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DOSSIER - Recensement agricole : Le nouveau visage de la viticulture

ANJOU-SAUMUR Sous la stabilité, le mouvement

Patrick Touchais - La vigne - n°238 - janvier 2012 - page 58

En dix ans, la surface du vignoble angevin n'a pas bougé, conformément à la volonté des responsables professionnels. Mais sous cet immobilisme apparent, les exploitations n'ont pas cessé de grandir et de s'adapter à la demande des marchés friands de rosés et d'effervescents.
La viticulture dans le Maine-et-Loire

La viticulture dans le Maine-et-Loire

La surface du vignoble d'Anjou-Saumur n'a quasiment pas évolué en dix ans : 20 400 ha en 2010, 20 200 en 2000. La récolte non plus. Elle donne environ un million d'hectolitres de vins, majoritairement des appellations d'origine contrôlée.

Cette stabilité correspond à une volonté des responsables syndicaux du Maine-et-Loire. « Nous avons toujours voulu gérer le potentiel de production de nos appellations », souligne Patrice Laurendeau, président de la Fédération viticole de l'Anjou depuis 2004. Son prédécesseur, Pierre Aguilas, menait déjà la même politique. « Quand je plaide à l'Inao pour obtenir quelques hectares de nouveaux droits, je précise toujours qu'il s'agit de maintenir notre potentiel, mais pas de le développer », précise-t-il.

« Le cabernet-d'anjou : une belle réussite »

Pour autant, le vignoble n'est pas figé. Il s'adapte à la demande des consommateurs et des acheteurs grâce à deux cépages polyvalents, le chenin et de cabernet franc, dont les raisins peuvent donner une grande variété de vins.

Le Cabernet-d'Anjou a bousculé la donne. En une décennie, cette appellation de rosé demi-sec est passée de 2 600 à 5 300 ha et de 160 000 à 330 000_hl. L'autre appellation demi-sec, le Rosé-d'Anjou a poussé ses surfaces jusqu'à 2 500 ha au milieu des années 2000. Mais en 2010 il est revenu au niveau de 2000, soit 2 100 ha.

Cette forte progression du cabernet-d'anjou a impacté les volumes de vins rouges. Les vignerons ont vinifié une part croissante de leur cabernet franc, voire de leur cabernet-sauvignon, en cabernet-d'anjou. Les appellations de rouge ont ainsi perdu 1 400 ha en dix ans, passant de 5 000 à 3 600.

Président des rosés de l'Anjou de 2001 à 2010, Olivier Lecomte a vécu toutes ses évolutions. « Personne au début des années 2000 n'aurait parié sur un doublement de la production du cabernet-d'anjou. Nous sentions bien un engouement sur les rosés, que nous avons accompagné dès 2002 en développant la promotion, mais après 2005, notre AOC est devenue une référence incontournable en grande distribution. »

Aujourd'hui, les choses sont un peu plus tendues après le gel de 2008 qui a perturbé les marchés puis deux récoltes trop généreuses en 2009 et 2010. « Mais au final, avec le recul, sur dix ans, c'est une belle réussite des vignerons, de la coopération et du négoce. » Parallèlement, dans les blancs, les vins tranquilles ont reculé au profit des vins à bulles. Le saumur mousseux a gagné quelque 300 ha. Et le crémant de Loire est passé de 450 à 1 000 ha. « Ce n'est pas un phénomène de mode, explique Gilles Foulon, président des négociants du Val de Loire et directeur de la maison saumuroise Veuve Amiot. Nous avons un marché propre, avec des produits régionaux et une clientèle fidélisée. L'évolution qualitative date des années quatre-vingt-dix, avec un travail sur l'acidité notamment. »

Nicolas Rubin, technicien à l'ATV 49, détaille : « Les vignerons cherchent de meilleurs équilibres sucre-acidité. » Ils récoltent à des niveaux de maturité plus élevée. Les exploitations ont également changé. Celles jugées non professionnelles (moins d'un hectare exploité en moyenne) sont en cours de disparition. Elles étaient près de 800 en 2000, cultivant 586 ha de vignes. Elles ne sont plus que 157 en 2010, pour 160 ha.

L'optimum de surface est atteint

Comme ailleurs, la surface par unité a significativement augmenté, passant de 12,4 ha en moyenne pour les exploitations professionnelles en 2000, à près de 20 ha en 2010. Du coup, le nombre d'entreprises viticoles (exploitations individuelles et en société) a inévitablement chuté. En dix ans, elles sont passées de près de 1 600 à un peu plus de 1 000. Le nombre d'exploitants a chuté dans des proportions moindres : 2 000 en 2000, contre 1 400 en 2010.

À noter que, parallèlement, le niveau d'études a progressé. 45 % des exploitants ont un bac ou plus aujourd'hui, contre 27 % en 2000.

« Au-delà de toutes les évolutions, c'est plutôt réconfortant de voir notre vignoble se maintenir », apprécie Patrice Laurendeau. En se projetant dans l'avenir, il estime que les exploitations ne vont plus beaucoup grossir. « On a vécu un tournant. Les exploitations sont parvenues à un optimum de surface. Je pense même que certaines vont lâcher des hectares. L'enjeu maintenant, c'est de bien commercialiser les vins. »

Autre enjeu : enrayer la perte de vitesse des anjou et saumur rouges. Dans ce but, les appellations viennent de confier une étude à la société Vivélys qui doit trouver, avec les producteurs, les itinéraires techniques pour produire des vins en adéquation avec les marchés.

Le Point de vue de

Gérard Poupart, associé à son frère Dominique et à son neveu Nicolas, au domaine de Fonteny, à Brissac-Quincé (Maine-et-Loire). 37 ha en 2000, 48 ha en 2010

« Nous avons triplé notre production de cabernet-d'anjou »

Gérard Poupart, associé à son frère Dominique et à son neveu Nicolas, au domaine de Fonteny, à Brissac-Quincé (Maine-et-Loire). 37 ha en 2000, 48 ha en 2010

Gérard Poupart, associé à son frère Dominique et à son neveu Nicolas, au domaine de Fonteny, à Brissac-Quincé (Maine-et-Loire). 37 ha en 2000, 48 ha en 2010

« En 2000, le domaine comptait 37 ha de vignes, dont les deux tiers étaient livrés à la coopérative les Caves de la Loire. À cette époque, nous avons repris 6,5 ha à un voisin qui prenait sa retraite. Et comme nous avions une vingtaine d'hectares de terres nues, dont certaines étaient classées en appellation, nous avons planté ou replanté 1 à 2 ha tous les ans. Aujourd'hui, nous exploitons 48 ha de vignes quasi exclusivement en appellation. Nous livrons les deux tiers à la coopérative et vendons l'autre tiers en trois parts à peu près égales.

Nous avons un contrat de moût en rosé-d'anjou avec un négociant. Nous vendons du cabernet-d'anjou au négoce hors contrat. Et le reste est vendu à une clientèle particulière. Notre domaine est majoritairement orienté sur des cépages rouges, plus de la moitié est plantée en cabernet franc. À l'image du vignoble angevin, la production de cabernet-d'anjou a fortement augmenté chez nous en dix ans.

Nous sommes passés de 400 à 1 400 hl au global. À la coopérative, qui est l'un des gros opérateurs de cette appellation, nous avons multiplié nos apports par 4,5. Les aides à la restructuration étaient intéressantes pour planter du cabernet franc. Nous en avons profité. Et la coopérative rémunérait ce cépage mieux que les autres. C'est intéressant d'en produire… à condition d'avoir le rendement. Nous voulons donc renouveler régulièrement notre vignoble pour tenir les volumes. Nous avons prévu de planter encore 2 ha de cabernet franc car nous croyons au cabernet-d'anjou. Cette année, hormis les rosés, nous avons vinifié une cuvée de crémant de Loire pour la vente directe. Il y a une demande de la part de la clientèle. Mais la vente directe est beaucoup plus difficile. Il faut passer plus de temps qu'avant pour vendre le même volume.

À la coopérative, du bon travail a été d'effectué sur la qualité, avec des cahiers des charges de plus en plus exigeants. C'est normal. Il faut s'adapter. Sauf pour la paperasse… J'ai doublé mon temps de travail administratif en dix ans. »

L'essentiel de l'offre

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