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DOSSIER - Recensement agricole : Le nouveau visage de la viticulture

COGNAC Autant de vignes, moins de viticulteurs

Myriam Guillemaud - La vigne - n°238 - janvier 2012 - page 50

La conjoncture est très favorable au cognac. Le vignoble maintient ses surfaces mais les exploitations se concentrent, avec un recours plus grand aux formes sociétaires et à la main-d'œuvre salariée.
La viticulture dans les Charentes

La viticulture dans les Charentes

Elles étaient 6 163 en 2000, elles ne sont plus que 4 000 selon le dernier recensement général agricole. En dix ans, la viticulture charentaise a perdu plus du tiers de ses exploitations spécialisées en viticulture.

Christophe Forget, président de l'Union générale des viticulteurs de Cognac, le regrette. Il rappelle qu'au début des années 1990, il y avait encore 18 000 déclarants de récolte dans la région. « En 2011, il n'en reste que 4 844. Nous assistons à une érosion continue de leur nombre, observe-t-il. La baisse est encore de 2 % cette année. Mais elle est moins marquée que par le passé. C'est encourageant. »

Pour Gilles Baurion, du Centre de gestion Océan, la tendance va encore se poursuivre. « Il y a bien des entreprises qui se vendent de manière classique », entre un cédant et un repreneur qui s'installe dans le métier. « Mais dans la plupart des cas, les exploitations mises en vente sont reprises par des exploitations existantes. L'installation de jeunes reste marginale. Le prix des terres est tel qu'il faut avoir une solide assise financière et un capital conséquent pour pouvoir en acheter… »

La conséquence, c'est la multiplication des sociétés. Avec comme corollaire une plus grande présence des femmes parmi les exploitants. Alors que la transmission se faisait traditionnellement vers les fils, les filles trouvent plus facilement leur place au sein des sociétés qui se créent. « On voit même des femmes qui dirigent leur exploitation tandis que leur mari travaille à l'extérieur », note Patrice Fradet, directeur du CER sur le territoire de Cognac.

Gestion à distance

Depuis peu, un autre mouvement s'observe. « Il y a un retour marqué de l'intérêt des enfants pour les exploitations, souligne Patrice Fradet. La conjoncture est plus favorable avec la hausse des ventes de cognac. Les familles souhaitent conserver leur patrimoine. Mais les enfants travaillent à la ville. Ils ont la quarantaine et des emplois intéressants lorsque leurs parents partent en retraite. Ils reprennent l'exploitation, non pas pour y revenir, mais pour la gérer à distance et la faire cultiver par une entreprise. »

Contrairement au nombre d'exploitations, le poids du vignoble a peu reculé au cours des dix dernières années. Ainsi, Hennessy reste la première entreprise agroalimentaire de toute la région Poitou-Charentes. Et dans les deux départements, la viticulture reste la première production agricole par le nombre d'exploitations. En Charente, 30 % des exploitations sont spécialisées dans la viticulture, autant qu'en 2000 malgré la progression des grandes cultures car celle-ci s'est faite au détriment de l'élevage. Ces exploitations cultivent en moyenne 20 ha et une sur deux cultive plus de 15 ha.

En Charente-Maritime, les exploitations sont plus petites : une sur deux travaille sur plus de 12 ha et leur proportion a reculé de 35 à 28 % du nombre d'exploitations agricoles.

Plus significatif encore, les surfaces de vignes n'ont pas bougé. En Charente, elles ont même progressé de 1 500 ha entre les deux derniers recensements pour arriver à 40 600 ha, dont 96 % sont affectés au cognac. Dans le même temps, la Charente-Maritime a perdu 1 350 ha.

Au total, le vignoble des deux départements occupe 79 300 ha. Il s'est aussi concentré autour de Cognac. Au début des années 2000, alors que la région était encore en crise, des producteurs ont acheté des vignes bon marché dans les zones périphériques du sud de la Charente-Maritime. Ils les ont cultivées pendant deux ans, la durée minimum obligatoire, puis les ont arrachées pour aller replanter en petite ou grande Champagne.

Le défi de la main-d'œuvre

L'agrandissement des exploitations s'accompagne d'un recours plus important à de la main-d'œuvre salariée. La famille n'est plus aussi disponible que par le passé. Les parents ont des retraites souvent bien remplies. Les enfants vivent loin de leurs parents et pratiquent d'autres métiers. En Charente-Maritime, la part de la main-d'œuvre familiale est ainsi tombée de 18 à 11 % entre 2000 et 2010. Ces chiffres concernent toutes les productions, mais la viticulture emploie à elle seule un salarié sur trois dans ce département. Pour compenser cette désaffection, les viticulteurs ont davantage recours aux salariés. Avec une nouvelle évolution apparue au cours des dix dernières années : la proportion des salariés à temps complet va croissant tandis que les saisonniers sont moins présents. Les premiers représentent aujourd'hui 51 % de la main-d'œuvre salariée en Charente-Maritime, contre 44 % il y a dix ans.

« Les structures grossissent et elles recherchent une main-d'œuvre plus stable, observe Gille Baurion. Quand elles trouvent un bon salarié, elles essaient de le garder. » Mais cette main-d'œuvre extérieure est encore insuffisante. C'est l'un des défis que doit relever la viticulture charentaise dans les prochaines années.

Le Point de vue de

Michel Barbeau, viticulteur à Sonnac (Charente-Maritime). 16 ha en 2000, 18 ha en 2010

« Mon travail est devenu plus solitaire »

Michel Barbeau, viticulteur à Sonnac (Charente-Maritime). 16 ha en 2000, 18 ha en 2010

Michel Barbeau, viticulteur à Sonnac (Charente-Maritime). 16 ha en 2000, 18 ha en 2010

« Je suis à la tête d'une exploitation familiale transmise de père en fils dans le secteur des fins bois (l'un de ceux qui font office de zone tampon lors des crises du cognac, NDLR). Mais je suis seulement à quinze kilomètres de Cognac et beaucoup de distillateurs sont implantés dans les environs. L'exploitation a toujours bien fonctionné, même pendant les périodes creuses.

Je n'ai pas eu de problème pour me faire contractualiser. Et dans l'ensemble, ça tient. Au cours des dix dernières années, j'ai repris 2 ha de vignes et je suis passé de 16 à 18 ha. Ce qui m'a marqué, c'est la diminution du nombre d'exploitations. Autour de moi, beaucoup de fusions se sont produites. Auparavant, une exploitation sans successeur allait en agrandir quatre ou cinq voisines. Désormais, des exploitations existantes reprennent des exploitations entières. On se retrouve avec des sociétés ayant des vignes sur des communes parfois distantes de plusieurs dizaines de kilomètres, dans des petites régions différentes, avec des salariés différents.

Tout ce qui se crée aujourd'hui, c'est sous forme de société. En dix ans, mon travail est devenu plus solitaire. Avant, on pouvait compter sur le grand-père, le père, l'épouse, tout le monde donnait un coup de main. Aujourd'hui, même les parents ont des activités annexes pendant leur retraite, ils sont encore plus actifs que leurs enfants. Pour m'informer, je me suis orienté vers le syndicat des viticulteurs.

On y retrouve un échange, un esprit collectif. Quant à mon exploitation, elle n'a pas beaucoup évolué ces dernières années.

Mon père avait démarré la vente directe quand je me suis installé avec lui. Mais moi, je n'ai pas de successeur. Mon fils est oenologue dans une grosse distillerie de la région et il ne compte pas reprendre l'exploitation. C'est beaucoup de contraintes, pas de week-ends, pas de vacances… Même si je ne suis pas pressé de prendre ma retraite, je maintiens l'activité sans entreprendre de nouvelles démarches depuis cinq ou six ans. »

L'essentiel de l'offre

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