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VIGNE - POUR APPROFONDIR

L'eudémis

Christelle Stef - La vigne - n°241 - avril 2012 - page 34

Quel est ce ravageur ?

L'eudémis a pour nom scientifique Lobesia botrana. Avec la cochylis, il fait partie des tordeuses de la grappe. Les adultes sont de petits papillons. Et les larves sont appelées vers de la grappe.

D'où provient-il ?

Il serait d'origine méditerranéenne. Il a été décrit pour la première fois en Autriche en 1775. Il n'apparaît en France que bien plus tard. « Avant 1907, cet insecte n'était observé que sur des treilles. En 1907, il commence à attaquer les vignes autour de Nice », rapporte Denis Thiery, directeur de recherches à l'Inra et à l'ISVV de Bordeaux. Rapidement, il colonise le Languedoc, le Bordelais, le Beaujolais, les Charentes, la Loire et la Champagne. « À l'époque, les dégâts étaient très importants. Certaines années, il pouvait anéantir la récolte », explique Denis Thiery.

Dans quels vignobles est-il présent ?

Partout en France. Mais à la différence de la cochylis, il préfère les situations sèches. C'est pourquoi il est davantage présent dans le Sud.

Quel est son cycle ?

L'eudémis réalise deux à quatre cycles reproducteurs par an selon les régions. Il passe l'hiver sous forme de chrysalide sous l'écorce des ceps ou dans les anfractuosités des piquets. Les adultes émergent au printemps. Les papillons mâles apparaissent avant les femelles. Généralement, la sortie des papillons s'étale dans le temps, d'où un échelonnement des pontes, ce qui rend délicat le contrôle de la première génération.

L'eudémis a un comportement nocturne. La femelle secrète des phéromones qui attirent les mâles. Une fois fécondée, elle pond une centaine d'œufs durant une semaine, surtout sur les bractées des inflorescences de la vigne. La durée d'incubation dépend de la température. Après l'éclosion, les larves passent par un stade baladeur de quelques heures. Puis elles s'installent dans les boutons _ oraux. Elles passent par cinq stades larvaires. Au terme de leur développement qui dure vingt à vingt-huit jours, elles se nymphosent dans les feuilles. Au bout de sept jours, les papillons apparaissent. Un deuxième vol démarre.

Lors de la deuxième génération, les femelles fécondées pondent à la surface des baies. Les chenilles s'y développent à l'intérieur. Dans le Sud, une troisième voire une quatrième génération apparaît. Là encore, les chenilles se développent dans les baies. Celles qui ne sont pas détruites lors de la vendange quittent les grappes et se nymphosent sous l'écorce des ceps où elles vont passer l'hiver.

Y a-t-il des conditions climatiques limitantes ?

Oui. « En dessous de 12°C, il n'y a pas de vols, ni de pontes. Au-dessus de 40°C, les œufs peuvent avorter. Le vent sec entraîne aussi la déshydratation et l'avortement des œufs, détaille Denis Thiery. Le vent soutenu perturbe le déplacement des adultes et donc les accouplements. Cela explique qu'il y a souvent peu de tordeuses dans les vignobles très ventés et non protégés par des brise-vent. »

Les vols démarrent-ils partout en même temps ?

Non, d'après le GDON du Libournais. De 2008 à 2011, ce dernier a étudié les captures de 240 pièges situés sur un territoire couvrant 12 000 ha sur les appellations Saint-Émilion, Pomerol et une partie de Bordeaux. Il en ressort de grands décalages, même sur des distances de 20 km. « Les zones où les vols démarrent en premier et celles où ils démarrent en dernier sont toujours les mêmes. Pour le début des vols, il peut y avoir entre dix et quinze jours de décalage selon les zones. Cela entraîne des différences de préconisation pour le positionnement des insecticides, indique Antoine Verpy, du GDON du Libournais. Pour l'instant, nos données météo n'expliquent pas ces décalages. D'autres facteurs comme les caractéristiques parcellaires et le paysage pourraient jouer un rôle. »

Se développe-t-il mieux sur certains cépages ?

Oui, d'après les travaux de Denis Thiery et de Jérôme Moreau, de l'université de Bourgogne. Au laboratoire, ils ont fait se développer des larves d'eudémis sur des baies de différents cépages. « Le taux d'émergence des papillons est différent selon les cépages. Il n'est que de 74 % pour le riesling, contre 90 % pour le chasselas, le gamay, le pinot ou le gewurztraminer », révèle Jérôme Moreau.

Les chercheurs ont également regardé le succès des accouplements et la fécondité des femelles selon les cépages sur lesquels elles ont été élevées alors qu'elles étaient au stade larvaire. « Seules 30 % des femelles élevées sur riesling s'accouplent, alors que pour les autres cépages, c'est plutôt de l'ordre de 80 %, constate Jérôme Moreau. En plus, les femelles élevées sur riesling pondent peu d'œufs après fécondation et ceux-là ont moins de chance de donner une larve. Avec le riesling, seuls 60 % des œufs donnent une larve au lieu de 90 % pour les autres cépages. » Les chercheurs ont aussi observé des différences de parasitisme des œufs et des larves selon les cépages. Même chose au niveau de leur système immunitaire.

Quelle est sa nuisibilité ?

En première génération, les dégâts sont uniquement quantitatifs. Les larves agglomèrent les boutons floraux pour former des glomérules, d'où une destruction d'une partie des inflorescences et du potentiel de récolte.

En deuxième et troisième générations, les dégâts sont non seulement quantitatifs mais aussi qualitatifs. Les chenilles perforent les baies, créant ainsi des portes d'entrée pour Botrytis cinerea, l'agent de la pourriture grise, et pour d'autres champignons.

L'Inra de Bordeaux mène actuellement deux projets de recherche pour caractériser la nuisibilité de l'eudémis. Le premier vise à évaluer les dégâts directs provoqués par la chenille. Le second, conduit avec l'ISVV, vise à caractériser les défauts organoleptiques engendrés par la présence de chenilles dans les moûts lors des vinifications.

Comment lutter ?

En première génération, un traitement insecticide avec un produit curatif ne se justifie que si les populations sont très élevées. Les seuils d'intervention varient entre 30 glomérules pour 100 grappes et 100 glomérules pour 100 grappes selon les régions. En deuxième et troisième générations, la lutte est préventive. Le traitement se positionne avant le dépôt des œufs, au début des pontes, ou au stade tête noire selon les produits.

La lutte par confusion sexuelle consiste à placer des diffuseurs de phéromones dans les parcelles avant le début des vols pour empêcher les accouplements. BASF Agro commercialise ainsi la méthode Rak depuis plusieurs années. Récemment, Terra Fructi a obtenu l'homologation de Isonet LE, un nouveau diffuseur qui permet de lutter contre l'eudémis et la cochylis (voir brève nouveauté p. 74).

Quelles sont les perspectives en lutte biologique ?

Les trichogrammes peuvent parasiter les œufs d'eudémis. Mais les essais de lâchers réalisés à la fin des années quatre-vingt-dix n'ont pas été concluants. L'équipe de Denis Thiery travaille sur les parasites de larves et a ainsi identifié Campoplex capitator, un hyménoptère. Cet auxiliaire parasite entre 5 et 70 % des larves d'eudémis selon les régions. Mais il ne peut pas être élevé en laboratoire.

Un parasite de mieux en mieux connu

PAPILLON ADULTE. Ses ailes antérieures sont claires et marbrées de taches brunes. Ses ailes postérieures sont grisâtres. Il mesure entre 5 et 8 mm de long et son envergure est de 1 cm. © R. COUTIN/N. HAWLITZKY/INRA

PAPILLON ADULTE. Ses ailes antérieures sont claires et marbrées de taches brunes. Ses ailes postérieures sont grisâtres. Il mesure entre 5 et 8 mm de long et son envergure est de 1 cm. © R. COUTIN/N. HAWLITZKY/INRA

ŒUF. De forme lenticulaire, il est d'abord translucide, puis il devient jaunâtre et irisé. Juste avant l'éclosion, la tête de la chenille apparaît par transparence. C'est ce qu'on appelle le stade tête noire (en photo). © D.THIÉRY/INRA/UMR SAVE

ŒUF. De forme lenticulaire, il est d'abord translucide, puis il devient jaunâtre et irisé. Juste avant l'éclosion, la tête de la chenille apparaît par transparence. C'est ce qu'on appelle le stade tête noire (en photo). © D.THIÉRY/INRA/UMR SAVE

CHENILLE. La couleur de son corps va du jaune-vert au brun clair, celle de sa tête est brun clair. Et contrairement à celle de la cochylis, la chenille de l'eudémis est très vive. © C. WATIER

CHENILLE. La couleur de son corps va du jaune-vert au brun clair, celle de sa tête est brun clair. Et contrairement à celle de la cochylis, la chenille de l'eudémis est très vive. © C. WATIER

GLOMÉRULE. En première génération, la chenille regroupe plusieurs boutons fl oraux avec de la soie pour se former un nid. Ce glomérule lui assure une protection contre les prédateurs et les parasites. © C. WATIER

GLOMÉRULE. En première génération, la chenille regroupe plusieurs boutons fl oraux avec de la soie pour se former un nid. Ce glomérule lui assure une protection contre les prédateurs et les parasites. © C. WATIER

CHRYSALIDE. Elle se trouve dans les grappes, sur les feuilles ou sous les écorces. Sa couleur peut varier en fonction des aliments qu'a ingérés la chenille. © D.THIÉRY/INRA/UMR SAVE

CHRYSALIDE. Elle se trouve dans les grappes, sur les feuilles ou sous les écorces. Sa couleur peut varier en fonction des aliments qu'a ingérés la chenille. © D.THIÉRY/INRA/UMR SAVE

BAIE PERFORÉE. En deuxième et troisième générations, les chenilles perforent les baies, favorisant l'installation du botrytis et d'autres moisissures. © C. WATIER

BAIE PERFORÉE. En deuxième et troisième générations, les chenilles perforent les baies, favorisant l'installation du botrytis et d'autres moisissures. © C. WATIER

Avec la cochylis, c'est l'un des principaux ravageurs de la vigne. Il préfère les conditions sèches. De récentes études montrent qu'il se développe mieux sur certains cépages et que les vols peuvent débuter à des dates très différentes sur de courtes distances.

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