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VENDRE - Observatoire des marchés

Le vrac en forme sur les marchés internationaux

Chantal Sarrazin - La vigne - n°243 - juin 2012 - page 66

La production mondiale de vin patine. La consommation augmente. Les acheteurs veulent des prix serrés. Ce contexte stimule les échanges mondiaux de vin en vrac. Le prix des vins espagnols et italiens flambe. La France redevient compétitive.
 Source : OIV et Ciatti Company

Source : OIV et Ciatti Company

Selon le salon mondial du vin en vrac d'Amsterdam (World Bulk Wine Exhibition), la référence du secteur, 25 % de la production mondiale de vin s'échangeait en vrac en 2000. Aujourd'hui, c'est 52 %, soit plus de 130 millions d'hectolitres. Preuve de cette dynamique, le salon a cartonné pour sa troisième édition en novembre 2011, réunissant 3 000 visiteurs et une centaine d'exposants, Espagnols, Français et Italiens en tête. Durant les deux jours de la manifestation, 18 millions d'hectolitres ont été négociés. Les Grands chais de France, Castel frères et de grands groupes de la distribution alimentaire comme le Britannique Tesco sont venus faire leurs emplettes.

Même des marques s'y mettent. Pour la première fois cette année, la Grande-Bretagne a importé en vrac et conditionné sur place la célèbre marque australienne Jacob's Creek.

Plusieurs facteurs concourent à l'expansion de ce marché. « La première motivation des importateurs est économique, indique Florian Ceschi, courtier en vin international et directeur du bureau Ciatti Europe. Transporter des vins en vrac revient moins cher qu'en bouteilles. »

Un flexitank contient 24 000 litres. C'est une poche souple logée dans un conteneur, une sorte d'immense fontaine à vin. Pour acheminer une quantité équivalente en bouteilles, il faut trois conteneurs.

Bilan carbone

Alfredo Coelho, chercheur à l'UMR Moisa à l'université de Montpellier (Hérault), souscrit : « Partout, les coûts de production flambent à cause des matières premières, le verre en particulier. Économiser sur le transport et embouteiller les vins à proximité des bassins de consommation résorbe les coûts. » Les opérateurs suivent les exigences des consommateurs que la crise économique rend de plus en sensibles au prix. « Les vins en vrac alimentent des produits d'entrée et de milieu de gamme, observe Claire Brun, courtier au sein de la Murphy Wine Company. La plupart sont signés par des marques de distributeurs (MDD) ou des importateurs. »

Outre-Manche ainsi qu'au Canada, un autre argument joue en faveur du vrac, celui du bilan carbone. « La grande distribution intègre les émissions de CO2 de ses fournisseurs, explique Alfredo Coelho. Le vrac est moins pénalisant. »

L'Espagne demeure le premier fournisseur mondial de vrac. Et l'Allemagne, le premier importateur. Elle lui achète des vins de table génériques pour ses bases de mousseux premier prix. Elle s'approvisionne également en Italie, deuxième pays exportateur de vrac. « Ces deux nations productrices s'ouvrent davantage sur le grand export », remarque Florian Ceschi. Les États-Unis, l'Australie, le Chili, l'Afrique du Sud et l'Argentine sont d'autres fournisseurs incontournables dans les échanges.

Depuis peu, cette donne change. « Autrefois, le vrac était le moyen pour l'Espagne, l'Italie et l'Australie d'écouler leurs surplus, poursuit Claire Brun. Le recul de la production et l'augmentation de la consommation mondiale rebattent les cartes. » L'Australie, traditionnellement exportatrice de vrac, est en perte de vitesse. Les États-Unis aussi, car le vignoble californien est en stagnation. Il ne suffit plus à couvrir les besoins de la consommation locale, en forte hausse. Même les cépages chiliens sont devenus onéreux à cause de récoltes erratiques. Les acheteurs s'intéressent donc d'avantage à la vieille Europe. « Les Américains se tournent vers l'Italie pour l'achat de primitivo, un cépage frère du zinfandel, très prisé et cultivé outre-Atlantique, mais très cher à cause du manque d'offre, expose Claire Brun. Cette année, ils se sont aussi positionnés sur des muscats blancs. »

Premières tensions

Parallèlement, de nouveaux pays dopent la demande : la Chine et la Russie pour des vins d'entrée de gamme, voire de milieu de gamme pour la Chine, et le Canada pour des offres plus sophistiquées. L'Europe du Nord renforce aussi ses achats pour les conditionner en bib chez elle. Si les attentes qualitatives varient, la recherche se concentre sur les grands cépages d'origine française : cabernet sauvignon, merlot, syrah, chardonnay et sauvignon.

Avec le rétrécissement de l'offre, les premières tensions se profilent. « Depuis le début de la campagne, les prix des vins espagnols et italiens sont en hausse de 20 à 50 % selon les qualités, souligne un courtier international. L'Italie est au même prix que la France, entre 52 et 55 €/hl pour des vins à 12° degrés, alors qu'ils sont habituellement de 15 à 20 €/hl moins chers. »

En Espagne, le prix des blancs génériques frôle actuellement les 50 €/hl. La faible récolte 2011 dans les deux pays – en baisse de 10 % en Espagne et de 20 % en Italie – a déstabilisé le marché. L'offre française, jugée habituellement trop chère, en profite. « Elle suscite un intérêt accru, commente Claire Brun. La hausse des prix du vrac contraint les importateurs à monter en gamme. »

À ce jeu, la France a des atouts : elle est le seul pays d'Europe à détenir les cépages internationaux en quantités élevées. Elle maîtrise les techniques pour élaborer les profils de vin attendus : ajout de copeaux de bois, flash détente, micro-oxygénation, etc. Reste que le vrac génère moins de marge que la bouteille. « Les opérateurs doivent arbitrer entre les deux modes de vente », recommande Alfredo Coelho.

Le Point de vue de

Jean-Philippe Acquier, responsable commercial export vrac chez Foncalieu

« Nos vins et notre savoir-faire suscitent l'intérêt »

Jean-Philippe Acquier, responsable commercial export vrac chez Foncalieu

Jean-Philippe Acquier, responsable commercial export vrac chez Foncalieu

« Nos ventes de vins en vrac ont doublé en deux ans. Elles représentent 80 000 à 100 000 hl, le tiers de nos volumes. La baisse de la production mondiale et les augmentations de prix au Chili et aux États-Unis rendent nos vins plus attractifs. Les opérateurs internationaux cherchent du volume et des qualités suivies. Nous avons la faculté d'y répondre. Tous les vins que nous expédions sont prêts à la mise en bouteille. Ils sont collés, filtrés, édulcorés et traités au froid, selon les souhaits de nos clients. La demande porte sur les cépages les plus plantés dans le monde. Les paiements et les retiraisons sont réalisés très rapidement. Sur certains marchés comme l'Europe du Nord, l'Amérique du Nord et la Chine, dans une certaine mesure, nos vins sont mieux valorisés qu'en France. »

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