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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

L'aire de proximité immédiate doit être définie objectivement

Jacques Lachaud - La vigne - n°243 - juin 2012 - page 75

Le cahier des charges de l'AOC Pomerol créait une obligation de vinifier dans l'aire d'appellation ou dans l'aire de proximité immédiate, laquelle n'avait pas été définie avec objectivité. Le Conseil d'État l'a annulé.

Le 14 octobre 2009, un décret homologuant un nouveau cahier des charges de l'AOC Pomerol bouleverse les habitudes de plusieurs producteurs. Depuis des décennies, certains viticulteurs vinifient dans une installation située en dehors de l'aire de l'appellation d'origine contrôlée. Cette pratique était permise en vertu d'usages anciens consacrés par un décret de 1936. Elle était reconnue depuis 1998 via des autorisations délivrées par l'Inao, à titre dérogatoire. Le décret d'homologation du 14 octobre 2009 remet en cause cette organisation. Petit retour en arrière pour comprendre le pourquoi de la modification…

Définition d'une appellation d'origine

La réglementation européenne entend par appellation d'origine : « Le nom d'une région, d'un lieu déterminé (...) qui sert à désigner un produit dont la qualité et les caractéristiques sont dues essentiellement ou exclusivement à un milieu géographique particulier et aux facteurs naturels et humains qui lui sont inhérents » (règlement 479/2008 du 29 avril 2008, article 34). S'agissant d'un vin AOC, il doit être élaboré uniquement à partir de raisins provenant de la zone reconnue.

Elément déterminant du conflit qui va naître : une appellation peut être vinifiée dans une zone à proximité immédiate de l'aire d'appellation, sous réserve que le cahier des charges le prévoie (article 6 du règlement 607/2009 du 14 juillet 2009).

C'est dans ce contexte que le cahier des charges de l'appellation Pomerol modifie le décret du 8 décembre 1936 qui se bornait à préciser, s'agissant de vinification, qu'elle devait être conforme aux usages locaux. À partir de là, une dizaine de propriétaires dont les chais de vinification ne sont pas situés dans l'aire de proximité immédiate ne peuvent plus vinifier l'AOC Pomerol. Ces exclus défèrent au Conseil d'État le décret ayant approuvé cette innovation. En la matière, la plus haute juridiction administrative est juge en premier et dernier ressort. Les exclus argumentent que la délimitation de l'aire de proximité immédiate doit être « justifiée par des critères objectifs et rationnels » et « n'introduire aucune différence de traitement entre producteurs qui ne corresponde à une différence de situation ou à un motif d'intérêt général en rapport avec les objectifs poursuivis ».

Pour légitimer le nouveau cahier des charges, le ministre soutient la nécessité de la proximité du lieu de vendange et du lieu de vinification, car le transfert de la récolte est de nature à nuire à la qualité du vin. L'argument n'a pas séduit le Conseil d'État. La haute cour a analysé les pratiques locales. Elle relève qu'ont été exclus de l'aire de proximité immédiate des chais de vinification et d'élevage situés à des distances de 1 à 7 kilomètres de l'aire de production de l'AOC. Elle note qu'à l'intérieur de l'aire de production de l'AOC, des exploitants sont amenés à transporter leur vendange sur des distances parfois plus longues… Elle en conclut, dans son arrêt du 9 mars 2012, qu'il y a bien discrimination entre les producteurs et annule le décret homologuant le nouveau cahier des charges.

Ironie du sort, au moment où le Conseil d'État rendait sa décision, ce décret d'octobre 2009 avait été remplacé depuis plusieurs mois par une nouvelle mouture. Comme ce dernier texte exclu encore certains producteurs, un nouveau recours vient d'être opéré devant le Conseil d'État…

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RÉFÉRENCE :

Conseil d'État n° 334575

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