Un dictaphone pour être réactif. Cet appareil ne quitte pas la cabine de l'enjambeur. Daniel Pétré peut ainsi enregistrer en direct, sans perdre de temps, ses observations sur la vigueur de ses vignes. PHOTOS A. LUTUN
Balisage des zones moins vigoureuses. Pour les matérialiser, Daniel Pétré appose un scotch orange sur les piquets de vigne ou sur le fil supérieur. Il entoure ainsi toute la zone à privilégier lors de l'amendement. De son enjambeur, il peut facilement voir la zone en question lors de l'épandage d'engrais. Pour déterminer la localisation des zones les moins vigoureuses, Daniel et Marie-Christine Pétré observent la précocité du changement de couleur des feuilles à l'automne, la grosseur des bois à la taille et la masse de végétation lors du rognage.
Balisage des zones moins vigoureuses. Pour les matérialiser, Daniel Pétré appose un scotch orange sur les piquets de vigne ou sur le fil supérieur. Il entoure ainsi toute la zone à privilégier lors de l'amendement. De son enjambeur, il peut facilement voir la zone en question lors de l'épandage d'engrais. Pour déterminer la localisation des zones les moins vigoureuses, Daniel et Marie-Christine Pétré observent la précocité du changement de couleur des feuilles à l'automne, la grosseur des bois à la taille et la masse de végétation lors du rognage.
Modulation de l'épandage selon la vigueur. Pour ajuster l'épandage d'engrais dans les parties déficitaires, Daniel Pétré réduit sa vitesse ou joue sur le débit du semoir. Son semoir centrifuge prend douze rangs. Il n'hésite pas à repasser au milieu dans une zone comprise entre deux passages, la priorité étant donnée à l'homogénéité de l'avancement de la végétation pour faciliter le travail du palissage.
Optimisation du travail de l'équipe. Marie-Christine Pétré, la femme de Daniel, participe à l'observation de la vigueur des vignes, notamment lors de la taille, du palissage et du rognage. L'optimisation du temps de travail est l'un des points forts de cette exploitation : Marie-Christine Pétré s'occupe, entre autres, du liage des pointes pour faciliter l'organisation de l'équipe qui démarre en même temps au même niveau. De cette manière, il n'y a pas de temps perdu sur les bordures ou dans les routes plus petites.
«Il faut toujours être en éveil. » Tel est le leitmotiv de Daniel Pétré, viticulteur à Ville-sur-Arce, dans l'Aube. Ce vigneron utilise son sens de l'observation lors de différentes phases de travail pour repérer les zones les moins vigoureuses. « Ma façon de faire n'a rien de révolutionnaire, précise-t-il d'emblée. J'observe juste la vigne avec une attention accrue à trois périodes importantes de la campagne : lors du palissage, à l'automne et pendant la taille. »
Des différences facilement perceptibles
Lors du palissage, le viticulteur examine attentivement la couleur du feuillage. « Je regarde si les feuilles sont plus ou moins vertes, explique-t-il. Je note aussi le volume de pousse, ainsi que le nombre et la grosseur des feuilles. Du haut de l'enjambeur, je bénéficie d'une vue assez précise de la végétation. Les différences de vigueur sont perceptibles très facilement. De même, je peux observer la quantité de végétation coupée par la rogneuse. J'ai toujours un dictaphone dans l'enjambeur. Dès que j'observe une zone moins vigoureuse, je l'enregistre, en étant particulièrement précis dans les nouvelles parcelles. Ensuite, je matérialise cette zone avec des scotchs orange que je colle sur les piquets. » Le travail d'observation se poursuit à l'automne, quand les feuilles changent de couleur. « Les zones qui souffrent perdent leurs feuilles plus rapidement, constate Daniel Pétré. Il est toujours intéressant de regarder ses vignes depuis le coteau d'en face. Je constate parfois une pousse faible sur des zones dont les sols sont pourtant bien pourvus en matière organique. L'observation à l'automne me donne parfois l'explication : là où le feuillage chute précocement, le sol est moins profond. »
Enfin, lors de la taille, il regarde la grosseur des bois et la quantité d'entre-cœurs. Ces observations se recoupent presque toujours. Elles sont ensuite mises à profit pour affiner la fertilisation et rééquilibrer la vigueur.
Adapter la vitesse d'épandage
Daniel Pétré utilise principalement de l'engrais minéral et travaille beaucoup avec des déchets verts et des aignes (résidus de pressurage : pellicule, rafles…). « Lors de l'épandage, je module la dose en fonction de la zone. Dans les zones déficitaires, je vise les 50 unités d'azote par ha, en intégrant les apports des déchets verts. Je travaille avec un semoir centrifuge qui prend douze rangs. Dans les zones très vigoureuses, je réduis les apports, indique-t-il. Il m'arrive même de couper le semoir. Dans les zones moins vigoureuses, je joue soit sur le débit du semoir, soit sur la vitesse d'avancement, voire sur les deux. Si la zone moins vigoureuse fait moins de douze rangs de large, j'augmente le débit du semoir et je réduis éventuellement la vitesse d'avancement. Ainsi, je roule à environ 10 km/h dans les zones vigoureuses et à 3 km/h dans les zones les moins bien pourvues. En revanche, si la zone moins vigoureuse est située entre deux passages, je repasse au milieu. Je préfère passer une fois de plus et gagner du temps au relevage. Car pour réaliser un bon travail au palissage, surtout avec des écarteurs, il faut une pousse homogène. Parfois, il m'arrive aussi de repasser avec un semoir ventral pour un petit rond moins vigoureux. »
Basée sur le bon sens, cette méthode rencontre de bons résultats.
Réaménager le terrain dans les zones argileuses
« Cela fait plus de dix ans que je travaille de cette manière et je constate un rééquilibrage de la vigueur dans certaines zones déficitaires, témoigne le vigneron. Évidemment, cette technique fonctionne bien si le problème n'est pas trop important. Dans les zones argileuses et très humides, j'attends l'arrachage de la vigne pour réaménager le terrain. Il m'arrive de ramener de la terre ou, exceptionnellement, d'effectuer un drainage.» Cette méthode lui semble-t-elle contraignante ? Non, au contraire. « Quand je taille, j'en profite pour repérer un piquet cassé, un plant mort ou un autre problème. Matérialiser celui-ci tout de suite permet de faire gagner du temps par la suite. »
Le Point de vue de
Christophe Didier, responsable relations techniques vignoble chez Nicolas Feuillatte, à Chouilly (Marne)
« C'est efficace et peu coûteux »
«Une observation attentive des vignes, à l'image de ce que réalise Daniel Pétré, permet d'avoir des informations précises sur leur vigueur. Cela prend un peu de temps, mais ne coûte presque rien. C'est notamment après les vendanges, quand les feuilles changent de couleur, que l'observation est très instructive. La coloration précoce du feuillage met bien en évidence les zones les moins vigoureuses. Les vignerons ajustent parfois leurs apports en bout de parcelle, quand un déficit est perceptible. Mais c'est assez rare d'adapter l'amendement dans des ronds à l'intérieur d'une même parcelle comme le fait Daniel Pétré. C'est dommage de ne pas ajuster ses apports, car une vigueur homogène facilite le travail d'ébourgeonnage, de palissage et de rognage. Le CIVC réalise des essais avec des capteurs embarqués sur l'enjambeur pour visualiser la masse de végétation pendant la période végétative et affiner ensuite les doses à épandre. Ce système est plus précis, moins contraignant, mais beaucoup plus coûteux. »