« Depuis deux ans, nous pratiquons régulièrement des analyses de résidus de pesticides, affirme Stéphane La Guerche, responsable du développement au laboratoire Sarco, à Floirac (Gironde). Auparavant, la demande était ponctuelle, alors qu'aujourd'hui, nous recevons des échantillons toutes les semaines. Le thème de la sécurité alimentaire revient souvent dans les médias, et les consommateurs y sont attentifs. Les vignerons s'approprient ce dossier et veulent savoir ce qu'il y a dans leurs vins. »
Même constat au laboratoire de l'Institut rhodanien, à Orange, dans le Vaucluse. « La demande progresse, même si nous ne pouvons pas encore parler d'analyses de routine. Le plus souvent, il s'agit de vignerons, de coopératives ou de négociants qui veulent vérifier qu'ils respectent bien le cahier des charges de leurs acheteurs », relève Magali Grinbaum, de l'IFV, qui gère le pôle résidus du laboratoire dans le cadre d'un partenariat entre l'IFV et Inter-Rhône.
Vérifier l'efficacité de la conversion au bio
Les premiers à pratiquer ces analyses ont été des vignerons qui se convertissent au bio. « La certification n'impose que des obligations de moyens. Mais ils veulent quand même vérifier le résultat de leur changement de pratiques », constate-t-elle.
« Nous voyons aussi venir des vignerons en conventionnel qui cherchent à aller plus loin dans l'agriculture raisonnée, afin de réduire les résidus dans leurs vins », indique Matthieu Dubernet, du laboratoire Dubernet à Narbonne, dans l'Aude.
« La moitié de nos clients utilisent ces analyses en interne. Certains s'en servent pour mieux raisonner leurs traitements, détaille Stéphane La Guerche. Ils s'intéressent aux matières actives qu'ils utilisent souvent. Par exemple, ils nous demandent de les rechercher sur trois millésimes d'un même vin. D'autres recherchent dans les moûts des molécules qui pourraient freiner le démarrage de la fermentation malolactique. »
Des méthodes plus poussées
Pour répondre à cette demande, les laboratoires investissent. Déjà équipés pour la chromatographie en phase gazeuse, ils ajoutent à leur palette la chromatographie en phase liquide, couplée à la spectrométrie de masse. Les méthodes de préparation et d'extraction des échantillons s'affinent et s'automatisent. Tout cela permet de rechercher plus de matières actives et de travailler en série avec des coûts et des délais réduits. La plupart proposent des analyses multirésidus, ciblées sur les molécules qui peuvent passer la barrière de la vinification. « Beaucoup sont précipitées dans les lies ou dégradées au cours de la fermentation. Sur 116 matières actives autorisées sur vigne, seule une quarantaine peut se retrouver dans les vins », remarque Magali Grinbaum.
Dans le Midi, la moitié des vins sans résidus
Les listes de molécules et les tarifs varient d'un laboratoire à l'autre. « Nous avons un pack de 28 matières actives qui revient à 140 euros par échantillon, avec des prix dégressifs en fonction du nombre. Pour des recherches plus ciblées, le tarif va de 60 à 120 euros », précise Stéphane La Guerche. Le laboratoire Dubernet propose un pack de 46 molécules à 79 euros et un autre de 60 molécules à 179 euros, avec des méthodes analytiques plus poussées.
À l'Institut rhodanien, le pack de 40 molécules avec deux méthodes d'analyse associées coûte 199 euros. « Nous avons aussi un pack spécial export vers les États-Unis à 140 euros. Il permet de vérifier qu'il n'y a pas de résidus de matières actives autorisées en France mais interdites là-bas », explique Magali Grinbaum.
Les délais pour obtenir les résultats vont de deux à dix jours suivant les laboratoires. Les résultats obtenus varient en fonction du vignoble et du climat de l'année. « En 2010, 48 % des vins en conventionnels que nous avons analysés ne contenaient pas de résidus détectables », observe Matthieu Dubernet. Dans d'autres régions que le Midi, les vins sans résidus sont plus rares, sans qu'il faille s'alarmer pour autant. Dans les Côtes du Rhône, « nous mesurons le plus souvent une, deux ou trois matières actives, à des teneurs bien inférieures à celles des limites maximums de résidus sur raisins », souligne Magali Grinbaum.
Les molécules retrouvées le plus souvent sont des fongicides, parmi lesquels le boscalid, le pyriméthanil, le fenhexamid, l'iprovalicarb ou encore l'iprodione. « Ce sont surtout des produits de rattrapage. En raisonnant mieux les traitements, il devrait être possible de réduire ces résidus », estime Matthieu Dubernet. L'IFV a démarré des essais sur ce thème, au vignoble mais aussi à la cave, où l'optimisation des techniques pourrait permettre de faciliter l'élimination des résidus.
Les seuils de détection s'affinent
La sensibilité des méthodes d'analyse s'est considérablement améliorée ces dernières années. « Pour certaines matières actives, elle a été multipliée par dix, voire par cent, et elle peut atteindre aujourd'hui un microgramme par litre », souligne Magali Grinbaum, de l'IFV. La limite de quantification varie en fonction des molécules. « Lorsque nous détectons des traces sans pouvoir les quantifier, nous le signalons simplement au vigneron. Nous ne mentionnons dans le bulletin d'analyses que les teneurs que nous avons pu quantifier, avec une incertitude de 20 % sur la mesure », précise-t-elle. Pour l'instant, il n'y a pas de limites maximales de résidus (LMR) pour les vins.
L'interprétation des résultats s'effectue donc avec les LMR fixées pour les raisins de cuve.
Le Point de vue de
Alexandre Deborne, responsable technique de l'Union des vignerons des coteaux de l'Ardèche, à Ruoms (Ardèche)
« Nous affinons les conseils donnés à nos adhérents »
« En 2010, nous avons mis en place un plan résidus dans le cadre de notre démarche qualité. Nous avons fait rechercher par le laboratoire d'Inter-Rhône un pack de 29 molécules sur 50 échantillons de vins finis. Ceux-ci étaient représentatifs de 117 000 hl sur les 400 000 hl que nous produisons. En 2011, nous avons élargi les analyses aux moûts prélevés à la réception. Dans la plupart des échantillons, nous avons retrouvé quelques molécules, mais avec des teneurs très faibles qui ne posent pas de problème. Cela nous a permis de vérifier que les engagements que nous prenons vis-à-vis de nos acheteurs étaient bien respectés. Nous allons renouveller ce suivi tous les ans pour constituer une base de données à usage interne et acquérir des connaissances sur ces résidus. Cela nous permettra d'affiner les conseils que nous donnons à nos adhérents pour les aider à choisir les matières actives, des doses et la fréquence des traitements ou encore mieux localiser les applications. À l'approche de la récolte, quand il n'y a plus de risque d'oïdium, il est préférable de localiser les antimidious sur la partie supérieure de la végétation plutôt que sur la zone des grappes. »