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VIN

La minéralité du vin reste insaisissable

Marine Balue - La vigne - n°239 - février 2012 - page 52

Lallemand a organisé des conférences sur les minéraux du vin. Les intervenants ont expliqué que la minéralité est un caractère à la mode, souvent présent dans les vins français. Mais ils n'ont pas encore trouvé à quoi elle tient exactement.
DÉGUSTATION. La minéralité est difficile à définir malgré son caractère reconnaissable. © WATIER VISUEL

DÉGUSTATION. La minéralité est difficile à définir malgré son caractère reconnaissable. © WATIER VISUEL

Le terme de minéralité s'immisce de plus en plus dans les dégustations de vin. Pourtant, cette notion reste difficile à appréhender. Mi-janvier, des experts ont présenté leurs travaux sur le sujet lors du Lallemand Tour 2012, à Mâcon-Davayé (Saône-et-Loire). S'ils n'ont pas encore trouvé son origine aromatique et moléculaire, ils se sont intéressés à ce qu'entendent professionnels et consommateurs par « minéralité ».

Des vins plus digestes et plus élégants

« C'est un mot à la mode », annonce Cees Van Casteren, journaliste international du vin, en introduction de la matinée. Pour preuve, les 27 500 occurrences du mot minéralité qu'il a trouvées en épluchant 258 000 notes de dégustation de la revue spécialisée américaine « Wine Spectator ». Plus de 10 % des commentaires y font bien référence ! Et elle arrive en tête des descripteurs employés, avant même « boisé », « floral », « fruité » ou « concentration », qui apparaît cinq fois moins. Même tendance dans le magazine anglais « Decanter ». « Ce descripteur est positif, les dégustateurs l'utilisent souvent pour montrer qu'ils connaissent bien le vin et qu'ils ont un bon palais », estime le journaliste.

Qu'est-ce qui explique une telle popularité ? Pour Cees Van Casteren, l'intérêt des consommateurs pour des vins très puissants, très boisés ou très gras s'est atténué. Ils recherchent davantage des vins plus digestes, moins alcooleux, plus frais et plus élégants. Des caractéristiques qu'englobe le concept de minéralité, « qui capte très bien les tendances du marché », considère-t-il.

Pourtant, ceux qui usent du terme dans leur dégustation parviennent difficilement à le décrire. « En fait, la minéralité est très difficile à définir, mais quand je la sens ou que je la goûte dans un vin, je la reconnais », tente d'illustrer Cees Van Casteren. Pour y trouver un sens, le journaliste a interrogé les jurés du concours du salon Wine Professionnal Amsterdam. Tous ont répondu connaître le mot minéralité et l'employer dans leurs commentaires de dégustation. 92 % d'entre eux affirment que le caractère minéral du vin provient du sol, 2 % pensent qu'il y a probablement une relation avec le sol et 6 % ne savent pas. Pour un bon nombre d'entre eux, la minéralité fait référence au « goût de terroir » qu'évoquent parfois les Français.

Quand il a demandé à ces jurés de citer un exemple de vin minéral, les vins français sont arrivés en tête. Parmi les plus cités : le sancerre et autres blancs de Loire, le chablis et autres blancs de Bourgogne, les blancs d'Alsace ou – plus étonnamment – des vins de Saint-Émilion.

« La France aurait peut-être intérêt à mettre à profit la minéralité pour la commercialisation de ses vins », suggère alors Cees Van Casteren. Les vins de Moselle, de Toscane ou de Coonawarra, en Australie, comptent aussi parmi les exemples. Enfin, 85 % des vins cités sont blancs, avec pour cépages principaux le sauvignon blanc, le chardonnay, le chenin et le riesling.

La définition fait défaut

À son tour, Laurent Gautier, enseignant chercheur à l'université de Bourgogne, a présenté les premiers résultats d'une étude menée en collaboration avec des chercheurs français, autrichiens, italiens et espagnols. L'objectif était de savoir quelles représentations se font les experts du vin et les consommateurs de la minéralité à travers le vocabulaire qu'ils y associent. Pour cela, les chercheurs ont diffusé un questionnaire via internet, en France et en Suisse, de janvier à novembre 2011. Les internautes devaient renseigner quelques données personnelles (âge, sexe, lieu de résidence, niveau de formation, profession, études dans le secteur vitivinicole, comportement d'achat, niveau d'expertise du vin déclaré…). Puis, ils devaient répondre à deux questions ouvertes : « Si je vous parle de minéralité à propos d'un vin, à quoi cela vous fait-il penser ? » et « Imaginez que vous devez expliquer à un ami ce qu'est la minéralité. Donnez une définition et des synonymes. »

« Dans les réponses que nous avons obtenues, l'adjectif "minéral" est beaucoup plus employé que le nom commun "minéralité" », débute Laurent Gautier. Et il explique que beaucoup de phrases révèlent que les gens ne sont pas à l'aise avec la définition de la minéralité. D'abord, le terme est très souvent traduit par d'autres noms : fraîcheur, vivacité, expressivité, acidité, sensation, impression ou émotion. Puis, les réponses contiennent de nombreux verbes de gradation, tels que « souligner » ou « s'affirmer ».

Ensuite, l'adjectif minéral est souvent placé au milieu d'une suite de descripteurs, comme ici : « minéral, frais et puissant ». Les chercheurs notent aussi une distanciation du mot, c'est-à-dire l'usage des formules « une telle minéralité » ou « une certaine minéralité », ainsi qu'une tendance à se sentir obligé de faire parler les autres pour définir la minéralité (« on peut la percevoir », « certains la sentent dans »). « On observe une sorte de fuite face à l'exercice de définition de la minéralité », interprète Laurent Gautier. Sûrement parce que, pour l'instant, cette définition n'existe pas.

Une petite odeur de pierre à fusil

Laurent Gautier a enfin donné les premières tendances de l'enquête dans la catégorie des non-professionnels, à savoir 1 327 Français et 352 Suisses. « Dans les réponses données, nous avons comptabilisé 68 740 mots dont 4 735 différents, détaille Laurent Gautier. C'est assez peu. » Le mot « vin » est le plus fréquemment utilisé (608 fois), puis viennent « minéralité », « goût », « terroir », « pierre » et « arôme ». Certains répondent plus précisément en évoquant des arômes de pierre à fusil ou de silex.

Des silex ont d'ailleurs servi de support à Michaël Moisseeff, aromaticien, qui a adopté une approche olfactive de la minéralité, en fin de matinée. « Frottez-les l'un contre l'autre et respirez », a-t-il conseillé. Outre ces cailloux, il a fait circuler des extraits d'arôme d'iode et de kérosène, comme exemples d'arômes minéraux. Mais le clou de son intervention a été de faire sentir une odeur des plus originales, qu'il a lui-même réussi à reproduire : celle de la lune ! On ne peut plus minéral…

Un lien avec la salinité ?

La minéralité serait-elle tout simplement l'étude des sels minéraux dans les vins ? Xavier Vignon, œnologue consultant dans la vallée du Rhône, pose la question. Il a étudié l'impact de la composition en minéraux des vins sur leur goût avec la Lyonnaise des eaux et l'Institut œnologique de Champagne. Il a observé que, malgré des teneurs en sels minéraux proches de zéro dans les vins, des variations infimes peuvent affecter leurs saveurs fondamentales (sucré, salé, amer, acide). Xavier Vignon a invité les participants au Lallemand Tour à s'en rendre compte par eux-mêmes. Il a fait déguster un même vin blanc auquel il avait ajouté 2 % de différentes eaux : une eau faible en minéraux dans le témoin, de la Volvic dans le deuxième échantillon et de La Française, très riche en magnésium, dans un dernier. La dégustation est bluffante. Le vin contenant de la Volvic présente plus de vivacité en bouche et plus de fraîcheur au nez que le vin témoin. L'effet est encore plus marqué avec l'ajout d'eau riche en magnésium. La bouche est encore plus tendue et, surtout, le vin laisse presque l'impression d'être salé !

Les minéraux sont essentiels pour la levure

La nutrition des levures ne doit pas se limiter à l'azote et aux vitamines, mais aussi contenir des minéraux. Graeme Walker, professeur et chercheur à l'université d'Abertay Dundee (Écosse), a rappelé que ces derniers sont fortement impliqués dans le métabolisme des levures. Même si certains ne sont présents dans le moût qu'à l'état de traces. Le magnésium participe à nombre d'activités enzymatiques. Si sa teneur est faible, la levure s'oriente vers un métabolisme de respiration. Alors qu'à teneur élevée, la levure opte plutôt pour la fermentation alcoolique.

D'où l'intérêt d'apporter du magnésium en pleine FA. Le calcium a tendance à inhiber le magnésium : sa teneur doit donc être faible en FA. Quant au zinc, s'il y en a moins de 0,2 mg/l dans le milieu, la résistance des levures au stress est moins bonne et la fermentation peut être moins performante.

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