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VENDRE - Observatoire des marchés

La Bourgogne revoit son entrée de gamme

Chantal Sarrazin - La vigne - n°240 - mars 2012 - page 56

En perte de vitesse, l'appellation Bourgogne grand ordinaire disparaît au profit de Coteaux bourguignons. La nouvelle AOC est censée revaloriser l'entrée de gamme de la Bourgogne et permettre à cette région de travailler plus sereinement avec le Beaujolais.

Le premier dossier de cette évolution concerne la création de l'appellation Coteaux bourguignons, dont le cahier des charges est paru au Journal officiel le 24 novembre 2011. À compter de la récolte 2011, elle remplace l'appellation Bourgogne grand ordinaire (BGO). Après une période transitoire de cinq années où les deux noms peuvent être utilisés, seul Coteaux bourguignons pourra figurer sur les étiquettes.

« Depuis plusieurs années, le BGO décline, constate Guillaume Willette, directeur du syndicat des bourgognes (CAVB). En France comme à l'export, son nom est tombé en désuétude. » Autrefois, le grand ordinaire était un vin qui sortait de l'ordinaire. Aujourd'hui, on ne retient que la banalité de ce dernier qualificatif.

La nouvelle appellation doit revaloriser l'entrée de gamme du vignoble. Les règles fixées dans le cahier des charges vont dans ce sens. Les rouges, majoritaires, voient leur degré naturel minimum fixé à 10 contre 9 pour le BGO. Les Bourguignons doivent s'y plier, de même que leurs confrères du Beaujolais, car l'appellation se produit dans les deux vignobles.

« Une appellation de revendication »

En effet, depuis sept ans, les difficultés du Beaujolais ont conduit vignerons et négociants à replier une partie croissante de leurs volumes en Bourgogne grand ordinaire : jusqu'à 65 000 hl en 2006-2007 et 45 000 hl en 2009-2010. Le mouvement est tel que près de 90 % des volumes de BGO sont produits par le Beaujolais. Le négoce bourguignon a trouvé là une source d'approvisionnement bon marché. « Les gamays du Beaujolais sont moins chers que les pinots noirs bourguignons », confie l'un d'eux. Difficile d'en savoir plus.

Les replis ne font pas l'objet d'enregistrement. Une certitude, le BGO occupe le bas de gamme en magasin. Sur les 10,6 millions de cols vendus par an, 42 % sont destinés au hard discount, plus spécifiquement dans l'est de la France et les Lidl allemands. Les prix défient toute concurrence, entre 1,50 et 2,50 euros le col ! Avec l'AOC Coteaux bourguignons, les opérateurs des deux régions veulent sortir de ce ghetto. Ils espèrent un positionnement prix démarrant à 4 euros le col, ce qui représenterait un bon spectaculaire. À la production, le cours moyen attendu est d'environ 180 €/hl, alors que le BGO s'est vendu à 116 €/hl en 2010-2011.

L'amont vise de basculer au plus vite les 7 millions de cols de BGO en Coteaux bourguignons. Mais pour le moment, le négoce est plutôt attentiste. « Le nom est porteur, bien qu'imprononçable à l'export, souligne Philippe de Marcilly, responsable marketing de la maison Albert Bichon. Nous allons en produire un peu, avec une proportion significative de pinot noir. Toutefois, il est beaucoup trop tôt pour parler d'objectifs. Ils seront dictés par nos marchés. » Même discours chez Louis Jadot.

« Nous voulons que Coteaux bourguignons devienne une appellation de revendication et non plus de repli », ajoute Guillaume Willette. À cet effet, les producteurs des deux bassins doivent remplir une déclaration d'affectation parcellaire avant le 15 mai précédent la récolte pour les surfaces susceptibles de produire une AOC plus restrictive. L'intérêt est de connaître le potentiel de production six mois à l'avance. Cette règle s'impose aux producteurs du Beaujolais, car le rendement de base des coteaux bourguignons est fixé à 64 hl/ha en rouge, alors qu'il s'établit à 52 hl/ha pour le beaujolais. Mais, les vignerons semblent réticents. « Ils ne savent pas à l'avance s'ils auront le débouché », indique un observateur. Pour y voir plus clair, l'ODG du Beaujolais demande que la nouvelle appellation bénéficie d'une ODG spécifique, alors qu'elle est aujourd'hui gérée par l'ODG des bourgognes. Le négoce a rallié la position du Beaujolais. La balle est dans le camp de l'Inao.

L'autre grande refonte concerne la délimitation de l'AOC Bourgogne, dont le cahier des charges a également été publié dans le JO du 24 novembre 2011. Jusque-là, 96 communes du Beaujolais pouvaient récolter du bourgogne blanc. Il n'en reste que 42, qui peuvent en produire à partir de chardonnay, et plus aucune d'entre elles ne peut récolter de bourgogne aligoté. Du côté du bourgogne rouge, seule une poignée de communes du Beaujolais peut encore en produire.

Obligation de mentionner le cépage

Le nouveau cahier des charges impacte également des crus. Ces derniers peuvent être repliés en bourgogne. En 2010, 15 000 hl de gamay ont ainsi été repliés en bourgogne rouge, soit un peu plus de 10 % du volume de l'AOC. Le négoce y trouve un approvisionnement moins cher : le cours moyen d'un chénas, le principal cru à faire usage de ces replis, s'élève à 220 €/hl, contre 260 €/hl le bourgogne. Mais selon le nouveau cahier des charges de l'AOC Bourgogne, un cru qui se replie tel quel en bourgogne rouge devra mentionner « gamay » sur l'étiquette en lettres aussi apparentes que Bourgogne. Avant, il n'y avait aucune obligation de mentionner le cépage. Désormais, si le négociant veut appeler Bourgogne un cru du Beaujolais, sans mention du cépage, il doit l'assembler à du pinot noir de telle manière que le vin contienne au moins 70 % de ce cépage. Et s'il veut faire apparaître pinot noir sur l'étiquette, le vin devra répondre à la règle des 85/15.

« Il n'est pas certain que nos clients apprécient un bourgogne gamay », note Philippe de Marcilly. La part de ce cépage pourrait diminuer dans les assemblages et donc dans les achats du négoce. Pas sûr pour autant que l'approvisionnement en beaujolais diminue. Le vignoble possède en effet des plantations de pinot noir. À l'orée 2015, ils ne pourront plus entrer dans les assemblages du beaujolais, nouveau cahier des charges oblige. Il y a donc fort à parier qu'elles soient revendiquées en AOC Bourgogne.

Les plantations de la discorde

À partir de 2015, les pinots noirs n'auront plus cours en Beaujolais. Pourtant, depuis trois ans, les producteurs de ce vignoble plantent le cépage à hauteur de 7 à 8 ha par an. « Ils entreront en production en 2015, souligne Pierre du Couëdic, directeur de l'Union des producteurs élaborateurs de crémant de Bourgogne (Upec). S'ils ne peuvent plus produire de beaujolais, ils entreront dans l'élaboration des vins de base des crémants de Bourgogne. » Car l'aire géographique de ces derniers s'appuie sur celle de l'ancien BGO. Depuis 2007, la production de vins de base originaires du Beaujolais affiche une croissance exponentielle, passant de 13 000 hl à près de 25 000 hl en 2011. « Les producteurs bourguignons craignent que ces plantations déséquilibrent le marché. » Pour rassurer les opérateurs, l'Upec a demandé à l'Inao la mise en place d'un contingentement des droits de plantation.

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