La superficie du vignoble diminue en Touraine. La baisse est de 4 % en Indre-et-Loire, qui compte 9 916 ha de vigne en 2010. Son voisin, le Loir-et-Cher, voit son vignoble régresser plus nettement, perdant 14 % pour arriver à 7 000 ha. Tel est le premier enseignement du dernier recensement général agricole publié par Agreste. Pour l'essentiel, la baisse est localisée dans la vallée du Cher et en Sologne viticole, où sont produits des vins de pays et surtout l'AOC Touraine générique.
Les producteurs font face à un marché difficile. « À la faible récolte de 2003, consécutive à la canicule, a succédé une récolte pléthorique l'année suivante, analyse Luc Percher, le président de la Fédération des associations viticoles du Loir-et-Cher. Les cours se sont effondrés à 30 €/hl au pire de la crise et les maladies du bois, qui affectent 10 à 15 % des ceps par an dans la région, ont découragé de nombreux producteurs. »
La vente directe est en hausse
Les appellations communales des bords de Loire ont vécu une décennie moins tourmentée. De 2000 à 2010, « les surfaces en vigne des AOC Chinon, Bourgueil et Saint-Nicolas-de-Bourgueil sont restées stables », confirme Jean-Max Manceau, le président de l'ODG de Chinon. Même constat à Vouvray ou Montlouis. Les AOC Cheverny et Coteaux du Vendômois, en Loir-et-Cher, évoluent peu également.
Plus spectaculaire est la forte concentration des exploitations. Là encore, les deux départements ne sont pas logés à la même enseigne.
En 2010, l'Indre-et-Loire comptait 921 exploitations spécialisées en viticulture. C'est 41 % de moins qu'il y a dix ans. En Loir-et-Cher, la chute est plus sévère. Il ne reste que 426 exploitations, soit presque moitié moins (48 %) qu'en 2000.
Vente directe en hausse
La majorité des exploitations disparues sont de petites structures. « En l'absence de repreneur, ou faute de rentabilité, les exploitants approchant l'âge de la retraite ont opté pour l'arrachage », déplore Luc Percher. De fait, les conditions d'un agrandissement des exploitations les plus dynamiques se trouvent réunies. La SAU par exploitation fait un bon de 4 ha en dix ans. On cultive aujourd'hui en moyenne 10,8 ha de vigne en Indre-et-Loire et 12,25 ha en Loir-et-Cher, qu'on cherche à mieux valoriser.
En effet, la vente directe, à l'export mais surtout au consommateur, est en hausse. Elle représente 35 % (+10 %) des ventes totales de vin en Loir-et-Cher et 42 % (+5 %) en Indre-et-Loire. « La quasi-totalité de nos exploitations signalent aux visiteurs un caveau ouvert au public », remarque Guillaume Lapaque, directeur de la Fédération des associations viticoles d'Indre-et-Loire. « Les jeunes s'investissent de plus en plus dans la vente directe », souligne Luc Percher. Les viticulteurs cherchent à moins dépendre du négoce. Dans une région au fort potentiel touristique, près de 8 % des exploitations d'Indre-et-Loire et 14,5 % de celles du Loir-et-Cher exercent une activité de restauration ou d'hébergement.
La viticulture est au premier rang des exploitations biologiques de la région Centre, toutes cultures confondues. Il y en a 40 en Loir-et-Cher et 78 en Indre-et-Loire. Les vignes conduites en bio ou en cours de conversion atteignent 1 025 hectares en Indre-et-Loire et 486 en Loir-et-Cher, selon Sébastien Bonduau, de la Coordination agrobiologique du Val de Loire. « Une progression régulière moyenne de 20 % par an », précise-t-il. Cette évolution témoigne d'une réelle volonté de produire mieux, pour la santé autant que pour l'environnement. La conversion peut aussi être motivée par la recherche de débouchés.
Biologique ou non, la viticulture est le deuxième utilisateur de main-d'œuvre agricole en Indre-et-Loire, le troisième en Loir-et-Cher. Rapporté à la surface du vignoble, le secteur viticole reste un gros employeur avec l'équivalent de 3 597 unités de travail agricoles sur 16 916 ha, un nombre en baisse de 20 % en dix ans.
Les exploitants ont presque 54 ans en moyenne en Indre-et-Loire, seulement 50 ans en Loir-et-Cher. 15 % des chefs d'exploitation sont des femmes. Les viticultrices sont, en proportion, moins nombreuses que les agricultrices.
Le Point de vue de
Pascal Pibaleau, viticulteur à Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire). 16 ha en 2000, 12 ha en 2010
« Le bio a dynamisé notre chiffre d'affaires »
« Je me suis installé en Gaec sur 7 ha avec mon père en 1987. J'ai ensuite repris la totalité de l'exploitation avec ma femme en 1996. La superficie a progressé de 6 ha entre 1996 et 2000. L'exploitation comptait 16 ha quand nous avons décidé d'une conversion en agriculture biologique en 2005. L'agriculture conventionnelle ne nous semble pas compatible avec notre façon de vivre. Nous pratiquions déjà l'agriculture raisonnée depuis longtemps.
Nous avons obtenu le logo AB en 2008. C'est l'aboutissement d'une démarche progressive.
Nous la poursuivons cette année par une certification en biodynamie. Nous venons de nous séparer de 3,4 ha trop éloignés de notre exploitation.
En complantant mieux nos parcelles, nous pensons augmenter peu à peu rendements et volumes. L'encépagement est constitué majoritairement de chenin (4,4 ha), de grolleau (4,3 ha), de gamay, de cabernet sauvignon, de cot et de sauvignon. Le passage en bio a dynamisé le chiffre d'affaires de 20 à 25 % par an depuis trois ans. Nous écoulons 60 % de notre production au caveau. Nos exportations ont doublé depuis 2008 vers les États-Unis d'abord, puis l'Angleterre. Elles représentent aujourd'hui 25 % de nos ventes. Nous avons désormais peu de stock. Nous produisons 50 000 bouteilles et un peu de bibs en AOC Touraine Azay-le-Rideau blanc et rosé, en Touraine rouge et en crémant. Nous cherchons à faire de la qualité.
Nos rendements se situent en moyenne autour de 40 hl/ha.
Nos sols souffrent peu du stress hydrique, même en année sèche, mais le mildiou en 2007, puis le gel en 2008 et 2010 ont presque réduit les récoltes de moitié. En parallèle, nous avons développé depuis plus de vingt-cinq ans une activité de prestation de service pour la mise en bouteilles et le dégorgement du crémant.
Elle est portée par un véritable engouement pour les bulles. En plus de notre production, nous traitons 150 000 bouteilles par an. Le vignoble et la prestation occupent quatre salariés, dont ma femme et moi. Dans notre région, les exploitations qui ont disparu sont les plus petites, celles qui avaient aussi un peu d'arboriculture. Les exploitations qui sont viables trouvent repreneurs. L'appellation Touraine Azay-le-Rideau compte quinze vignerons. Trois sont en bio et autant en conversion. »