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VIGNE

L'analyse de sarments entre dans les mœurs

Frédérique Ehrhard - La vigne - n°239 - février 2012 - page 42

Réalisée en complément d'une analyse de sol, l'analyse de sarments aide à établir un diagnostic dans les parcelles où les vignes ont des problèmes nutritionnels.
LES PRÉLÈVEMENTS de sarments doivent se faire entre novembre et février selon un protocole précis. Il faut ensuite les envoyer rapidement au laboratoire, car l'amidon se dégrade. © C. THIRIET

LES PRÉLÈVEMENTS de sarments doivent se faire entre novembre et février selon un protocole précis. Il faut ensuite les envoyer rapidement au laboratoire, car l'amidon se dégrade. © C. THIRIET

Les laboratoires qui pratiquent l'analyse de sarments constatent une hausse de la demande. Réalisées pendant le repos hivernal, elles permettent d'évaluer le niveau des réserves constituées par la vigne.

« La plupart des prélèvements nous sont envoyés par des fournisseurs d'engrais qui s'appuient sur nos résultats pour proposer un plan de fumure. D'autres nous arrivent par des conseillers indépendants qui ont besoin d'informations complémentaires à une analyse de sol pour affiner leur diagnostic dans des parcelles à problème », relève Bernard Duzan, responsable des cultures pérennes au laboratoire Galys de Toulouse, en Haute-Garonne.

Même constat chez InVivo labs, à Chierry, dans l'Aisne, qui travaille pour les coopératives d'approvisionnement, ou chez LCA, à Bordeaux, en Gironde. « En 2011, nous avons réalisé 3 000 analyses de sarments, soit près du double qu'en 2010 », constate Alain Kleiber, ingénieur-conseil à LCA.

Les prélèvements se font avant la taille, entre novembre et février. À la réception, le laboratoire broie les sarments et analyse leur composition. Il mesure la teneur en sucres totaux et en amidon ainsi qu'en azote, phosphore, potasse, calcium, magnésium, fer, manganèse, zinc, cuivre et bore. D'un laboratoire à l'autre, le coût d'une analyse varie entre 60 et 80 euros. Celle-ci peut être assortie d'un simple commentaire de lecture ou d'une note de synthèse avec l'analyse de sol.

Pour interpréter les résultats, les laboratoires se constituent un référentiel par cépage, en établissant pour chaque élément minéral des moyennes pondérées à partir des valeurs obtenues dans les analyses précédentes. Le référentiel s'affine au fil des années. « L'idéal est de le décliner en fonction des types de sol, précise Alain Kleiber. C'est ce que nous avons pu faire en Bordelais, où nous réalisons beaucoup d'analyses de sarments. »

Utile dans les parcelles qui manquent de vigueur

Les conseillers viticoles s'accordent sur la nécessité d'analyser le sol et la plante pour diagnostiquer les problèmes nutritionnels. Cependant, certains estiment qu'avec l'analyse de sarments, on ne dispose pas d'assez de recul pour pouvoir interpréter avec certitude les valeurs mesurées. Pour eux, mieux vaut se fier aux analyses de feuille ou de pétiole, pour lesquelles les références sont mieux établies.

Thierry Massol, conseiller viticole à la chambre d'agriculture du Tarn, ne voit pas les choses ainsi. « En cours de cycle végétatif, la composition des feuilles se modifie rapidement, explique-t-il. Les résultats des analyses varient donc en fonction de la date de prélèvement. Alors que durant le repos hivernal, les sarments évoluent peu. C'est un bon moment pour faire le bilan du cycle précédent, repérer d'éventuels problèmes d'absorption et anticiper le cycle à venir. »

Pour interpréter les analyses de sarments, l'observation du climat et du comportement de la vigne au cours du cycle apporte des informations essentielles. « Les réserves en amidon peuvent être insuffisantes malgré un bon équilibre minéral, tout simplement parce que la charge a été excessive ou qu'une chute précoce du feuillage a empêché la vigne de reconstituer correctement ses réserves à l'automne, souligne Alain Kleiber. La libération tardive d'azote par minéralisation peut aussi avoir relancé la pousse, qui s'est faite au détriment de la constitution des réserves. »

Il conseille de pratiquer ce type d'analyse dans les parcelles qui manquent de vigueur ou qui ont une production très irrégulière en quantité ou en qualité. Elle peut aussi être utile pour recaler la fertilisation après une année de forte charge.

« Après plusieurs petites récoltes, les rendements ont retrouvé leur niveau habituel en 2011 dans des vignes qui n'avaient pas forcément reçu d'engrais ces dernières années, relève un responsable de coopérative d'approvisionnement du Vaucluse. Certains de nos adhérents ont eu des problèmes de maturité, avec des baies qui restaient roses. Pour les aider à établir un diagnostic, nous avons fait appel à l'analyse de sarments. »

Le rôle des réserves

Au cours du cycle végétatif, la vigne fabrique de l'amidon, des acides aminés et des minéraux qui s'accumulent dans les bois puis dans les racines. Au début du cycle suivant, elle puise dans ces réserves pour constituer un nouveau chevelu racinaire, qui va relancer l'absorption de l'eau et des éléments minéraux dans le sol, ainsi que de nouvelles feuilles qui vont redémarrer la photosynthèse. « Les réserves fournissent les deux tiers du magnésium utilisé par la vigne en début de cycle, 50 à 60 % de l'azote et 10 à 20 % de la potasse », rappelle Bernard Duzan, du laboratoire Galys. Si l'analyse de sarments révèle un déficit ou un déséquilibre entre éléments, il est alors possible de réaliser des apports foliaires pour rétablir la situation au cours du cycle suivant.

Le Point de vue de

« Nous avons relancé une parcelle qui manquait de vigueur »

PATRICE RÉTIF, vigneron, domaine des Champs fleuris, à Turquant (Maine-et-Loire)

PATRICE RÉTIF, vigneron, domaine des Champs fleuris, à Turquant (Maine-et-Loire)

PHILIPPE DROUET, conseiller chez VitiTec conseils, à Soulaines-sur-Aubance (Maine-et-Loire)

PHILIPPE DROUET, conseiller chez VitiTec conseils, à Soulaines-sur-Aubance (Maine-et-Loire)

Le constat : « J'ai une parcelle de 2 ha de cabernet franc située sur un beau terroir classé en AOC Saumur-Champigny. Elle a bien démarré les premières années. Puis la vigueur s'est dégradée peu à peu alors qu'elle recevait les mêmes apports que les parcelles voisines », relève Patrick Rétif. Avec un nombre et un poids de grappes plus faible, associés à de la coulure, le rendement est descendu à 35 hl/ha.

Le diagnostic : « D'après l'analyse de sol réalisée en 2007, le taux de matière organique était correct. Mais dans ce sol argilo-calcaire avec un pH de 8, la minéralisation se faisait mal, d'autant plus qu'il était compacté, ce qui nuisait à l'activité biologique », explique Philippe Drouet. Il a d'abord conseillé de décompacter, puis de travailler le sol en surface en supprimant l'enherbement un rang sur deux pour stimuler la minéralisation. Mais cela n'a pas suffi. En 2010, une analyse de sarments a permis d'affiner le diagnostic et de trouver par quel bout prendre le problème. Elle a mis en évidence un manque d'azote, un déséquilibre entre la potasse et le magnésium et des carences en manganèse, fer, zinc et cuivre. Patrice Rétif a apporté ces éléments en 2011 avec des engrais foliaires. « Quand la vigne manque de vigueur, son système racinaire s'affaiblit, ce qui réduit l'absorption. C'est une spirale négative. Pour la renverser, il faut arriver à lui redonner de la vigueur en apportant provisoirement les éléments nutritifs directement par les feuilles », précise-t-il.

Les résultats : « En 2011, le rendement est remonté à 45 hl/ha. La vigne a repris de la vigueur, cela s'est vu au feuillage puis aux bois, qui sont plus jolis cet hiver », constate Patrick Rétif. Pour atteindre l'objectif, qui se situe entre 48 et 52 hl/ha, il réalisera encore des apports foliaires en 2012 en les ajustant en fonction de la pousse et du climat.

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