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VIGNE

L'analyse de pétiole se démocratise

Michèle Trévoux - La vigne - n°243 - juin 2012 - page 42

Complément de l'analyse de sol, l'analyse de pétiole permet un pilotage précis de la fertilisation avec des apports raisonnés à la parcelle. Le renchérissement des engrais, le changement climatique et l'arrivée de nouveaux laboratoires favorisent son essor.
« LES ANALYSES VITICOLES sont beaucoup moins répandues que les analyses œnologiques, constate Matthieu Dubernet, qui dirige le laboratoire éponyme. Pourtant, l'équilibre du raisin est le premier geste œnologique. Avec SRDV, nous voulons faire tomber les murailles entre les chapelles agronomiques et oenologiques. » © LABORATOIRE DUBERNET

« LES ANALYSES VITICOLES sont beaucoup moins répandues que les analyses œnologiques, constate Matthieu Dubernet, qui dirige le laboratoire éponyme. Pourtant, l'équilibre du raisin est le premier geste œnologique. Avec SRDV, nous voulons faire tomber les murailles entre les chapelles agronomiques et oenologiques. » © LABORATOIRE DUBERNET

« Avec le changement climatique, l'analyse pétiolaire a de l'avenir», prédit Marie-Claire Pajot, du laboratoire LCA, à Bordeaux (Gironde). Depuis près de vingt ans, ce laboratoire spécialisé dans les analyses et conseils agro-environnementaux propose des analyses de pétioles et de limbes en complément des analyses de sol.

«Un sol équilibré est la première condition pour une bonne nutrition minérale de la vigne, poursuit-elle. Mais cela ne garantit pas que la vigne assimile bien les éléments minéraux. Ces derniers sont essentiellement absorbés avec l'eau. Les conditions climatiques sont donc déterminantes pour la nutrition de la vigne. Or, le contexte climatique est de plus en plus particulier. Cela complique la donne. Seule l'analyse du pétiole ou du limbe permet de suivre l'assimilation par la plante des éléments nutritifs présents dans le sol et de détecter les carences.»

Une approche globale de la production

« Nous pratiquons couramment l'analyse de pétioles, notamment pour des consultants en viticulture. Depuis quelques années, elle prend de l'essor », confirme Thierry de Laborde, du laboratoire LDM, dans le Gard. En Languedoc, la société audoise SRDV s'est positionnée spécifiquement sur ce marché. Les laboratoires d'œnologie Dubernet à Narbonne (Aude) et Natoli & Coe à Montpellier (Hérault), Cicovi (conseil en viticulture) et le consultant Olivier Trégoat l'ont fondée l'an dernier. Elle réunit des œnologues et des agronomes. Elle entend développer une approche globale de la production, du travail du sol jusqu'à la mise en bouteille.

«L'analyse œnologique est passée dans les moeurs. Tous les vignerons sont suivis par des laboratoires d'œnologie. Les analyses viticoles sont beaucoup moins répandues et, pourtant, l'équilibre du raisin est le premier geste œnologique. Avec SRDV, nous voulons faire tomber les murailles entre les chapelles agronomiques et œnologiques», plaide Matthieu Dubernet, qui dirige le laboratoire du même nom.

Base de données

Avant de se lancer, les fondateurs de SRDV se sont attachés à constituer une base de données pendant quatre ans. Ils affirment qu'elle est riche de plus de 500 analyses à sept stades du cycle végétatif de la vigne depuis le stade boutons floraux séparés jusqu'à la maturité. Ce référentiel compile des analyses de teneurs en éléments minéraux par millésime, par cépage et pour différents vignobles. Il est complété par des observations de terrain. Grâce à toutes ces données, SRDV a défini ses propres seuils, appelés limites usuelles de variations (LUV), pour chacun des douze éléments analysés (azote, phosphore, potassium, calcium, magnésium, fer, bore, zinc, cuivre, manganèse et sodium) et des bornes pour la toxicité du magnésium et la carence en bore.

La plupart de ces laboratoires affirment fournir les résultats en une semaine, ce qui permet d'intervenir en cours de saison, par exemple pour corriger une carence. L'analyse pétiolaire permet également de dépister des carences avant l'apparition des premiers symptômes. Enfin, elle permet d'affiner les diagnostics. « Le dessèchement de la rafle est fréquent sur le mourvèdre dans notre région, explique Jérôme Fil, de Cicovi. Il peut être lié à un déficit en calcium, en magnésium ou en potassium. Dans tous les cas, les symptômes visuels sont les mêmes. L'analyse pétiolaire permet de faire le bon diagnostic pour apporter l'élément déficitaire et garantir ainsi une bonne maturation des baies.»

Intervenir en cours de saison

En réalisant des analyses à plusieurs stades phénologiques, on peut suivre l'absorption de chaque élément, réaliser des apports en cas de besoin puis vérifier très rapidement l'efficacité du traitement. D'où l'intérêt de commencer les analyses aux stades les plus précoces pour intervenir en cours de saison. « Dans tous les cas, c'est une remise en question des habitudes. À chaque fois qu'un de mes clients a fait des analyses pétiolaires, son programme de fertilisation a été modifié», affirme Matthieu Dubernet.

L'analyse côté pratique

L'époque. Les analyses sont réalisées à des stades phénologiques précis, pour lesquels les laboratoires disposent de référentiels leur permettant l'interprétation des résultats. Selon les laboratoires, le nombre de stade est variable : deux stades (floraison et véraison) pour LDM, quatre stades pour LCA (boutons floraux séparés, floraison, nouaison et véraison) et sept stades pour SRDV.

La méthode. On prélève cinquante pétioles sur cinquante ceps, répartis sur quatre ou huit rangs selon la taille de la parcelle. Choisir les pétioles situés en face de la première grappe en partant de la base.

Les délais. Les résultats sont généralement disponibles au bout de cinq à dix jours.

Le coût. Entre 40 et 50 euros HT pour une analyse complète. Tarif dégressif (37 euros l'unité pour dix analyses chez SRDV). Tarif réduit chez LCA pour l'analyse des seuls éléments majeurs N, P et K (30 à 40 euros).

Le Point de vue de

Yann Claustre, régisseur du château Camplazens, 44 ha à Armissan (Aude)

« Nous nous assurons de la pertinence de notre plan de fertilisation »

Yann Claustre, régisseur du château Camplazens, 44 ha à Armissan (Aude)

Yann Claustre, régisseur du château Camplazens, 44 ha à Armissan (Aude)

« Nous avons commencé à pratiquer ces analyses à partir de 2007. Elles nous permettent de piloter notre fertilisation à la parcelle. Nous avons par exemple une parcelle de grenache dont le sol est très riche en potassium. Avec l'analyse de pétioles, nous avons vu que l'excès de potasse avait induit une carence en magnésium en bloquant son assimilation. L'an dernier, nous avons alors apporté du magnésium en deux apports et la vigne n'a quasiment plus exprimé aucun symptôme de carence. Nous avons également fait des essais d'apport d'azote par fertirrigation. Les analyses pétiolaires montrent que les vignes fertirriguées sont mieux alimentées en azote que les autres pour un même apport d'azote. Avec cet outil, on apporte à chaque parcelle ce dont elle a besoin et pas plus. Avant de faire ces analyses pétiolaires, nous avions pratiqué des analyses de sol dès 2004. Puis nous avons voulu nous assurer que les équilibres atteints au niveau du sol se retrouvaient au niveau du végétal. À ce jour, nous avons réalisé des analyses de pétioles sur deux tiers de mes parcelles qui représentent plus de 80 % de la surface de l'exploitation. Le vignoble étant assez récent, nous n'avons pas encore fait d'analyses sur les plus jeunes vignes. Mais à terme, toutes les vignes seront analysées. Puis, quand nous aurons passé l'ensemble des parcelles en revue, nous ferons des analyses pétiolaires tous les trois ans que nous couplerons aux analyses de sol tous les neuf ans. Avec les forfaits d'analyse proposés par notre laboratoire, le coût est de 372 euros HT pour dix analyses. C'est vite rentabilisé compte tenu du prix des engrais. L'objectif premier est de s'assurer de la pertinence de notre plan de fertilisation, qui est axé sur des amendements organiques avec un apport minéral équilibré, des apports fractionnés d'azote et un complément foliaire en magnésie. »

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