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VIN

Une très légère oxydation au pressurage convient bien au muscadet

Marine Balue - La vigne - n°237 - décembre 2011 - page 58

Des essais comparatifs entre pressurage inerté et pressurage traditionnel montrent que l'inertage n'est pas forcément la meilleure solution pour les moûts de muscadet.
PRESSURAGE. Sur des jus de melon B, l'inertage au pressurage n'est pas indispensable : une oxydation ménagée apporte plus de thiols. À condition que la vendange soit peu sensible à l'oxydation. © C. WATIER

PRESSURAGE. Sur des jus de melon B, l'inertage au pressurage n'est pas indispensable : une oxydation ménagée apporte plus de thiols. À condition que la vendange soit peu sensible à l'oxydation. © C. WATIER

Priver les moûts d'oxygène au pressurage n'est pas forcément gage de vins riches en thiols, ces molécules à l'origine de notes de fruit de la passion, de pamplemousse ou de buis. C'est ce qu'ont observé des chercheurs de l'Institut français de la vigne et du vin (IFV), d'InterLoire et de l'Inra de Montpellier (Hérault).

Lors des vendanges 2009, ces derniers ont utilisé quatre lots de melon B, ou muscadet, récoltés à la main ou à la machine. Après avoir éliminé les jus de benne, ils ont réparti les lots dans deux pressoirs Bucher Vaslin : un traditionnel et l'autre équipé d'un système d'inertage Inertys.

25 % de 3MH et A3MH en plus en bouteille

Les chercheurs ont dosé les précurseurs de thiols dans les moûts. Ils ont observé que trois d'entre eux (cys-3MH, cys-4MMPn et G-4MMP) ont des teneurs proches, que le pressurage soit inerté ou non. Mais, de manière plus surprenante, la concentration en un quatrième précurseur, le G-3MH, est plus importante dans les moûts issus de pressurage traditionnel que dans ceux issus du pressurage inerté.

La dégustation des vins en bouteille n'a pas révélé de différence marquée selon les traitements. Néanmoins, les chercheurs ont mesuré jusqu'à 25 % de thiols (3MH et A3MH) en plus dans les vins issus du pressurage traditionnel par rapport à ceux du pressurage inerté.

« Une oxydation ménagée au pressurage n'est donc pas défavorable au potentiel en thiols pour le muscadet », considère Rémi Guérin-Schneider, ingénieur de recherche à l'IFV. De plus, il note que c'est en inertant au maximum, dès les premiers jus pressés, que les différences analytiques sont les plus marquées en faveur du pressurage traditionnel.

Pourtant, le chercheur rappelle que les précurseurs de thiols dans les moûts sont connus pour être insensibles à l'oxydation. Seuls les thiols, libérés dans les vins, le sont. « Il semble que le G-3MH se comporte différemment », explique-t-il.

En effet, des travaux préalables en laboratoire ont montré que, suite à une oxydation progressive du moût, la teneur en G-3MH augmente. « En présence d'oxygène, avant la fermentation alcoolique, il se forme plus d'hexènal. On suppose que ce composé réagit avec du glutathion résiduel pour donner du G-3MH », suggère Rémi Guérin-Schneider, précisant que cette réaction ne forme pas d'autres précurseurs que le G-3MH.

Mieux vaut une vendange peu abîmée

Une expérience similaire avec du sauvignon a abouti à la même tendance, mais bien moins marquée que sur le muscadet.

« L'inertage au pressurage est intéressant. Mais pour certains cépages assez neutres au niveau aromatique, comme le muscadet, on peut peut-être l'éviter », estime Rémi Guérin-Schneider. Attention toutefois : sans inertage, mieux vaut une vendange fraîche et peu abîmée, c'est-à-dire peu sensible à l'oxydation.

Des résultats variables sur moûts de rosés

Depuis 2007, le Centre du rosé et l'IFV testent, avec les constructeurs, les pressoirs inertés sur rosé. « Le grenache est le candidat idéal, parce qu'il est très sensible à l'oxydation. L'inertage protège la couleur et le potentiel en thiols », explique Laure Cayla, ingénieure pour les deux organismes. Au contraire, l'inertage n'a pas d'intérêt sur cinsault, peu oxydable et qui ne contient pas de thiols. Avec le mourvèdre, les choses sont encore différentes : les moûts issus de pressurages inertés renferment plus de thiols. Mais de la réduction apparaît souvent à la dégustation. « On peut inerter les moûts, mais en tenant compte des risques de réduction par la suite », suggère Laure Cayla.

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