà entrepris ont permis une très forte réduction des arrêts de travail.

Le Point de vue de

Franck Chabut, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA de Gironde

« Il y a urgence »

Franck Chabut, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA de Gironde

Franck Chabut, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA de Gironde

«Château Clarke fait partie des entreprises vraiment mobilisées contre les troubles musculo-squelettiques (TMS). Elle a compris que la performance économique passe par la prise en compte du facteur humain. Elle a su intégrer les solutions techniques avec l'acquisition de sécateurs électriques, de lunettes de sécurité, etc. Mais elle s'est aussi intéressée aux problèmes organisationnels. Je pense au mode de rémunération à la journée, au prix-fait.

De même, pour le volet humain, l'entreprise s'est penchée sur la reconnaissance du travail de l'ouvrier. Ces trois volets participent à la prévention des TMS. Or, nous constatons que bien des entreprises s'en tiennent à la formation des gestes et postures. Apprendre à bien porter des charges, c'est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant.

C'est une approche très limitée, car il n'y a pas de geste idéal pour prévenir les TMS. Nous observons qu'en viticulture, 50 % des TMS recensés au plan national sont en Gironde. Ce département est très touché par ces maladies. La situation est préoccupante. Il y a urgence à intégrer les TMS dans un vrai projet d'amélioration des conditions de travail. »

Cet article fait partie du dossier

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LE TÉMOIN

Pascal Philip

54 ans.

Formation : Bepa viticulture œnologie et brevet de technicien agricole.

Chef de culture du château Clarke.

134 ha (24 ha en AOC Moulis et 110 ha en AOC Listrac).

Trente-neuf salariés (exploitation vinicole Edmond de Rothschild).

Neuf salariés (compagnie vinicole Edmond de Rothschild).

Production : 6 000 hl soit 760 000 bouteilles commercialisées à 80 % à l'export.

LE BILAN

Avantages

Diminution des arrêts de travail.

Prise en considération et amélioration des conditions de travail des salariés.

Inconvénients

Difficulté à faire bouger les mentalités et les habitudes de travail.

Une bonne solution peut générer un problème ailleurs.

L'essentiel de l'offre

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