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AU COEUR DU MÉTIER

En Gironde, chez les frères Cardarelli « Le vin sans IG est une occasion à saisir »

Colette Goinère - La vigne - n°242 - mai 2012 - page 34

Pour les frères Cardarelli, l'arrivée des vins sans IG est l'occasion d'une remise à plat de leur stratégie. Ils vont y consacrer leurs parcelles les moins qualitatives, ce qui améliorera leurs bordeaux et bordeaux supérieurs.
LES FRÈRES CARDARELLI (Jean-Christophe, Jean-Rémy et Jean-Louis, de gauche à droite) vendent 50 % de leur production en rendu mise sous leur nom de château ou sous les marques de leurs acheteurs, 40 % en vrac et de 10 % directement au réseau CHR et export. Ils se sont équipés en conséquence. PHOTOS P. ROY

LES FRÈRES CARDARELLI (Jean-Christophe, Jean-Rémy et Jean-Louis, de gauche à droite) vendent 50 % de leur production en rendu mise sous leur nom de château ou sous les marques de leurs acheteurs, 40 % en vrac et de 10 % directement au réseau CHR et export. Ils se sont équipés en conséquence. PHOTOS P. ROY

CET HIVER, les frères Cardarelli ont taillé plus long une trentaine d'hectares de vignes consacrée au vin sans IG.

CET HIVER, les frères Cardarelli ont taillé plus long une trentaine d'hectares de vignes consacrée au vin sans IG.

Les frères Cardarelli possèdent huit tracteurs pour cultiver leurs 275 ha, tous de la même marque. « Nous sommes fidèles à New Holland pour des questions de commodité et de service après-vente », explique Jean-Christophe Cardarelli.

Les frères Cardarelli possèdent huit tracteurs pour cultiver leurs 275 ha, tous de la même marque. « Nous sommes fidèles à New Holland pour des questions de commodité et de service après-vente », explique Jean-Christophe Cardarelli.

«Le vin sans IG ? Un très bon outil pour mettre de côté des parcelles qui ne sont pas très qualitatives », estime Jean-Christophe Cardarelli, viticulteur à Massugas (Gironde), en société avec ses deux frères. En 2011, il se lance en vendant 95 hl du millésime 2010 issus de 1,5 ha de vignes déclassées de l'AOC Bordeaux parce qu'en dessous du seuil des 2 000 pieds/ha.

Pour le millésime 2011, il pousse plus loin l'expérimentation avec la société de négoce Prodimas, que sa famille a créée en 2010. Cette entreprise achète des raisins en AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur auprès de 36 viticulteurs. Jean-Christophe Cardarelli recense les parcelles trop chargées en raisins. Il propose aux exploitants de les affecter au vin sans IG. 20 ha sont concernés, soit 10 % des surfaces.

Pour le millésime 2012, les Cardarelli décident d'adopter la même stratégie aux vignobles qu'ils détiennent en propre dans leur SCEA. Ils entreprennent un recensement. Bilan : sur 375 ha, ils vont consacrer une trentaine d'hectares au vin sans IG. Cet hiver, ils ont taillé ces vignes plus long pour conserver 25 à 30 bourgeons par pied. Cette saison, ils les fertilisent au-delà de 50 unités d'azote par hectare.

L'obsession de posséder de la terre

Jean-Christophe Cardarelli a fait les comptes : « Économiquement, le vin sans IG a de l'intérêt. Nous visons 120 hl/ha. Le cours actuel est entre 55 à 65 €/hl. Ce qui fait 7 200 euros l'hectare. C'est une occasion à saisir et une stratégie de diversification. Même si elle ne dure que quelques années. » Ce n'est pas le seul avantage : « En écartant des vignes moins qualitatives, nous augmenterons la qualité de nos bordeaux et bordeaux supérieurs », ajoute-t-il.

Pour atteindre cet objectif, les frères Cardarelli investissent : acquisition d'une seconde effeuilleuse afin de renforcer l'effeuillage sur les bordeaux et achat de systèmes de remontages programmables sur les cuves de vinification. Et ils visent la norme ISO 14001 de management environnemental pour fin 2012.

En fait, c'est un tournant majeur qu'ils opèrent. Exit la frénésie des rachats de propriétés. « Pendant des années, nous n'avons songé qu'à nous développer », lâche Jean-Christophe. Et de rappeler que sa famille a toujours eu cette obsession de « posséder de la terre ». En 1949, ses grands-parents, longtemps métayers à Pellegrue, en Gironde, réalisent leurs rêves : ils achètent le château La Borne, une propriété de 40 ha, dont 12 ha de vignes en mauvais état. Puis les parents de Jean-Christophe prennent le relais. Ils restaurent les vignes et créent un chai en 1980 pour rassembler la vinification qui était faite sur trois sites vétustes. À cette même époque, ils se lancent dans le rendu mise. Pour cela, ils investissent dans une chaîne d'embouteillage et d'habillage et créent des capacités de stockage. Aujourd'hui, 50 % de la production est vendue en rendu mise.

En 1990, les parents partent à la retraite. Leurs trois enfants, Jean-Rémy, Jean-Christophe et Jean-Louis se retrouvent sur la propriété familiale. Un gâteau trop petit. Voyant les choses venir, ils se lancent dans une politique d'agrandissement. Entre 1988 et 1994, ils achètent trois propriétés. Soit 28 ha. Ils créent un Gaec. En 1990, ils installent les premières cuves inox thermo régulées. L'année suivante, extension du chai. En 1995, une SCEA remplace le Gaec. Chacun est à son poste : Jean-Rémy s'occupe du vignoble, Jean-Louis et son épouse sont aux manettes de la vinification et de l'embouteillage et Jean-Christophe a la haute main sur le commercial, les relations avec le négoce et la gestion. Martine, sa femme, s'occupe de la comptabilité et de la vente en direct. Le triumvirat a une niaque terrible. « On avait envie de tout bouffer, d'acheter à tour de bras », se souvient Jean-Christophe.

Entre 1995 et 2000, 52 hectares, payés aux prix forts, entrent dans l'escarcelle de la SCEA. Pour faire face à ces volumes, les investissements vont bon train. Les Cardarelli agrandissent leur chai pour atteindre 42 000 hl de cuves. Ils achètent des pressoirs pneumatiques, puis installent le microbullage. La crise arrive. Pour mieux répartir leurs charges d'amortissement, les frères prennent 50 ha supplémentaires, mais cette fois en fermage à 80 %. « Cela nous a permis d'amortir ce que nous avions acheté trop cher. Nous avons sécurisé l'entreprise. » La crise passée, les vignobles Cardarelli s'agrandissent encore de 50 ha ces deux dernières années. Mais cette fois, c'est promis, la boulimie, c'est fini. L'heure est à la montée en gamme.

Et si c'était à refaire ? « Nous chercherions à mieux valoriser, plutôt qu'à nous agrandir »

«Dans les années quatre-vingt-dix, nous avons payé des vignes en bordeaux et bordeaux supérieur beaucoup trop cher. À l'époque, si on faisait la fine bouche, c'était le voisin qui achetait. C'était le temps où Bordeaux poussait à toujours plus de plantations. Il n'y avait jamais assez de vin, la demande était très forte. Alors nous nous sommes lancés dans une politique d'achats de propriétés, même si elles étaient difficilement amortissables. Nous avons payé des vignes jusqu'à des prix de folie : 42 000 €/ha. Nous avons eu tout faux ! Si c'était à refaire, nous n'irions pas dans cette spirale. Au lieu de payer des prix fous, nous travaillerions davantage la valorisation de nos vins, en développant d'autres circuits commerciaux. Pour tout le reste, nous ne changerions rien. Travailler en société, c'est incontournable. Travailler en famille, c'est la clé du succès. Chacun a son rôle à jouer. Nous nous entendons bien. »

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L'EXPLOITATION

Main-d'œuvre : douze permanents dont cinq membres de la famille (trois frères et deux épouses).

250 ha en propre et 125 ha en fermage.

Appellations : Bordeaux et Bordeaux supérieur.

Encépagement : merlot (60 %), cabernet franc (18 %) et cabernet sauvignon (22 %).

Taille : guyot simple et double.

2 200 à 5 000 pieds/ha.

Production en 2011 : 19 566 hl d'AOC et 96 hl de VSIG pour la SCEA Cardarelli ; 11 864 hl d'AOC et 2 480 hl de VSIG pour le négoce Prodimas.

Les prix de vente

De 55 à 65 €/hl de VSIG.

De 100 à 167 €/hl d'AOC.

Les résultats

CA 2011 : 2,8 millions d'euros pour la SCEA et Prodimas.

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