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VIGNE

Le nécessaire pour rouler son herbe

Martin Caillon - La vigne - n°243 - juin 2012 - page 52

Quatre fabricants proposent des rouleaux hacheurs pour contrôler l'enherbement. Voici un aperçu de ces nouveaux outils et les conditions dans lesquelles ils donnent satisfaction.
LE ROLOJACK de Vitiméca est un rouleau hacheur léger à lames ondulées. La pression au sol de l'outil est assurée par le report du poids du tracteur. © C. STEF.

LE ROLOJACK de Vitiméca est un rouleau hacheur léger à lames ondulées. La pression au sol de l'outil est assurée par le report du poids du tracteur. © C. STEF.

Utilisé en grandes cultures au Brésil sous le nom de rolofaca, le rouleau hacheur a fait son apparition en viticulture dans le cadre du développement de techniques culturales simplifiées. Les différents outils présents sur le marché ont le même mode opératoire. Hérissés de lames, ils hachent et pincent les herbes qui jaunissent après leur passage et ne concurrencent plus la vigne.

Dès 2005, Hubert Gerber, vigneron à Nothalten, dans le Bas-Rhin, avait confié à son frère, artisan métallier, le soin de construire un rouleau hacheur. « Nous avons adapté à la vigne un appareil conçu à l'origine pour les grandes cultures », précise-t-il. Après quatre ans d'expérimentation, les deux frères se sont lancés dans la production et la commercialisation du Rolofaca. Leur outil emprunte le nom et la simplicité du rolofaca brésilien. Il est constitué d'un cylindre plein de 480 mm de diamètre monté sur un cadre. Il peut être attelé aux trois points du tracteur ou sur les porte-outils d'un enjambeur. Le rouleau est muni de lames droites qui, sous le poids de l'appareil, viennent pincer les herbes sans les sectionner. Gerber propose une version pour vignes larges avec deux rouleaux montés sur un cadre extensible. Sur un sol bosselé, elle assure une meilleure portée des lames sur toute la largeur de la bande enherbée. Gerber, qui annonce avoir vendu 135 machines, a fait école.

En 2011, Clemens a lancé le rouleau hacheur Eco-Roll qui ressemble en bien des points au Rolofaca de l'entreprise alsacienne. Les deux rouleaux ont un diamètre proche et sont pleins, avec des lames droites. Cependant à largeur égale, l'Eco-Roll pèse 40 % de moins que le Rolofaca. Il coûte aussi 23 % moins cher.

Rouleau cage

Toujours en 2011, la société CGC Agri a expérimenté un rouleau à lames du même type que le Rolofaca et l'Eco-Roll. Elle devrait poursuivre ses essais cette année avec un rouleau cage plutôt que plein et de nouvelles lames. Elle prévoit de sortir un outil en 2013.

Deux autres fabricants ont choisi de se démarquer du Rolofaca. La société girondine Vitiméca propose depuis 2009 le Rolojack, un rouleau hacheur léger à lames ondulées. La pression au sol de l'outil n'est plus assurée par son propre poids mais par le report du poids du tracteur, contrôlé par un vérin. Le chauffeur module cette pression selon le type d'enherbement, la nature et l'humidité du sol. « Une sphère d'azote vient compenser les déformations du terrain », explique Gilles Duvin, gérant de Vitiméca.

Pour les vignes de plus de 1,80 m de largeur, la société propose un Rolojack extensible hydrauliquement. Il comprend alors trois rouleaux. Celui de derrière est fixe. Les deux rouleaux avant latéraux sont montés sur un axe articulé qui permet un suivi du dénivelé du sol. « La forme ondulée et le faible écartement entre les lames (7 cm) assurent un appui permanent et sans à-coups sur le sol. Notre outil peut être passé entre 4 et 12 km/h selon la largeur des vignes. La vitesse n'a pas d'incidence sur la qualité du pincement », indique Gilles Duvin. En 2011, la société suisse Kufferagri a adopté les lames du Rolojack pour un rouleau hacheur monté sur un cadre lourd. Dans cette configuration, le poids de l'outil assure la pression sur le sol enherbé, comme pour le Rolofaca.

Lancé en 2010, le Roll Krop d'Actisol est une déclinaison pour la vigne d'un rouleau conçu cinq ans plus tôt pour les grandes cultures. Le Roll Krop est équipé de deux rouleaux à lames hélicoïdales pour optimiser l'impact au sol. Ils sont montés l'un derrière l'autre selon des angles différents, de sorte que les lames réalisent une empreinte en « X » sur le sol. Le rouleau arrière est orientable pour une attaque plus agressive de l'enherbement, explique Étienne Delahaye, président d'Actisol.

« Produire de la matière organique sur place »

Tous ces rouleaux hacheurs sont employés pour réduire le nombre de tontes et « produire de la matière organique sur place », rappelle Hubert Gerber. Cette matière organique préserve l'humidité du sol et limite la repousse de l'enherbement. Deux ou trois passages de rouleau suffisent en général à maîtriser l'enherbement dans les rangs. Ces matériels peuvent être utilisés en combiné et ne nécessitent aucun entretien. Employés sur des enherbements semés et sur des sols bien nivelés, ils semblent faire l'unanimité. « J'en suis très satisfait sur un semis d'orge, de blé et de vesces ou sur un couvert d'herbes plutôt fragiles et cassantes », observe Dominique Dupuy, viticulteur à Saint-Émilion (Gironde) qui utilise depuis quatre ans un Rolojack. Pour obtenir de bons résultats, « il faut éviter un passage trop précoce et attendre que les plantes soient lignifiées », précise Hubert Gerber.

Cependant, certains utilisateurs rencontrent des déconvenues. « Passé dans des herbes de 40 cm un peu dures comme le ray-grass, mon appareil couche bien le couvert. Mais les herbes commencent à se relever deux jours après », regrette Dominique Dupuy. Il aimerait aussi que son outil soit plus performant sur les enherbements naturels. « Sur ce type de couvert, le résultat est aussi moyen avec l'Eco-Roll », confirme Jérome Gascoin, de la société Clemens. Dans ces cas, le passage d'un rouleau hacheur ne supprime pas la tonte.

Le Point de vue de

Éric Maille, technicien à Agrobio Périgord

« Nous manquons de recul »

Éric Maille, technicien à Agrobio Périgord

Éric Maille, technicien à Agrobio Périgord

« Je reste dubitatif sur l'intérêt du rouleau hacheur en viticulture. Nous manquons de recul ainsi que d'une étude sur l'efficacité de ce type d'appareil. L'outil, pour bien fonctionner, doit être relativement lourd. Or, d'un point de vue agronomique, on recherche plutôt à limiter le compactage des sols. L'engouement pour les rouleaux hacheurs relève un peu d'un effet de mode. Ils permettent de réduire le nombre de tontes. Mais il y a d'autres moyens d'y parvenir. Tondre un peu plus haut, à 8 ou 10 cm, permet de réduire le nombre de passages. Il est aussi possible de gérer l'enherbement en freinant la repousse. Pour cela, il faut laisser monter une fois par an les herbes à épiaison avant de tondre. Mais la présence d'herbes hautes dans la vigne est encore jugée inacceptable par beaucoup de vignerons. C'est une idée culturellement bien ancrée contre laquelle il faut lutter. Quoi qu'il en soit, le passage du rouleau reste préférable à une tonte rase. »

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