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VIGNE

Contrôles des pulvés : délits de fuite

Martin Caillon - La vigne - n°243 - juin 2012 - page 50

Inauguré il y a trois ans, le contrôle des pulvés accuse un important retard. C'est l'un des constats du bilan établi par le GIP Pulvés chargé de sa mise en œuvre.
DEPUIS LE 1ER JANVIER 2009, le contrôle des pulvés est obligatoire pour tous les appareils de plus de cinq ans. © P. ROY

DEPUIS LE 1ER JANVIER 2009, le contrôle des pulvés est obligatoire pour tous les appareils de plus de cinq ans. © P. ROY

On est loin du compte. E n trois ans, seuls 8 805 pulvérisateurs viticoles ont été présentés à l'un des 97 organismes de contrôle agréés qui maillent le territoire. Soit à peine plus de 10 % des appareils, si l'on estime que chacune des 87 000 exploitations viticoles possède en moyenne un pulvérisateur.

Toutes productions confondues, le GIP Pulvés a comptabilisé 56 693 contrôles de pulvérisateurs depuis la mise en place du dispositif, en janvier 2009, jusqu'à la fin de 2011. Or, le parc français de pulvérisateurs est estimé à 300 000 unités.

Les Girondins loin devant les Catalans

Force est de constater qu'on ne se bouscule pas au portillon des organismes de contrôle. Selon Vincent Polvèche, directeur du GIP Pulvés, ceux du Gard et de l'Hérault s'inquiètent, parmi d'autres, d'une sous-activité. Les exploitants du Languedoc figurent parmi les moins empressés à présenter leurs pulvérisateurs. Entre 2009 et 2011, seuls 11 % des Gardois et 9 % des Héraultais ont réalisé un contrôle. Pis, l'Aude et les Pyrénées-Orientales affichent 5 % et 3 % de contrôles. Un chiffre qui approche dangereusement du 0 % de nos voisins Portugais, Espagnols ou Grecs. En comparaison, la Marne (22 %), l'Aube (25 %) et la Gironde (27 %) font figure de bons élèves. Mais en France seulement, car ces départements font pâle figure face à l'Allemagne qui frise les 100 %. En cause, le prix demandé pour chaque appareil contrôlé, qui se situe entre 150 et 200 euros. « Certains vignobles sont encore dans une situation financière critique, analyse Vincent Polvèche. Au-delà de son intérêt technique, trop peu d'exploitants abordent le contrôle du pulvé dans une démarche de qualité, qui peut aussi servir à mieux communiquer auprès des consommateurs. » À cela s'ajoute l'absence de véritables sanctions. Le contrevenant risque en théorie une amende de quatrième classe comprise entre 135 et 750 euros. Il risque aussi de se voir infliger une pénalité de 1 % du montant de l'aide s'il est engagé dans une mesure agroenvironnementale. Outre le retard des opérations de contrôle, les données recueillies par le GIP Pulvé apportent un éclairage sur l'état du parc présenté au contrôle. « On note que la moyenne d'âge de ces pulvérisateurs est de 13 ans, en viticulture comme en grandes cultures. Plus précisément, 62 % du parc a entre 8 et 17 ans et 13 % a plus de 23 ans. La durée de vie d'un pulvérisateur est en fait proche de vingt ans », indique Vincent Polvèche.

85 % des pulvérisateurs sont pneumatiques

La viticulture affiche sa spécificité avec 85 % de pulvérisateurs pneumatiques. Le jet porté, utilisé dans 97 % des cas en arboriculture, ne représente que 10 % du parc viticole. Seuls 6 % des appareils pulvérisent en jet projeté.

Autre particularité : le débit proportionnel à l'avancement électronique (DPAE) n'équipe que 5 % du parc viticole, principalement en Champagne, en Bourgogne et à Chablis. Ce taux d'équipement atteint en revanche 40 % en grandes cultures. « Le DPEA n'est pas forcément aussi justifié en viticulture, tant que l'on peut rouler à vitesse constante », observe Vincent Polvèche. Plus de la moitié des pulvérisateurs (57 %) fonctionnent à pression constante et 37 % ont un débit proportionnel au régime moteur.

Premier problème : les fuites en tous genres

À l'instar du contrôle automobile, chaque pulvérisateur est soumis à un examen complet sur près de 150 points. Comme pour les automobiles, le contrôleur rédige un rapport dans le quel il mentionne les défauts majeurs et mineurs. Seuls les premiers entraînent une contre-visite. Le rapport peut aussi consigner de simples remarques.

De manière surprenante, les fuites en tous genres (joints usés, tuyaux mal raccordés ou percés, etc.) constituent les principaux défauts rencontrés. « Je reste étonné par leur nombre », commente Vincent Polvèche. Rappelons que trois fuites sur un même appareil, même mineures, sont assimilées à un défaut majeur. La deuxième cause de défaillance concerne l'état du manomètre, souvent imprécis, voire défectueux. En troisième position viennent les problèmes de pertes de charges. S'ils sont liés à la conception de l'appareil, ils sont acceptés. C'est le cas de certains appareils à jet projeté. S'ils sont excessifs et trouvent leur cause dans un défaut de maintenance, le pulvérisateur fait l'objet d'une contre-visite. Au terme de ces contrôles, seuls 12 % des appareils sont officiellement soumis à une contrevisite dans un délai de quatre mois. « Le taux réel devrait normalement avoisiner 25 %, mais certaines réparations se font sur place le jour de la visite », explique Vincent Polvèche.

Les appareils soumis au contrôle en 2012

Le contrôle des pulvérisateurs existe depuis le 1er janvier 2009. Le premier contrôle d'un pulvérisateur doit intervenir au plus tard cinq ans après sa première mise sur le marché. Pour les appareils plus anciens, le gouvernement a défi ni un ordre de passage selon le numéro Siren des exploitations. Cette année, les exploitations qui doivent faire contrôler leur(s) appareil(s) sont celles dont les huitième et neuvième chiffres du numéro Siren sont compris entre 60 et 79. Celles dont les derniers chiffres sont compris entre 00 et 59 ont, en principe, déjà dû l'effectuer.

Sont concernés :

les appareils à rampe horizontale traitant au moins trois mètres,

les appareils appliquant les produits sur un plan vertical.

Ne sont pas concernés :

les petits appareils de désherbage localisé et les appareils équipés d'une seule sortie de liquide,

les matériels manifestement hors d'usage dont la pompe est démontée ou la cuve transpercée.

Le Point de vue de

Norbert Piguet, inspecteur pulvérisateur débutant à Corcelles-en-Beaujolais (Rhône)

« 40 % de retard sur les contrôles dans le Beaujolais »

Norbert Piguet, inspecteur pulvérisateur débutant à Corcelles-en-Beaujolais (Rhône)

Norbert Piguet, inspecteur pulvérisateur débutant à Corcelles-en-Beaujolais (Rhône)

« Je me suis installé en tant qu'inspecteur indépendant en juillet 2011. J'ai investi dans un camion et près de 25 000 euros en matériels. Mon activité a vraiment démarré en 2012, avec un boom à partir de mars. J'ai réalisé 60 contrôles à ce jour, dont les deux tiers en viticulture. Il me faut de 1 à 2 heures par appareil. Je commence par un examen visuel. Ensuite, je contrôle le manomètre. Je le démonte systématiquement pour le vérifier à quatre niveaux de pression différents. Si l'écart entre l'affichage et la mesure n'excède pas 10 %, l'instrument est jugé conforme. Au banc, je contrôle également le débit des appareils. Je démonte chaque buse et je mesure son débit lors d'un test à 3 bars de pression. Sur les appareils qui me sont soumis, je vois pas mal de petites fuites liées à des problèmes de joints ou de tuyaux mal serrés. Pour éviter une contre-visite, je demande parfois à mes clients d'aller se procurer la pièce défectueuse afin que je la remplace sur place, avant mon départ. Je facture de 180 à 220 euros par appareil. Pour que mon activité soit viable, il faudrait que je réalise 350 à 450 contrôles par an. Le GIP Pulvés m'a prévenu que ce sera difficile, au moins au début. Il y a 40 % de retard sur les contrôles dans le Beaujolais. Autant de contrôles qu'il faudra réaliser un jour. Sans attendre, je viens de créer en parallèle une entreprise d'entretien et de réparation des pulvés. »

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