Marcus Aurelius Probus est né à Sirmium, dans l'actuelle Serbie, vraisemblablement en l'an 232. « Sa mère était d'une condition plus relevée que son père, son patrimoine médiocre, sa parenté peu nombreuse », rapporte l'historien romain Flavius Vopiscus dans sa biographie.
Très jeune, il entame une carrière militaire. Il se distingue rapidement « par les plus nobles vertus », écrit encore Flavius Vopiscus. L'empereur Valérien lui-même loue « son grand mérite » et le propose à tous comme modèle. « J'ai conféré le grade de tribun à un jeune homme sans barbe », déclare-t-il. Il lui confie ensuite le commandement de troupes.
Le jeune Probus s'illustre dans de nombreuses victoires : contre les Barbares dans les provinces danubiennes et en Gaule, mais aussi en Afrique et en Orient. Valérien le promeut commandant de la Xe légion, en lui signifiant qu'« elle n'a jamais eu pour chefs que des hommes destinés à devenir empereurs ».
Il fait défoncer les sols et planter des vignes à ses soldats
En 275, l'empereur Tacite, successeur de Valérien, le nomme commandant de l'armée d'Orient. Après son assassinat, en juin 276, Probus est proclamé empereur. De 276 à 279, il continue ses campagnes victorieuses contre les incursions des Barbares. Il délivre la Gaule de leurs raids ravageurs, chasse les Francs, les Alamans et les Goths, combat les Burgondes, les Vandales, etc.
Loin d'être seulement un stratège militaire, il impulse des réformes économiques. Il abolit notamment l'édit de l'empereur Domitien datant de 92 qui interdisait la plantation de nouvelles vignes hors de certaines cités privilégiées (région narbonaise, Bordeaux, Autun et Trèves). Il permet ainsi à tous les Gaulois et ressortissants de l'empire d'avoir des vignes et d'élaborer du vin.
« Il ne s'agit point là d'une mesure d'ordre social mais d'une extension géographique, explique le géographe Roger Dion dans son livre « Histoire de la vigne et du vin en France ». Probus rend accessible à toutes les cités de la Gaule une possibilité de profit que les empereurs précédents avaient réservée à une partie seulement d'entre elles. » Il induit ainsi le développement de la culture de la vigne dans le nord-ouest gaulois : dans les vallées de la Loire et de la Seine, et même jusqu'en Grande-Bretagne. Hors de la Gaule, les principaux bénéficiaires sont les provinces danubiennes. Là, « l'empereur employa ses soldats au défonçage du sol et à la mise en terre des premiers ceps, qu'il avait eu soin de choisir de noble espèce, livrant ensuite aux propriétaires du sol des vignes toutes plantées, qu'ils n'avaient plus qu'à cultiver », relate Vopiscus.
« L'énergie qu'il déploya pour faire en sorte que son édit fût immédiatement suivi d'effet montre qu'il attendait un bien de l'établissement du vignoble en ces provinces septentrionales, où les nécessités de lutte contre les Barbares exigeaient que Rome fût assurée de la fidélité des populations. Les inviter à s'enrichir, à leur tour, par la vigne, était une manière de restaurer ou d'affermir leur loyalisme », poursuit Roger Dion. Son initiative fut donc accueillie avec reconnaissance par les bénéficiaires.
Spécificité de cet empereur, « jamais il n'a pu souffrir que ses soldats restassent oisifs », souligne Vopiscus. Il les a toujours employés à d'immenses travaux d'intérêt général, de voirie, d'assèchement des marais, de percement de canaux, de drainage, de construction de ponts, d'amélioration des terres ou de plantation de vigne.
Mort pour avoir voulu la paix ?
En 282, fort de ses victoires, Probus se prépare à la guerre contre la Perse, dernier ennemi à menacer la sécurité de l'empire. Selon Flavius Vopiscus, il aurait déclaré, aspirant à établir une paix durable : « Si les affaires de la république ont un heureux succès, bientôt nous n'aurons plus besoin de soldats. » Cette phrase et sa propension à faire travailler ses troupes lui ont été fatales. De passage dans sa région natale, quelques-uns de ses soldats lui tendirent une embûche et l'assassinèrent.
« Après la chute de l'Empire romain, la viticulture a survécu à la ruine des cités qui l'avaient propagée sur le sol gaulois, explique Roger Dion. Et si elle a pu maintenir et accroître ses positions, c'est qu'elle conserve aux yeux des hommes du Moyen Âge le prestige dont elle jouissait dans la société antique. » Et qui perdure encore de nos jours.