AQUITAINE : « Nous devons réagir ! »
En 2011, deux gros foyers de flavescence dorée ont été découverts à l'intérieur du périmètre de lutte obligatoire de la Gironde et de la Dordogne. « La maladie n'a été repérée que tardivement, précise Carine Garcia, du Service régional de l'alimentation (SRAL) d'Aquitaine. Des parcelles contaminées à plus de 20 % vont devoir être arrachées. Six hectares sont concernés à Gornac, en Gironde, et neuf à Monbazillac, en Dordogne. »
En Gironde, le périmètre de lutte obligatoire couvre désormais 99 % du vignoble. « La maladie progresse plus vite que la mobilisation. Nous devons réagir ! » affirme Marie-Catherine Dufour, de la chambre d'agriculture.
Depuis 2007, des Groupements de défense contre les organismes nuisibles (GDON) organisent la lutte sur le terrain. En 2011, avec la création de celui des Bordeaux, qui couvre 70 000 ha, pratiquement tout le vignoble est couvert par huit GDON. Mais surveiller de grandes surfaces demande des moyens, et tout ne peut pas être fait en un an. En 2011, 25 000 ha ont été prospectés, soit 20 % des vignes.
L'animation du GDON Bordeaux a été confiée à la chambre d'agriculture. « En 2011, nous avons embauché huit saisonniers qui ont été formés par la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (Fredon), détaille Marie-Catherine Dufour. Chacun d'eux a encadré huit salariés d'une entreprise de travaux agricoles dont le personnel était disponible avant les vendanges. Nous avons ainsi pu prospecter 7 000 ha en un mois et demi, soit 10 % de la zone. »
Pour multiplier les observations, l'objectif est de mobiliser tous ceux qui circulent dans le vignoble. « En 2012, nous allons former les techniciens de QualiBordeaux ainsi que ceux des caves coopératives », ajoute Marie-Catherine Dufour.
Au GDON du Médoc, avec 3 500 ha prospectés par an, il faudra cinq ans pour passer partout. « Nous mobilisons aussi les vignerons, car ce sont eux qui sont au cœur du problème », relève Michaël Anneraud, de l'Adar du Médoc.
En 2011, deux domaines ont accepté d'ouvrir leurs parcelles contaminées pour montrer les symptômes à ceux qui ne les connaissent pas encore. Le GDON a organisé des réunions par secteur pour préparer les prospections et a régulièrement envoyé un bulletin d'information aux viticulteurs. « Nous commençons à recevoir des signalements de ceps présentant des symptômes douteux. C'est positif. De plus en plus de vignerons se sentent concernés », note Michaël Anneraud.
CHARENTES : « L'épidémie n'est plus contenue »
Depuis 2009, la flavescence dorée redémarre dans de nouveaux secteurs. « Le périmètre de lutte obligatoire explose et couvre aujourd'hui la moitié du vignoble. L'épidémie n'est plus contenue ! » affirme Agnès Normandin, de la Fredon de Poitou-Charentes.
En 2011, vingt-deux parcelles ont dû être arrachées. Pour éviter que cela se reproduise, il faut détecter plus tôt les ceps touchés. Compte tenu des surfaces à surveiller, la participation de tous les vignerons est indispensable. « Traiter contre la cicadelle ne suffit pas pour être protégé. La détection des symptômes fait aussi partie de la lutte », rappelle Michel Girard, de la chambre d'agriculture de Charente-Maritime.
Pour mobiliser les vignerons, les organismes professionnels ont lancé une campagne d'information qui commence à porter ses fruits. « Depuis deux ans, le BNIC envoie une note technique et une fiche de prospection à chaque producteur, précise Agnès Normandin. En 2011, sur 5 300 fiches envoyées, nous avons eu 800 retours. C'est un progrès, mais ce n'est pas suffisant. Ceux qui ne trouvent rien doivent quand même retourner la fiche, c'est essentiel pour bien délimiter la présence de la maladie. »
L'objectif pour 2012 est de poursuivre ce travail de délimitation tout en intensifiant la surveillance du vignoble. « Les vignerons doivent intégrer la détection des symptômes de la flavescence dans leur calendrier de travaux, c'est indispensable pour contrôler durablement la maladie », insiste Agnès Normandin.
BOURGOGNE : « Un nouveau foyer pose question »
En octobre 2011, un foyer a été découvert sur la commune de Plottes, en Saône-et-Loire. Une des parcelles s'est révélée contaminée à plus de 50 %. Le SRAL, la Fredon et la chambre d'agriculture se sont mobilisés pour prospecter cette zone en urgence. Mais toutes les vignes n'ont pas pu être visitées avant la chute des feuilles et un large périmètre de lutte de 1 500 ha a été constitué par précaution. La prospection de cette surface en 2012 ne posera pas de problème. « Nous sommes rodés. Nous organisons des groupes de cinq à six vignerons accompagnés de deux techniciens, et cela fonctionne bien », souligne Didier Sauvage, de la chambre d'agriculture.
Depuis 2009, il n'y avait plus qu'un seul petit foyer actif en Bourgogne. Les autres avaient été assainis et restaient sous surveillance. Les appellations avaient introduit dans leur décret l'obligation d'utiliser des plants traités à l'eau chaude.
« Nous pensions maîtriser la maladie, constate Claude Magnien, du SRAL. Mais ce nouveau foyer pose des questions. Il était sans doute installé depuis plusieurs années et l'origine de la contamination n'est pas établie pour l'instant. »
La Champagne et l'Alsace se protègent
Indemnes de flavescence dorée, ces deux régions font tout pour le rester. Pour éviter d'introduire la maladie, les plants doivent provenir de matériel végétal produit en zone exempte ou avoir été traités à l'eau chaude.
Ils portent sur leur passeport phytosanitaire la mention ZPd4. L'Alsace a mis en place un programme de détection des larves de cicadelle de la flavescence dorée sur les bois de taille et des adultes par piégeage. L'interprofession (Civa) finance cette action qui a été élargie en 2011 pour mieux couvrir le territoire. Pour l'instant, aucune cicadelle n'a été trouvée. En Champagne, la cicadelle a été détectée pour la première fois en 2011. « Au printemps, nous avons mobilisé le réseau de techniciens qui observe régulièrement le vignoble. Ils ont signalé des larves dans dix communes », détaille Pascale Pienne, du CIVC. Cette observation sera renouvelée en 2012. Le phytoplasme n'étant pas présent dans la région, aucun traitement insecticide spécifique n'est prévu pour l'instant.
Les pépiniéristes surveillent les vignes mères
Dans les Charentes, le Syndicat des pépiniéristes de la région de Cognac a pris en charge une prospection dans un rayon de 500 à 1 000 m autour des vignes mères. Il a financé l'embauche, pour un mois, d'une personne formée et encadrée par la Fredon. Aucun cep contaminé n'a été découvert.
En Aquitaine, le Syndicat des pépiniéristes viticulteurs de la Gironde et du Sud-Ouest va prospecter l'ensemble des vignes mères, avec l'appui de la chambre d'agriculture, de FranceAgriMer et des collectivités locales. « C'est un fléau contre lequel nous devons tous nous mobiliser, insiste David Amblevert, le président du syndicat. En 2012, nous allons passer souche par souche sur 200 ha de vignes mères de façon à faire un état des lieux précis. Et nous avons demandé aux GDON de prospecter en priorité les communes où il y a des pépinières. »
Le Point de vue de
Jean-Michel Trespaillé-Barrau, du SRAL Languedoc-Roussillon
« Il ne faut surtout pas relâcher la vigilance »
LA VIGNE : Quelle est l'évolution de la maladie ?
Jean-Michel Trespaillé-Barrau : La cicadelle remonte vers le Nord et la flavescence apparaît dans de nouveaux vignobles. Un cep contaminé a ainsi été trouvé en Indre-et-Loire en 2011.
Et dans les régions où elle était déjà présente ?
J.-M. T.-B. : Dans ces régions, la maladie redémarre dans de nouvelles zones où la surveillance n'est pas bien organisée et où les traitements sont appliqués avec peu de rigueur. À partir d'un cep contaminé, toute la parcelle peut l'être en trois ou quatre ans. Il ne faut pas relâcher la vigilance. Traiter ne suffit pas, car des cicadelles contaminées peuvent venir d'autres parcelles. Il faut aussi repérer les ceps atteints et les arracher sans attendre.
Peut-on la contenir à un niveau économiquement acceptable ?
J.-M. T.-B. : Oui, à condition de bien surveiller tout le territoire. La clef pour y parvenir est de maintenir une forte mobilisation des vignerons, en s'appuyant sur des organisations comme les GDON. Cet échelon local est essentiel. C'est dans les zones où il fait défaut que l'on découvre de nouveaux foyers déjà bien installés, et non dans les zones bien surveillées, où le nombre de traitements a pu être réduit grâce à cette mobilisation collective.
Comment mobiliser, justement ?
J.-M. T.-B. : Il faut rappeler l'impact de cette maladie de dégénérescence. Elle réduit la récolte par desséchement des inflorescences et des grappes et finit par entraîner la mort des ceps. Elle est moins fréquente que les maladies du bois. Mais si on laissait les foyers se multiplier, elle aurait un impact économique.