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DOSSIER - Recensement agricole : Le nouveau visage de la viticulture

LANGUEDOC-ROUSSILLON Moins de vignes, plus de champs

Frédérique Ehrhard - La vigne - n°238 - janvier 2012 - page 36

Le plus grand vignoble de France a perdu un cinquième de sa surface et plus du tiers de ses exploitations. Mais il s'est profondément renouvelé grâce aux primes à la restructuration. Les exploitations se sont agrandies. Elles ont clarifié leur stratégie, ne retenant que leurs activités bénéficiaires. Leurs dirigeants sont mieux formés. La région est armée pour rebondir.
La viticulture en Languedoc-Roussillon

La viticulture en Languedoc-Roussillon

Le Languedoc-Roussillon reste le premier vignoble de France par la taille avec 30 % de la surface nationale en vigne et 26 % des exploitations viticoles. Mais la réduction des surfaces, enclenchée dans les années 1975, se poursuit.

60 000 ha en moins

En 2010, les vignes ne couvraient plus que 236 500 ha, soit 60 000 ha de moins qu'en 2000. En dix ans, 120 000 ha ont été arrachés et 60 000 replantés. Les primes à l'arrachage définitif et celles à la restructuration ont accompagné ces évolutions.

« Le changement se lit dans le paysage. Il y a moins de vignes et plus de champs », constate Fabien Berthezène, responsable de la commission vins du syndicat Jeunes agriculteurs. Le vignoble a perdu 21 % de sa superficie, mais il a rajeuni. Avec un rythme de replantation de 6 000 ha par an en moyenne, les vignerons n'ont jamais cessé de restructurer leurs parcelles et d'adapter leur encépagement.

Une viticulture mixte

Les IGP, Pays d'Oc en tête, progressent. Trois vignerons sur quatre en produisent. En 2010, les IGP regroupaient 59 % des surfaces et 73 % des volumes, devant les AOP et les vins sans IG, qui représentent respectivement 21 % et 6 % des volumes.

Une moitié de pluriactifs

En dix ans, 10 000 exploitations viticoles ont disparu, ce qui représente un recul de 36 %. Pour les trois quarts, il s'agissait de petites structures. Sur les 19 800 exploitations qui ont encore des vignes, 18 200 en font leur culture principale. Un peu plus de la moitié (9 600) sont considérées comme grandes ou moyennes. Elles cultivent 92 % du vignoble et, en moyenne, 26 ha chacune.

L'autre moitié des exploitations qui ont la vigne pour culture principale affiche un chiffre d'affaires potentiel de moins de 8 000 euros. Vu ces chiffres, on comprend que 85 % des exploitations du Languedoc-Roussillon restent sous forme individuelle. Mais les sociétés se développent. Avec une surface moyenne de 41 ha, elles pèsent 47 % du potentiel de chiffre d'affaires.

Tenues par des retraités ou par des pluriactifs, les petites exploitations cultivent en moyenne 2,6 ha chacune, soit 8 % seulement du vignoble régional. Cependant, leur présence et leur activité créent du lien dans les villages. « Les pluriactifs gardent leur place, car ils apportent une force humaine à la filière. Après plusieurs années de crise et quelle que soit leur surface, la majorité des gens qui cultivent encore des vignes sont déterminés à progresser, et c'est là l'essentiel », estime Jean-Louis Salies, le président du Conseil interprofessionnel des vins du Roussillon.

Les installations au point mort

La crise qui a démarré en 2005 a freiné le renouvellement des générations. Le rythme des installations a été divisé par cinq. « En dix ans, nous sommes passés d'une centaine à seulement une vingtaine d'installations par an », précise Fabien Berthezène. Cela se lit dans la pyramide des âges.

Dans les moyennes et grandes exploitations, il n'y a plus que 17 % de vignerons de moins de 40 ans, contre 20 % en 2000. Et à l'inverse, il y a 32 % de plus de 60 ans, contre 29 % en 2000. Cette évolution n'est pas irréversible. En 2010, les Points info installation ont reçu plus de porteurs de projets viticoles. « Si la situation économique continue à se redresser, nous pourrions avoir une accélération des installations, comme cela a été le cas à la fin des années quatre-vingt-dix », considère un observateur de la filière.

Des exploitants mieux formés

En 2010, ils étaient 45 % à avoir au moins le baccalauréat, contre seulement 29 % en 2000. La part des femmes exploitantes ou co-exploitantes a légèrement progressé, passant de 25 à 28 %. L'évolution est plus marquée dans les petites structures, où elles sont 33 %. Le bio a fait une percée, avec plus de 1 000 exploitations certifiées contre seulement 148 en 2000.

Recul du travail salarié

En 2010, 32 300 personnes ont travaillé dans la viticulture. En équivalent temps plein, cela représente 21 800 UTA, contre 30 800 en 2000. La réduction du volume de travail est plus marquée que celle des surfaces. Du fait de la crise, beaucoup de vignerons ont réduit les embauches de saisonniers et allongé leurs propres journées de travail.

Ils ont aussi réalisé des gains de productivité en restructurant leurs parcelles et en continuant à développer la mécanisation. Les surfaces vendangées à la machine couvraient 195 300 ha en 2010, soit 83 % du vignoble, contre seulement 61 % en 2000. L'évolution s'est principalement faite par l'arrachage des surfaces qui n'étaient pas adaptées à la machine.

Aujourd'hui, un actif cultive près de 12 ha de vignes, contre 10 en 2000. La surface moyenne par exploitation progresse et passe de 9 à 12 ha. « La professionnalisation se poursuit, suivant différentes stratégies, constate un observateur. Beaucoup misent sur l'agrandissement, mais il y a aussi de petites structures qui réussissent avec une dizaine d'hectares, 25 000 cols bien valorisés et de l'œnotourisme. » « Les vignerons ont analysé leurs chiffres, ajoute Agnès Payan, présidente du syndicat régional des Vignerons indépendants. Certains ont choisi de réduire leur vignoble pour se concentrer sur la bouteille. D'autres ont pris l'option de l'agrandissement et du vrac. »

Moins pour les coops, plus pour les wineries

La part des volumes vinifiés en coopérative a légèrement reculé, de 74 % à 71 %. Les volumes vinifiés par les caves particulières sont restés stables, autour d'un quart de la récolte régionale. Ces chiffres cachent en fait des mouvements dans les deux sens. « Dans mon canton, j'ai vu deux jeunes coopérateurs s'installer en cave particulière et quatre vignerons rejoindre des coopératives performantes », observe Agnès Payan. Les ventes de vendanges fraîches aux wineries ont quant à elles augmenté de 2 à 4 %.

La crise a accéléré la restructuration des coopératives qui ont continué à moderniser leur équipement. La baisse des rendements, qui n'était pas prévue, leur a compliqué la tâche. Elles ont dû répartir leurs frais sur moins de volume et n'ont pas toujours réussi à contenir la hausse des coûts à l'hectolitre. Sous l'effet des fusions, leur nombre a diminué de 315 à 225. Mais il reste encore plus de 300 caveaux de vente dans les villages. Ce maillage commercial a permis d'augmenter la vente directe. Dans les caves particulières, la vente au caveau progresse aussi.

20 % de chiffre d'affaires en moins

Les efforts commerciaux n'ont pas suffi à compenser la baisse des cours. Les résultats par exploitation ont chuté (voir encadré). La sécheresse de ces dernières années a encore aggravé la situation. Entre la chute des surfaces et celle des rendements, le volume de vin produit par le Languedoc-Roussillon est passé de 19 millions d'hl en 2000 à 11 millions d'hl en 2010. Le chiffre d'affaires de la filière au stade production est descendu de 1,16 à 1,046 milliard d'euros, ce qui, en euros constants, représente une perte de valeur de 20 %.

L'espoir revient

Affaiblie, la filière a dû se réorganiser à tous les niveaux. Cette restructuration forcée l'a amenée à consolider ses bases. Mais il y a encore du chemin à parcourir pour structurer l'offre, améliorer les stratégies commerciales et les revenus. Avec la reprise des cours, l'espoir revient. « Il nous reste à capitaliser sur cet optimisme pour continuer à construire », affirme Agnès Payan.

En Roussillon, une coopérative sur deux a disparu

En 2010, le vignoble du Roussillon ne couvrait plus que 25 600 ha. Par rapport à l'an 2000, il a perdu 32 % de sa superficie. Il reste 2 200 exploitations cultivant de la vigne en production principale. Contrairement au Languedoc, les AOP dominent avec 82 % des surfaces. Le vignoble est plus âgé et il y a encore beaucoup de vignes en gobelet, vendangées à la main.

La topographie d'une partie des parcelles complique la mécanisation, qui progresse quand même. « En dix ans, nous avons réalisé des gains de productivité avec le pré-taillage, les sécateurs électriques et la récolte à la machine, qui se pratique aujourd'hui sur 46 % de la surface contre seulement 14 % en 2000 », souligne Jean-Louis Salies, le président du Conseil interprofessionnel des vins du Roussillon.

L'arrachage s'est concentré sur les zones les moins intéressantes pour la qualité ou les plus difficiles à travailler et il a permis de rééquilibrer l'encépagement. « Les vignerons se sont professionnalisés sur des exploitations de 20 ou 30 ha. C'est positif. Mais nous ne devons pas descendre plus bas en surface et en nombre d'exploitations », analyse-t-il.

Entre 2007 et 2010, le Roussillon a enchaîné les petites récoltes jusqu'à descendre à 580 000 hl en 2010 contre 1 200 000 hl en 2000. Les coopératives ont dû achever leur restructuration à marche forcée pour essayer de conserver des volumes en rapport avec leurs charges fixes. En 2010, il n'en restait plus que 28, contre 60 en 2000.

Mais les coopératives restantes ont maintenu un réseau de 53 caveaux de vente, soutenant la vente directe qui représente 30 % des débouchés en Roussillon. Le nombre de caves particulières s'est maintenu avec des créations dans la vallée de l'Agly et des disparitions dans les Aspres ou les Albères. La chute des cours et des volumes a fortement réduit les marges dans la plupart des caves.

La filière est affaiblie mais tient encore debout. En 2011, le rendement est revenu à la normale avec une moyenne de 40 hl/ha, et les cours repartent à la hausse. « Les vignerons recommencent à faire des projets, c'est bon signe ! » ajoute Jean-Louis Salies.

Le Point de vue de

Marc Robert, Gaec de Laguillou, à Cers ( Hérault). 45 ha en 2000, 68 ha en 2010

« Nous avons gagné à travailler ensemble

Marc Robert, à droite, en compagnie de son père, au milieu, et de son associé. © P. PARROT

Marc Robert, à droite, en compagnie de son père, au milieu, et de son associé. © P. PARROT

« La crise a été brutale. En deux ans, nous avons perdu la moitié de notre revenu. Mais c'est dans ces moments qu'il faut se remettre en cause et aller de l'avant.

En 2005, notre Gaec familial a acheté 18 ha qui ont été restructurés, replantés et équipés d'irrigation. En dix ans, grâce à la reconversion qualitative différée, nous avons pu replanter en moyenne 4 ha par an. Avec quinze cépages, nous produisons surtout des IGP Pays d'Oc qui progressent en volume et en prix. C'est avec eux que nous nous sommes développés. Notre surface est passée de 45 à 68 ha sans que nous ayons à embaucher plus grâce aux gains de productivité. Le foncier est groupé, les parcelles font plusieurs hectares et tout est planté à 2,50 m. Avec une cuve de 1 600 litres, je peux traiter 16 ha d'affilée. La récolte mécanique ne se fait plus par entreprise mais en Cuma. Le coût a été divisé par deux. Trouver des tailleurs devient difficile. Depuis deux ans, nous testons la taille mécanique avec de bons résultats et nous comptons adapter de nouvelles vignes. Au sein d'une seconde Cuma, nous avons réalisé une extension du réseau d'irrigation.

Avec 30 ha au goutte-à-goutte, nous régularisons les rendements autour de 90 hl/ha. Autour de nous, peu de vignes ont été arrachées. Le recul des surfaces est surtout dû à l'urbanisation. À la coopérative, il y a eu beaucoup de changements. Nous avons fusionné avec deux autres caves et réussi à améliorer l'équipement sans augmenter les frais de vinification. En 2000, tous les vins étaient vendus en vrac. Aujourd'hui, le quart est valorisé en bouteille. Depuis cinq ans, toutes les parcelles sont visitées par un œnologue et classées. La qualité des vins a progressé. Au caveau, les consommateurs nous le disent. Et en vrac, nous avons noué de bons partenariats. En regroupant nos forces et en gardant le cap, nous avons encore un avenir ! »

Le Point de vue de

Patrick Mauran, EARL Le vignoble des schistes, à Montauriol (Pyrénées-Orientales). 45 ha en 2000, 54 ha en 2010

« Je me suis agrandi tout en renouvelant mon vignoble »

Patrick Mauran, EARL Le vignoble des schistes, à Montauriol (Pyrénées-Orientales). 45 ha en 2000, 54 ha en 2010 © F. EHRHARD

Patrick Mauran, EARL Le vignoble des schistes, à Montauriol (Pyrénées-Orientales). 45 ha en 2000, 54 ha en 2010 © F. EHRHARD

« Durant la crise, le produit brut de certaines de mes parcelles est descendu à 2 000 €/ha. Heureusement que j'ai 12 ha en Muscat de Rivesaltes, une appellation qui est restée bien valorisée, et une entreprise de travaux agricoles en complément. Grâce à cela, j'ai pu continuer à investir. En dix ans, je me suis agrandi de 10 ha. Avec les primes à la restructuration, j'ai replanté 3 ha par an. J'ai transformé les gobelets en éventail. Je les ai palissés. Aujourd'hui, je vendange 85 % à la machine, contre 18 % en 2000. J'ai réduit mes coûts sans sacrifier la qualité. J'ai conservé 9 ha de vieilles vignes vendangées à la main pour faire des côtes-du-roussillon haut de gamme. J'embauche encore une dizaine de vendangeurs ainsi que quatre saisonniers pour la taille et trois pour les travaux en vert. Je n'ai pas fait d'impasses sur les engrais. J'ai pu maintenir des rendements entre 40 et 45 hl/ha. Autour de moi, il s'est arraché une centaine d'hectares par an. À la coopérative, nous sommes une dizaine de jeunes avec des exploitations de plus de 30 ha bien restructurées. Mais les friches ont progressé. En nous regroupant à trois coopératives, nous avons autant de vignes qu'une seule coopérative avant. C'est dommage que nous n'ayons pas fait ce regroupement plus tôt. Nous aurions pu évoluer plus rapidement. La fusion a libéré de l'immobilier qui va nous aider à financer un projet d'œnotourisme. »

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :