L'histoire n'a pas retenu son nom, mais Edme Béguillet est l'un des nombreux inconnus qui ont joué un rôle dans la filière vitivinicole française. Ce bourguignon pur jus, né au siècle des lumières, est baptisé le 14 octobre 1729 à la paroisse Notre-Dame de Dijon, en Côte-d'Or. Il exerce tout d'abord comme avocat au parlement de Dijon, puis comme notaire dans cette même ville.
Très peu d'informations sur sa vie ont traversé les siècles. Il reste ses ouvrages, une vingtaine, sur des thèmes aussi variés que l'histoire ou l'éducation. Mais c'est surtout l'agriculture et son économie qui le passionnent, comme en témoigne son livre intitulé « Les principes de la végétation ».
Un plaidoyer pour la viticulture à un ministre du roi
Était-il propriétaire terrien ? Cultivait-il lui-même des céréales et de la vigne pour s'intéresser à ces sujets ? Rien ne permet de l'affirmer. Mais son livre « Œnologie ou discours sur la meilleure méthode de faire le vin et de cultiver la vigne », paru en 1770, est un véritable plaidoyer en faveur de la viticulture et des vins de qualité, de France en général et de Bourgogne en particulier.
Il détaille ses nombreux arguments dans la préface qu'il dédicace à « Monseigneur le comte de Saint-Florentin », ministre et secrétaire d'État de Louis XV. Il y présente les vertus de la France, l'excellence de son terroir, la douceur de son climat, l'importance de la filière viticole pour l'économie française, etc. Et il dresse la liste des « causes pour faire du mauvais vin : le peu de connaissances sur les cépages, le mauvais choix du terrain, la mauvaise culture des vignes, le traitement des vins et enfin les entraves que l'on met au commerce des vins et les impôts dont on charge cette denrée ».
À l'époque, il existe déjà des sociétés royales d'agriculture et des écoles vétérinaires. Le Bourguignon loue leur création, mais il a des regrets : « On n'a encore rien dit ou fait en faveur de la vigne et des vins ; on semble oublier que les vins et les eaux-de-vie sont la principale richesse des Français et la branche la plus fructueuse de notre commerce avec l'étranger. »
Partant de là, Edme Béguillet estime qu'un « gouvernement éclairé » doit accorder des faveurs à la vigne, puisqu'elle « augmente la population et, par conséquent, la consommation des bleds (céréales, NDLR), dont elle soutient la culture (…) sans qu'il paraisse qu'elle doive beaucoup leur nuire, puisque la vigne vient mieux sur des coteaux arides et inutiles à toute autre production et que le vin qu'on y fait est infiniment supérieur à celui qui vient dans les plaines et sur les terres à grains ».
Et de suggérer : « Il serait peut-être à souhaiter que l'on établisse dans toutes les provinces où sont les vignobles les plus renommés, des sociétés d'agriculture spécialement destinées à étudier les meilleures méthodes pour cultiver la vigne et faire le vin. » Il va plus loin encore et déplore : « Les vignerons ne sont point assez instruits. Que sert la fertilité des sols si les cultivateurs sont ignorants ? Il faut donc joindre à la fertilité du sol, les lumières de l'instruction et les secours d'une législation favorable… Quoiqu'en disent certains, il s'en faut beaucoup pour qu'ils aient toujours la théorie nécessaire pour exercer leur art sublime. (…) Il faut fonder des écoles gratuites où leurs enfants puissent apprendre les principes et la théorie de ces arts utiles. »
Le Dijonnais milite également pour une classification et une identification claire des cépages.
Suivent dans son livre des réponses aux différents problèmes abordés. Par exemple, il suggère de planter les vignes sur les coteaux plutôt que dans les plaines. Il recommande aussi d'éviter de complanter différents cépages sur une même parcelle afin d'éviter les différences de maturité.
« Il ne jouissait pas de l'estime publique »
Edme Béguillet « a beaucoup produit et la diversité de ses connaissances lui ont valu les titres de correspondant des académies royales des sciences et des belles-lettres », écrit l'historien Roger Tisserand dans une notice à son sujet. Pour autant, « le notaire Béguillet ne jouissait point de l'estime publique ». Sa notoriété et ses travaux n'ont pas franchi les cercles des élites. Nul n'est prophète en son pays !
Edme Béguillet meurt à Paris en 1786, à la veille de la Révolution française. « Tant que la France conservera son sol et l'heureuse température de son climat, et que le propriétaire apportera à la culture de ses vignes et au traitement de ses vins les soins que nous leur prescrirons, il n'est pas à craindre qu'on puisse jamais lui enlever le débit de ses vins », écrivait-il. Nous n'en doutons pas.