Retour

imprimer l'article Imprimer

Magazine - Histoire

Marius Chapoutier « Fais et espère »

Florence Bal - La vigne - n°243 - juin 2012 - page 87

Au début du XXe siècle, Marius Chapoutier a créé et développé sa maison de négoce avec succès à Tain-l'Hermitage (Drôme), en vallée du Rhône.
Marius Chapoutier est toujours présent dans la mémoire de la maison qu'il a créée : son image est utilisée pour la communication de l'entreprise et deux cuvées portent son nom. © MAISON CHAPOUTIER

Marius Chapoutier est toujours présent dans la mémoire de la maison qu'il a créée : son image est utilisée pour la communication de l'entreprise et deux cuvées portent son nom. © MAISON CHAPOUTIER

La petite ville de Tain, dans la Drôme, prend le nom de Tain-l'Hermitage en 1920 afin de profiter de la notoriété de son fameux cru. C'est dans cette localité dédiée au vin que naît, le 30 mars 1871, Marius Chapoutier. Son père, Polydore, est fils et petit-fils de tonneliers originaires de l'Ardèche, le département voisin. En 1879, il cofonde une société de négoce de vins en gros et en détail, Passat et Chapoutier.

Enfant, Marius lui donne volontiers un coup de main en réalisant les livraisons de vin aux bistrots du village. Il n'ignore rien des étapes de l'élaboration du vin, mais il démarre des études de droit à Lyon (Rhône). En 1889, il vient prêter main-forte à son père lors de l'Exposition universelle à Paris. « Ils étaient venus pour vendre leur vin, le faire goûter au monde entier et espéraient signer des contrats, relate Jean-Charles Chapuzet, dans son ouvrage sur le négociant. L'Exposition qui célébrait le centenaire de la Révolution française s'étalait sur plus de 50 ha, plus de 30 millions de visiteurs étaient attendus. »

Il devient négociant dès que l'occasion se présente

Puis Marius poursuit ses études en Allemagne. En 1892, le décès inattendu de son père le ramène brutalement dans sa région natale. Sa mère, sa sœur et lui-même cèdent les parts de la société à l'associé, André Passat. Marius devient clerc de notaire à Tain, puis il travaille comme huissier. Au fond de lui, rêve-t-il de renouer avec le métier de son père et d'être son propre patron ? Certainement, car dès que l'occasion se présente, il la saisit.

En 1897, « Rodolphe Delépine, négociant en vins d'une quarantaine d'années et par ailleurs oncle du meilleur ami de Marius, le sollicite en vue d'une association à parts égales, explique Jean-Charles Chapuzet. Il s'apprête à racheter la maison Vogelsgang, dont il est le fondé de pouvoir. Marius impose simplement de conserver le blason de la société de son père avec les trois tonneaux et sa devise fac et spera, fais et espère ». L'affaire est conclue : Rodolphe s'occupera de l'administratif et de la comptabilité, Marius assumera la direction commerciale et les voyages d'affaires.

La société Delépine & Chapoutier naît le 2 août 1897. Elle commercialise des vins de la vallée du Rhône, de Bourgogne, de Bordeaux, d'Espagne, de Madère, de Cognac, etc. La priorité des associés est de développer les ventes à l'étranger. Aussi, « en quête de représentants, ils envoient des missives à tous les consulats et chambres de commerce », poursuit Jean-Charles Chapuzet.

Quatre ans plus tard, Marius Chapoutier épouse Jeanne Delépine, la fille de son associé. En 1921, après la Première Guerre mondiale et le départ à la retraite de son associé, Marius Chapoutier est seul aux commandes. Le succès aidant, Marius ne court plus les agents. Au contraire, « ces derniers faisaient des courbettes pour ajouter à leur catalogue la marque Chapoutier en France, mais aussi en Espagne, en Tunisie, en Algérie, au Maroc (…). En amont, les vignerons et les petits négociants sonnaient régulièrement à sa porte dans l'espoir de décrocher des contrats », écrit Jean-Charles Chapuzet.

Tout va pour le mieux. En 1928, Marius achète la plus belle propriété de Tain, la Ciboise, pour son fils Marc. Il voyage beaucoup, festoie souvent avec ses agents parisiens, soigne ses réseaux et supervise ses commerciaux. Il est aussi à l'aise avec des banquiers de Shanghai qu'avec les viticulteurs qui lui vendent leur vin. En 1931, en pleine crise, il investit dans une nouvelle cuverie.

À la fin de la prohibition, en 1933, « très bien renseigné par son importateur, Marius est l'un des premiers à conquérir le marché américain », affirme Jean-Charles Chapuzet.

Son fils reprend le flambeau

Le matin du 22 janvier 1937, Marius Chapoutier règle quelques affaires courantes. Il prépare un envoi de cognac fine champagne à Jean Calvet, célèbre maison de négoce bordelaise fondée originellement à Tain, puis rédige un mot d'accompagnement à la livraison d'un de ses fidèles clients. Rien ne laisse présager que ses heures sont comptées, pourtant il meurt soudainement à l'âge de 66 ans. Son fils Marc reprend le flambeau. Dans les années quatre-vingt-dix, la maison Chapoutier prend un nouveau souffle avec l'arrivée de Michel, l'arrière petit-fils de Marius, alors à la tête de 71 ha de vignes.

La maison Chapoutier compte aujourd'hui 300 ha en vallée du Rhône et en Roussillon, auxquels s'ajoutent des vignes en Alsace, en Australie et au Portugal. Elle produit 6 millions de bouteilles et réalise un chiffre d'affaires de 31 millions d'euros. En 2012, Michel Chapoutier a créé deux cuvées Marius, une en blanc, l'autre en rouge… en hommage à son arrière-grand-père.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

SOURCES

« Des nouvelles de Marius Chapoutier ? » par Jean-Charles Chapuzet, aux éditions Glénat.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :