MARC-ANTOINE ET EDGARD PLUCHOT décident ensemble de leurs assemblages. Ils réalisent l'opération dans leur caveau d'accueil attenant au chai. Leur gamme est composée de sept vins : trois rouges, deux rosés et deux blancs. PHOTOS F. BAL
« Cette année, nous travaillerons tous les deux à temps complet sur notre domaine, cela va nous changer la vie. » Après sept ans de parcours du combattant, Edgard et Marc-Antoine Pluchot, des frères âgés de 31 et 28 ans, apprécient leur nouveau statut. Tous deux souhaitaient vivre dans leur région. En 2005, ils sont donc revenus s'installer dans le village de leurs grands-parents, à Saint-Alban-les-Eaux, dans la Loire, d'où le nom de leur domaine : Le retour aux sources.
Ils démarrent doucement, comme double actifs. « Acheter un domaine aurait été trop cher et trop complexe, raconte Edgard, titulaire d'un BTS viticulture et œnologie et fort d'une expérience de quatre ans au domaine du lycée viticole de Mâcon-Davayé (Saône-et-Loire). Nous avons trouvé des vignes et loué un cuvage avant d'envisager de construire un chai. »
Au début, ils ne font pas « les difficiles ». Ils reprennent de vieilles vignes « dont personne ne voulait. Aujourd'hui, nous exploitons 8 ha de vignes et nous vendons 22 000 bouteilles, annoncent-ils fièrement. Nos prix de vente aux particuliers sont compris entre 4,50 euros pour le rosé sec et 9,50 euros pour Nectardif, un chardonnay demi-sec ».
Dès le début, ils entendent élaborer des vins à leur image, « simples et généreux ». Edgard démarre avec 3 ha. Il élabore 50 hl de vrac et 3 000 bouteilles. En 2006, il crée un rouge plus corsé : Héritage. « Egrappé à 100 %, il macère trois semaines, ce qui lui donne à la fois plus de structure et plus de rondeur », explique-t-il.
Un rosé demi-sec qui marche très bien
La même année, Le petit prince, un restaurant du village, leur commande un rosé demi-sec « qui marche aujourd'hui très bien ». En 2007, à la demande de certains clients, ils créent un rouge fruité et léger. La même année, l'association viticole roannaise met à leur disposition 1,5 ha de vignes relais créées pour faciliter l'installation de jeunes. Elle leur loue ces vignes deux ans de suite, le temps que leurs plantations entrent en production. « Cela nous a permis de décoller en rosé, souligne Marc-Antoine. Depuis, le demi-sec est devenu notre cuvée principale. » En 2010, Edgard cesse sa double activité. Depuis le 21 février 2012, Marc-Antoine l'a rejoint à temps complet. « Pour vivre, il faut vendre et anticiper », commente Edgard, qui se surnomme le roi de l'histogramme, car il a clairement affiché ses objectifs mensuels de vente sous cette forme. « On se fixe comme but de faire progresser notre chiffre d'affaires de 10 % par an », indique-t-il.
Dès le départ, ils participent à dix salons : deux en Bretagne, les autres dans la région. « Pour se faire connaître, il faut être partout, semer plein de pistes », affirme Marc-Antoine. Il démarche assidûment les restaurants et cavistes de la côte roannaise, lesquels représentent aujourd'hui la moitié de leur chiffre d'affaires. « C'est une belle vitrine pour nos vins », poursuit-il.
En 2008, sur les conseils du Petit prince, les deux frères changent toutes leurs étiquettes afin de les rendre plus sobres et élégantes. Ils créent un site internet, puis un compte Facebook pour informer leurs amis de la vie du domaine. Outre leurs deux week-ends de portes ouvertes par an, ils proposent régulièrement des animations : dégustations à thème, balades pédagogiques dans les vignes (12 euros par personne) et repas dans le cuvage (20 euros). Autant d'occasions de créer des liens avec leurs clients. Depuis leur installation, les deux frères estiment avoir investi 200 000 euros, un montant « raisonnable ». 2008 reste une année charnière dans leur histoire. Ils plantent 2,2 ha de vigne à 4 500 pieds/ha mais, surtout, ils construisent une ministation d'épuration et un bâtiment de 160 m2, autonome en énergie, qui abrite le chai, un caveau, le stockage et leur bureau. « Quinze jours avant les vendanges, il n'y avait toujours pas l'électricité, quel stress ! », se souviennent-ils.
Pour le matériel viticole, le domaine adhère à une Cuma. Pour les vendanges, ils recrutent parmi leurs amis et leur famille. Tout semble aller pour le mieux mais, en 2011, les vignes souffrent trop de la sécheresse. La récolte n'atteint que 100 hl au lieu des 250 hl attendus.
« Cette année, nous aurons une rupture de stock entre septembre et novembre », confie Marc-Antoine. Un coup du sort dont ils se seraient bien passés. Ils ont donc augmenté leurs prix de 20 %, « sinon on ne passerait pas le cap », reconnaissent-ils. Pour le millésime 2012, ils maintiennent leur objectif de produire et de vendre 30 000 bouteilles. Les vignes relais qui ont facilité leur installation ont accompli leur mission.
Et si c'était à refaire ? « Nous aurions davantage confiance en nous »
« Dès le départ, nous avons souhaité planter des blancs. Mais nous nous sommes laissé influencer par les avis contraires. Autre exemple : en 2007, nous avons écouté la chambre d'agriculture qui nous conseillait de décuver un vin alors qu'il restait des sucres résiduels, contre notre sentiment. Résultat ? Nous avons dû envoyer 25 hl de rouge à la distillerie. Si c'était à refaire, nous serions aussi moins naïfs, car nous sommes arrivés la fleur au fusil, avec l'idée que la solidarité entre vignerons prévalait. En réalité, le monde viticole est parfois féroce. Nous nous sommes fait berner sur certaines vignes parce que nous n'étions pas de ce monde.
Enfin, nous construirions une maison d'habitation à côté du chai, afin d'avoir une activité au caveau plus soutenue. Comme nous habitons ailleurs, nous n'y assurons une permanence que le samedi et nous recevons sur rendez-vous en semaine. Avec cette organisation, nous ratons pas mal de clients potentiels. »