MONTEFALCO doit sa renaissance au sagrantino, un cépage riche en polyphénols qui donne des vins très colorés. Les critiques ont salué l'initiative des vignerons de le vinifier en vin sec. Il entre à 100 % dans la composition du sagrantino di Montefalco, un vin DOCG. © P. CANALI/PHOTONONSTOP
IACOPO PAMBUFFETTI (ci-dessus), en charge des ventes du domaine Scacciadiavoli, déguste son spumante à base de sagrantino. Avec cet effervescent, il espère trouver un débouché supplémentaire pour ce cépage rouge trop planté.
FILIPPO CARLETTI (ci-contre), le directeur du domaine Arnaldo Caprai, le plus grand de Montefalco, l'assure : « En dix ans, le prix du raisin a chuté de 200 à 20 euros par quintal. » © T. JOLY 6
LE CAVEAU du domaine Arnoldo Caprai est le plus vaste et le plus moderne de l'appellation Montefalco. On y déguste les vins dans une ambiance très lumineuse.
ESSAIS. Les viticulteurs en réalisent beaucoup. En haut, un essai de surgreffage chez Scacciadiavoli. En bas, un essai de plantation à double densité mené par Arnoldo Caprai, qui teste également de nombreuses variétés. © T. JOLY
Petite ville proche de Pérouse, Montefalco est apparue sur le devant de la scène viticole dans les années quatre-vingt-dix avec le sagrantino. Ce cépage rouge n'est pourtant pas nouveau. Probablement ramené d'Asie Mineure par des moines franciscains au XVe siècle, il a, depuis, toujours été cultivé dans la région.
Autrefois, il était utilisé pour produire un vin doux : le sagrantino passito. Obtenu en faisant sécher les raisins pendant trois à quatre mois avant de procéder à la vinification, il était servi comme vin de messe et offert durant la semaine sainte.
Deux marchés qui se sont réduits au fil des ans. Si bien qu'au début des années soixante-dix, il ne restait plus que quelques dizaines d'hectares de vignes. C'est alors qu'un vigneron eut l'idée d'employer ce cépage très riche en polyphénols pour produire des vins rouges classiques : le montefalco sagrantino, un monocépage, et le montefalco rosso, un vin d'assemblage.
Le premier est devenu le portedrapeau de l'appellation. Le second comprend 60 à 70 % de sangiovese, 10 à 15 % de sagrantino et 15 à 30 % d'autres variétés, les principales étant le merlot et le cabernet-sauvignon. Respectivement distingués par une DOCG et une DOC (des appelations) dans les années quatre-vingt-dix, salués par les critiques, ils ont permis une renaissance de la viticulture locale.
Des domaines bien équipés
Entre 2000 et 2010, les surfaces en DOCG sont passées de 153 à 420 hectares et en DOC de 123 à 660 hectares, amenant la production à 4,9 millions de cols, contre 1,7 million en 2002.
Cette production est assurée par deux coopératives et une soixantaine de domaines bien équipés, où le contrôle des températures est de règle, et où la plupart continue à produire un peu de passito, toujours vendu en demi-bouteille.
Fondée en 1971, Arnaldo Caprai, la plus grande de ces propriétés, cultive 150 hectares de vignes et emploie 25 personnes. « 25 hectares sont expérimentaux. Nous y effectuons des essais de variétés, de densité et de taille, suivis de microvinifications », précise Filippo Carletti, son directeur. Quant au reste, 90 % appartiennent aux deux appellations et 10 % sont en IGP. Toutes les parcelles ont été plantées à partir des années quatre-vingt-dix entre 5 000 et 6 000_pieds par hectare, des densités communes dans la région. Toutes sont enherbées. Elles sont encépagées en sagrantino, sangiovese, merlot, cabernetsauvignon et grechetto, un cépage blanc.
Cette dernière variété doit représenter au moins 50 % de l'assemblage du DOC Montefalco blanc. Le cahier des charges de l'appellation prévoit qu'elle peut être complétée par du trebbiano toscano et d'autres variétés, dont le chardonnay.
Ce blanc compte pour près de 20 % de la production du domaine, autant que le sagrantino. Une exception pour l'appellation. En effet, « le blanc ne représente que 1 % des vins de Montefalco, mais la demande est en hausse, alors qu'elle est quasi inexistante pour le rosé », note Rocco Trauzzolla, en charge de la promotion au sein du consortium des vins (Consorzio tutela vini Montefalco), l'équivalent d'un ODG en France.
Scacciadiavoli, autre domaine réputé, élabore aussi un spumante (effervescent) à partir de chardonnay. « Mais il s'agit de petites quantités et notre production est aux trois quarts constituée de montefalco rosso et de sagrantino », détaille Iacopo Pambufetti, en charge de la commercialisation au sein de cette exploitation familiale qui compte huit salariés et 33 hectares de vignes.
Pour la première fois en 2010, le domaine Scacciadiavoli a utilisé le sagrantino pour produire un spumante. Cette diversification pourrait faire des émules, car ce cépage est victime des espoirs qu'il a suscités : il souffre d'une surproduction.
« Certains cassent les prix »
« En dix ans, le prix du raisin a chuté de 200 à 20 euros par quintal, assure Filippo Carletti. Les surfaces sont sous-évaluées du fait d'un retard dans les enregistrements administratifs. La surface réellement plantée avoisine sans doute 1 000 hectares. De même, le nombre exact de domaines est d'environ 80. Jusqu'en 2007, la région a encouragé leur création sans se soucier des débouchés. Pour se faire une place sur le marché, certains n'hésitent pas à casser les prix. »
En raison de cette surproduction, « les plantations sont suspendues depuis 2005 et ce moratoire devrait être prolongé », explique Rocco Trauzzolla. Une mesure sage, car le marché semble saturé. « Je vends deux bouteilles de montefalco pour une de sagrantino, car c'est un vin robuste et tannique qui s'adresse aux connaisseurs », affirme Iacopo Pambuffetti.
Le sagrantino est également victime de la crise économique en Italie. Avec un prix moyen départ cave hors TVA de 8 à 16 euros, voire plus, il est trois fois plus cher que le montefalco rosso. Sa récolte est en effet toujours manuelle et il demande des vendanges en vert car le rendement maximum autorisé n'est que de 80 quintaux par hectare. De plus, il doit être élevé au minimum trente mois, dont douze en fûts, alors qu'il n'y a aucune obligation de passage sous bois pour la DOC.
L'Ombrie reste le principal marché et l'export ne compte que pour 20 % des ventes de l'appellation. Mais certains domaines font mieux. « 30 % de nos vins partent en Suisse, en Belgique, ainsi qu'aux États-Unis, et nous commençons à percer en Russie », certifie Iacopo Pambuffetti.
Le pari de l'œnotourisme
Les exportations, en premier lieu vers les États-Unis, atteignent même 45 % chez Arnaldo Caprai qui mise aussi sur l'oenotourisme. Il a été l'un des initiateurs de la Strada del Sagrantino, association qui promeut les vins, les produits agricoles et les hébergements de charme de la région.
Doté d'un espace vente moderne et spacieux où sont organisés divers événements, le domaine accueille 20 000 visiteurs par an et écoule 8 % de ses vins en direct. La voie de l'avenir ?