...puis il faut arroser une petite placette d'un mètre carré avec la solution à base de moutarde. Au bout d'un quart d'heure, les premiers vers de terre sortent.
Comptage et classement des vers de terre en trois familles : épigés, endogés et anéciques. PHOTOS C. STEF
Comptage et classement des vers de terre en trois familles : épigés, endogés et anéciques. PHOTOS C. STEF
Mardi 20 mars 2012. En ce premier jour du printemps, Fabrice Bartaux, vigneron à Chavot-Courcourt (Marne), nous accueille pour nous montrer les suivis qu'il réalise dans le cadre de l'observatoire de la biodiversité. « J'y participe depuis le début. J'ai toujours aimé la nature et les petites bêtes. J'explique à mes enfants qu'il ne faut pas écraser les insectes, car chaque espèce a son utilité », indique le vigneron.
Le soleil est au rendez-vous et il a plu le week-end précédent. Des conditions idéales pour compter les vers de terre. Le vigneron nous conduit sur une parcelle de chardonnay âgée d'une quarantaine d'années. C'est une ancienne prairie. Le sol est argileux et riche en matière organique. Un rang sur deux est enherbé. Les autres rangs reçoivent des écorces. La ligne des souches est désherbée avec des herbicides de postlevée.
Dans son camion, Fabrice Bartaux remplit un arrosoir d'eau puis y dilue un pot de moutarde de 150 g. Il se dirige ensuite vers la vigne, dans un rang enherbé mais avec peu d'herbe. Puis il arrose la placette d'un mètre sur un mètre qu'il a préparée.
Peu de vers de terre
Au bout d'un quart d'heure les premiers vers de terre sortent. Fabrice Bartaux en dénombre cinq. Fiche technique en main, il les classe selon leur famille. Les plus petits sont les épigés. De couleur rose pâle à rouge, ils vivent près de la surface du sol. Les endogés sont de taille moyenne. Ils creusent des galeries horizontales. Les plus gros et les plus longs sont les anéciques. Ils creusent les galeries verticales. Là, il s'agit de cinq épigés. Fabrice Bartaux recommence l'opération. Après le second arrosage, un nouvel épigé apparaît. Puis il renouvelle l'opération sur deux autres placettes dans la même parcelle, espacées d'au moins six mètres l'une de l'autre et distantes d'au moins 10 mètres d'un chemin, comme le protocole l'impose. Un épigé sort de la deuxième placette, puis cinq épigés et un endogé surgissent de la troisième. La récolte est maigre.
« Je réalise ce suivi depuis trois ans et j'ai toujours compté peu de vers de terre. Comme ils aèrent le sol, plus il y en a, mieux c'est. Ce résultat me fait réfléchir quant à mes pratiques. Il y a trois ans, j'ai arrêté les herbicides de prélevée mais il faut du temps pour que les vers de terre reviennent. Je teste également le désherbage mécanique avec des interceps sur 50 ares », rapporte le Marnais.
Au total, le comptage des vers de terre a duré une heure et demie. « Et encore, d'après le protocole, il faudrait y passer 3 heures », précise Fabrice Bartaux. Heureusement, ce n'est à effectuer qu'une fois dans l'année.
Le viticulteur nous conduit ensuite dans une autre parcelle de chardonnay, également âgée d'une quarantaine d'années. Le 6 mars, il y a disposé trois petites planches en pin sous des pieds de vigne. Il en a mis une dans le bas de la parcelle, une dans le milieu et la dernière dans le haut. « Les planches doivent être espacées d'au moins 50 mètres », précise-t-il. Elles servent au comptage des invertébrés. Une fois par mois, Fabrice Bartaux doit relever le nombre de limaces, d'escargots, de mille-pattes et de carabes qui s'abritent dessous. Le premier comptage aura lieu le 6 avril. Par curiosité, Fabrice Bartaux soulève déjà l'une des planches. Quelques limaces et vers de terre s'y sont réfugiés. « Il semble que les espèces terrestres reviennent. »
Comptage des papillons en été
Puis il nous montre la parcelle où il va réaliser les notations de papillons à trois reprises en juin, juillet et août. « C'est le suivi le plus délicat. La parcelle doit être grande. L'observation est visuelle. Je marche pendant 10 minutes. Je note tous les papillons que je vois et la famille à laquelle ils appartiennent. Les plus courants sont les lycènes et les piérides. Mais il y en a moins qu'avant. »
Pour finir, il nous montre les deux nichoirs à abeilles solitaires qu'il a installés, à proximité des vignes, sur le grillage jouxtant sa maison. Il les examine une fois par mois. « Mais jusqu'à présent, je n'ai pas vu une seule abeille », déplore-t-il.
Fabrice Bartaux commence à développer une activité de vente de bouteilles. Il raconte les suivis qu'il réalise avec les clients qui s'y intéressent. Les réactions sont toujours positives. Un bon moyen de prouver que les viticulteurs savent aussi respecter leur environnement.
Le Point de vue de
Alexandra Bonomelli, chef de projet au Comité interprofessionnel du vin de Champagne
« Des protocoles très simples »
« En 2010, le Muséum national d'histoire naturelle, le ministère de l'Agriculture et l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) ont lancé l'observatoire de la biodiversité.
Nous y participons depuis le début. L'objectif est de mieux connaître la biodiversité ordinaire, c'est-à-dire la faune et la flore communes, et de suivre l'impact des changements climatiques, des pratiques humaines comme l'urbanisation et les pratiques agricoles sur les plantes et les animaux sauvages. En Champagne, un peu plus de 80 viticulteurs participent à l'observatoire cette année. Les protocoles de suivi sont très simples. Ils peuvent être réalisés par des non-spécialistes. Pour les lombrics, par exemple, le but n'est pas d'identifier toutes les espèces mais juste de les classer en trois catégories. Pour le viticulteur, ces suivis n'ont pas d'intérêt direct, mais il peut assouvir sa curiosité personnelle. Pour l'instant, nous disposons encore de trop peu de données pour dégager des tendances.
Mais c'est un bon moyen de sensibiliser les acteurs à leur environnement. »