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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Planter un cépage non permis conduit à la résiliation du bail

Jacques Lachaud - La vigne - n°242 - mai 2012 - page 78

Un locataire de vignes en appellation Ventoux a planté un cépage non autorisé dans le cahier des charges. Son propriétaire a obtenu la résiliation du bail pour agissements compromettant la bonne exploitation du fonds.

Dans une chronique précédente, nous avions évoqué le comportement fautif d'un fermier qui cultivait mal sa vigne (voir « La Vigne » de mars 2012, page 68). Aujourd'hui, il est question de plantations illégales opérées par le preneur.

Xavier est fermier d'Yvan. Il exploite des vignes bénéficiant de l'AOC Côtes du Ventoux. Le bailleur réside loin de sa propriété. Face aux compétences viticoles de son preneur, il lui laisse toute initiative. Mal lui en a pris. Toute personne s'intéressant à la viticulture sait que, pour qu'un vin puisse revendiquer une appellation d'origine contrôlée, il faut utiliser les cépages figurant dans le cahier des charges. C'est du moins ce qui découle du code rural (articles L 641 et suivants) et du code de la consommation (article 115-1) qui définissent les impératifs de reconnaissance en appellation. Ils doivent aussi être plantés dans l'aire délimitée et à la densité figurant dans le cahier des charges. Si l'Inao constate que certaines parcelles ne respectent pas ces exigences, il peut les exclure de l'AOC sans que cela constitue une atteinte au droit de propriété, comme l'a récemment affirmé le Conseil constitutionnel.

Un nouveau cépage moins sensible aux maladies

Dans notre affaire, certaines parcelles de vignes données en location à Xavier avaient besoin d'être renouvelées. Ce dernier aurait pu exiger ce remplacement aux frais du bailleur (article 1 719 du code civil et article L 415-8 du code rural), mais il a préféré, en accord avec son bailleur, faire lui-même la replantation, quitte à percevoir une indemnité s'il venait à cesser le bail, comme le prévoit la loi (articles L 411-71 et L 411-73 du code rural).

C'est à partir de là que le contentieux va naître. Xavier décide de planter du caladoc, un cépage obtenu en 1958 par l'Inra par croisement entre le grenache et le cot. Xavier l'a retenu car il est présenté comme moins sensible aux maladies, notamment à l'oïdium et à la pourriture grise. Le problème est que ce caladoc ne fait pas partie des cépages cités par le décret de l'AOC Côtes du Ventoux. Qu'à cela ne tienne, Xavier le plante ! Autre point à relever : il ne respecte pas non plus les règles de densité de plantation qui imposent 3 500 pieds à l'hectare. Sans même attendre la fin du bail, notre fermier réclame à son propriétaire les frais de replantation. Bien entendu, Yvan refuse de payer un travail qui a pour conséquence d'exclure ses parcelles de l'AOC. En réaction, il demande la résiliation du bail. Reste à savoir sur quel motif, car les loyers étaient bien réglés et les vignes entretenues. L'article L 411-31 du code rural prévoit comme motifs de résiliation « des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ». La cour d'appel, approuvée par la Cour de cassation, a jugé que cette perte du droit à l'appellation compromettait la bonne exploitation. Elle a donc prononcé la résiliation à titre de sanction du comportement du preneur. Du même coup, les juges ont refusé la demande de paiement des frais de replantation de la vigne.

Les parcelles seront donc restituées au propriétaire, mais pour retrouver la valeur économique de son bien, le fermier devra arracher à ses frais les plants de caladoc et replanter en respectant les règles de son appellation. On se demande si Yvan n'aurait pas pu répercuter ce coût en forme de dommage et intérêts contre Xavier. Il est vrai que celui-ci avait soutenu, au cours des débats, que le caladoc serait prochainement inclus dans les cépages autorisés pour l'AOC. La Cour lui a répondu qu'il fallait uniquement s'en tenir à la réalité actuelle.

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RÉFÉRENCE :

Cour de cassation du 27 septembre 2011 n° 08-20436.

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