MICRO-OXYGENATION Inutile en pleine FA
« En micro-oxygénation, tout l'oxygène injecté n'est pas forcément transféré au vin », a souligné Audrey Devatine, ingénieure de recherche à la faculté d'œnologie de Bordeaux. En effet, elle a rappelé que la quantité d'oxygène transférée au vin, donc l'efficacité de la micro-oxygénation, dépend de plusieurs paramètres. Un débit de gaz élevé, une forte teneur en éthanol et un rapport hauteur/diamètre de la cuve élevé favorisent ce transfert.
« C'est surtout la surface de contact liquide-gaz qui joue, donc la surface des bulles d'oxygène et leur temps de contact avec le vin », explique la chercheuse. Ainsi, si le diamètre d'une cuve est divisé par deux, il faudra qu'elle soit quatre fois plus haute pour transférer autant d'oxygène par litre de vin, car le temps de contact doit être augmenté. Et quand le vin est riche en éthanol, les bulles deviennent plus petites, ce qui augmente la surface de contact avec le vin et améliore le transfert d'oxygène.
Au contraire, de fortes concentrations en sucres et en CO2 ralentissent ce phénomène. « Pendant la fermentation, la production de CO2 est importante et ce gaz est à saturation dans le moût. Le transfert d'oxygène est fortement freiné », a relevé Audrey Devatine. En conclusion, la micro-oxygénation sous marc, en pleine FA, est inefficace…
Un effet plus ou moins durable
Jean-Christophe Crachereau, ingénieur à la chambre d'agriculture de Gironde, a rapporté les résultats d'essais entamés en 2002 et portant sur quatre millésimes. Ces expérimentations ont consisté à micro-oxygéner dix vins avec différentes doses d'oxygène et à divers stades, de la fermentation jusqu'à l'élevage, puis à analyser et à déguster ces vins en bouteille, après un, trois et cinq ans.
L'effet de la micro-oxygénation n'est positif et durable que dans trois essais sur dix. Dans ces trois cas, elle a apporté une intensification du fruité et de la couleur, un assouplissement des tanins ou une amélioration de l'équilibre en bouche. Dans trois autres essais, son effet a été peu marqué. Dans deux essais, elle a eu un effet négatif sur les vins, provoquant dureté et oxydation. Enfin, dans deux derniers essais, l'impact est apparu positif sur vin jeune mais s'est inversé au bout d'un ou de trois ans.
« Ces cas sont les plus problématiques, a pointé Jean-Christophe Crachereau. Nous avons cherché à prédire ces évolutions négatives en bouteille. » Pour cela, il a testé une méthode comparant l'intensité colorante (IC), la nuance de la couleur (grâce au L*a*b) et l'indice de gélatine (indicateur d'astringence) dans le vin avant mise en bouteille et dans une cuve témoin non micro-oxygénée. Si l'IC et l'indice de gélatine augmentent et que les nuances rouge et jaune diminuent dans le vin traité par rapport au témoin, on peut prévoir un effet de la micro-oxygénation positif et durable. « Sur nos essais, cette méthode permet assez bien de prédire l'effet à long terme de la micro-oxygénation. Mais il faudrait la valider sur un beaucoup plus grand nombre d'échantillons », a annoncé Jean-Christophe Crachereau, tout en rappelant qu'il n'existait pas de recette toute faite pour la micro-oxygénation.
Renforcée par les copeaux
L'effet positif de la micro-oxygénation est accentué lorsqu'elle est couplée à l'ajout de copeaux. L'étude qu'a menée Fernando Zamora-Marin, chercheur à la faculté de Tarragone (Espagne), sur des vins rouges espagnols micro-oxygénés à trois doses différentes, le confirme. « Le bois engendre plus de copigmentation tanins-anthocyanes et contient un peu d'oxygène », précise le chercheur. Ce dernier a fait déguster ces essais à l'aveugle à vingt-sept étudiants : dix-huit ont su dire quels échantillons étaient micro-oxygénés, et la majorité a préféré ces échantillons. Plus de deux tiers d'entre eux ont aussi su distinguer les vins en fonction de la dose d'O2 appliquée.
Dans une autre expérience, Fernando Zamora-Marin a montré que l'élevage en cuve en présence de lies et avec de la micro-oxygénation entraîne une légère perte de couleur mais plus de combinaisons tanins-anthocyanes. De plus, cette technique apporte de l'onctuosité et davantage de souplesse aux vins.
Le chercheur a enfin mis en avant l'influence du pH à travers une dernière expérience : il a évalué l'effet de la micro-oxygénation sur un vin dont le pH a été ajusté à 3,1, 3,5 et 3,9. « L'efficacité est bien meilleure avec un pH plus bas », a-t-il conclu.
BESOINS EN OXYGENE DU VIN : Une méthode pour les évaluer
Pour Nicolas Vivas, directeur du centre de recherche Demptos, le vin, en soi, n'a pas de besoin en oxygène. « Les vinificateurs cherchent à connaître la quantité d'oxygène à apporter à un vin pour l'améliorer », a-t-il toutefois admis. Le chercheur a donc proposé un outil d'aide à la décision pour piloter ces apports à un vin rouge en élevage. Sa méthode est la synthèse d'une vingtaine d'années de travaux et d'observations sur des milliers d'échantillons.
D'abord, il a expliqué qu'il fallait calculer la quantité théorique d'O2, appelée Q0, que peut supporter un vin. Celle-ci dépend de plusieurs indicateurs. Parmi eux, l'indice de polyphénols totaux du vin. Il correspond à la richesse en tanins et en anthocyanes. Q0 peut aller de 1,5 mg/l/mois pour un pinot noir assez léger à 6 mg/l/mois pour un mourvèdre très structuré.
« Cette quantité doit être corrigée pour avoir la quantité applicable au vin, dite Q0 », a poursuivi Nicolas Vivas. Pour obtenir Q0, il faut appliquer trois coefficients à Q0. K1, le premier d'entre eux, dépend du pH du vin. Si ce pH est entre 3,5 et 3,6, K1 vaut 1,1 ; s'il est entre 3,9 et 4, K1 tombe à 0,5, car plus le pH est élevé, moins le vin peut supporter d'oxygène.
Le deuxième coefficient, K2, s'évalue selon le ratio intensité colorante/densité optique à 280 nm. « Les conséquences visibles de l'oxydation d'un vin sont la baisse de la nuance bleue, due à la combinaison des tanins et anthocyanes, ou encore une hausse plus ou moins importante d'intensité colorante », a justifié Nicolas Vivas. K2 sera de 0,6 si le ratio intensité colorante/densité optique est compris entre 1 et 1,2. Il vaut 1 si le ratio est de 1,6 à 1,8. Le coefficient K3 se calcule en fonction de la teinte du vin.
« Enfin, il faut un indice qui permette de dire s'il est nécessaire d'augmenter ou diminuer l'apport d'oxygène au long de l'élevage. » Nicolas Vivas suggère alors de corriger Qa selon le pourcentage de bleu dans la couleur et la teinte, mesurés chaque semaine. Pour un pourcentage de bleu situé entre 13 et 15, Qa sera multiplée par 1,5. Si ce pourcentage dépasse 17, Qa deviendra nulle. Le chercheur précise que si les deux indicateurs donnent des informations contradictoires, il faut appliquer la quantité d'oxygène la plus faible. « Il arrive que Qa soit divisée par deux par rapport à Q0 », illustre-t-il.
Les dérivés de levures ont de bonnes propriétés de collage
Les dérivés de levure ont fait une apparition récente parmi les produits de collage des vins. Virginie Moine, directrice scientifique de la société Laffort, a présenté les conclusions d'essais de collage réalisés avec des colles à base de levures inactivées. Ces colles ont permis d'obtenir des turbidités toujours inférieures à 20 NTU. D'après Virginie Moine, la couleur du vin et sa composition en polyphénols ne sont pas modifiées, les résultats obtenus étant similaires à un collage à la gélatine. Les tests de passage au froid révèlent aussi une bonne stabilisation de la matière colorante, aussi efficace qu'avec de l'albumine. « De plus, ces colles génèrent peu de lies », ajoute Virginie Moine.