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Une pression de mildiou exceptionnelle

La vigne - n°244 - juillet 2012 - page 8

2012 restera dans les annales. Le mildiou se montre particulièrement agressif dans les vignobles septentrionaux. Certaines parcelles accusent déjà des pertes de récolte.
DÉGÂTS EN BOURGOGNE. À gauche, symptômes sur feuilles dans une parcelle en déficit de protection lors de l'épisode contaminateur du 7 juin où il a plu 20 à 40 mm sous 25°C. Les symptômes sur grappes (à droite) ont été constatés dans une zone témoin non traitée. © CHAMBRE D'AGRICULTURE DE CÔTE-D'OR

DÉGÂTS EN BOURGOGNE. À gauche, symptômes sur feuilles dans une parcelle en déficit de protection lors de l'épisode contaminateur du 7 juin où il a plu 20 à 40 mm sous 25°C. Les symptômes sur grappes (à droite) ont été constatés dans une zone témoin non traitée. © CHAMBRE D'AGRICULTURE DE CÔTE-D'OR

DÉGÂTS EN BOURGOGNE. À gauche, symptômes sur feuilles dans une parcelle en déficit de protection lors de l'épisode contaminateur du 7 juin où il a plu 20 à 40 mm sous 25°C. Les symptômes sur grappes (à droite) ont été constatés dans une zone témoin non traitée.

DÉGÂTS EN BOURGOGNE. À gauche, symptômes sur feuilles dans une parcelle en déficit de protection lors de l'épisode contaminateur du 7 juin où il a plu 20 à 40 mm sous 25°C. Les symptômes sur grappes (à droite) ont été constatés dans une zone témoin non traitée.

BEAUJOLAIS : Soupçons de résistances

« Je n'ai jamais vu ça. Dans les témoins non traités, 100 % des ceps sont atteints, s'alarme Jean-Henri Soumireu, de la chambre d'agriculture du Rhône. 95 % des feuilles et 90 % des grappes présentent des symptômes. Le mildiou a démarré très tôt et ne s'est pas arrêté. » Selon ce technicien, les vignerons avaient déjà effectué six traitements en moyenne fin juin. Et la campagne n'est pas terminée.

Malgré cette protection ininterrompue, des parcelles décrochent. « Les pluies de la première décade de juin ont fait exploser la situation », rapporte Laurent Paupelard, responsable technique chez Soufflet vigne. Aucune vigne n'est indemne de taches sur feuilles. Et certaines parcelles subissent d'importantes attaques sur grappes. « On trouve des vignes avec 30 % des grappes en crosse, voire plus. Les pertes de récolte seront significatives », déplore Jean-Henri Soumireu. D'après Laurent Paupelard, 1 à 2 % du vignoble serait en situation d'échec.

« La grande difficulté pour les vignerons a été de traiter dans de bonnes conditions. Il y a eu des applications sur feuillage mouillé, dans des vignes non rognées avant traitement ou en présence de vent. Mais les vignerons n'avaient pas le choix », précise le distributeur. Jean-Henri Soumireu soupçonne également des phénomènes de résistance. « Nous ferons faire des analyses à la fin de la campagne », assure-t-il.

BOURGOGNE : Une trentaine d'épisodes contaminants

« Dans l'ensemble, les vignerons ne gèrent pas trop mal la situation. Ils n'ont pas à rougir de leur travail », constate Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. Et pour cause : ils contiennent une pression inouïe de mildiou. D'après le conseiller viticole, la région a subi une trentaine d'épisodes contaminants depuis le début de la saison, dont trois très importants les 21 mai, 3 et 7 juin. « Des grappes en crosse sont apparues dès le 28 mai. Il y a longtemps qu'on n'en avait pas vu si tôt », remarque le conseiller de la chambre d'agriculture.

Dans ces circonstances, même les parcelles les plus saines présentaient des symptômes fin juin. « Mais cela reste acceptable. Dans beaucoup d'exploitations, la plupart des parcelles tiennent le choc, mais il y en a une ou deux qui peuvent décrocher », rapporte Pierre Petitot. « Les parcelles se tiennent bien », confirme Philippe Mangold, de Bourgogne du sud.

Tous les viticulteurs ont resserré les cadences. Mais ils ont payé la moindre faille dans la protection. La situation s'est dégradée sur feuille et sur grappe, notamment dans les plaines où les sols sont profonds. Ces parcelles qui décrochent subiront des pertes de récolte.

En bio, la situation est très tendue. « Fin juin, les vignerons avaient réalisé sept à huit traitements, contre cinq à six en conventionnel, note Pierre Petitot. Ils ont dû traiter tous les six à sept jours. Ils appliquent 500 à 600 g/ha de cuivre métal contre 200 à 400 g/ha habituellement. Ceux qui ont toujours traité en préventif ne s'en sortent pas plus mal que les vignerons en conventionnel. »

JURA : « Les cycles ne sont jamais enrayés »

En juin, le vignoble a enregistré plus de 200 mm de pluies, soit plus du double que lors d'une année normale. « Cela a entretenu l'agressivité du champignon. Les cycles ne sont jamais enrayés », relève Marie Darnand, de la Société de viticulture du Jura. La dernière semaine de juin, les symptômes ont explosé. « Le 25 juin, dans certaines parcelles, 8 % de grappes pouvaient être attaquées. Le 29 juin, il y en avait 32 %. Ponctuellement, la récolte est compromise. Le centre et le nord du vignoble sont les plus touchés », rapporte la conseillère. Malgré cela, la majorité des parcelles présente un état sanitaire satisfaisant.

ALSACE, CHAMPAGNE : Situation stabilisée

Au printemps, le vignoble alsacien a subi une forte sortie de taches, avec des symptômes sur inflorescence dès le 20 mai. Depuis, dans la majorité des cas, la situation s'est stabilisée. Mais les vignes vigoureuses situées autour de Barr (Bas-Rhin) et de Colmar (Haut-Rhin) ont enduré des attaques sérieuses. Dans certains cas, il y aura des pertes de récolte, mais elles restent difficiles à estimer, d'autant qu'il y a eu de la coulure. En Champagne, le 2 juillet, plus de 80 % des 575 parcelles du réseau Magister étaient touchées par des attaques sur feuille, selon le CIVC. Fort heureusement, cette situation était stable. Les secteurs les plus concernés sont le Sézannais, la côte des Bar et la vallée du Surmelin. Il y aura des pertes de récolte modérées.

VAL DE LOIRE, CENTRE : Des rameaux atteints

Plus on va vers l'est du Val de Loire, plus le mildiou s'affirme. Il est particulièrement virulent à Chinon et Bourgueil (Indre-et-Loire). « On voit des symptômes sur rameaux, ce qui est extrêmement rare », indique Xavier Besson, de LVVD. Des bois sont attaqués alors qu'ils sont encore verts. Leur aoûtement risque d'être plus difficile.

Dans le Centre, ce sont les vignes face à la Loire qui sont les plus touchées. « Dans certaines parcelles, on peut voir plusieurs dizaines de taches par cep avec quelques symptômes sur grappe », observe François Dal, de la Sicavac, à Sancerre (Cher).

MIDI : L'Hérault plus touché

La maladie épargne – relativement – le Gard et l'est de l'Aude. Mais la pression est forte dans l'ouest audois et surtout dans l'Hérault. « Des symptômes sur feuilles et grappes à des intensités variables sont visibles dans le vignoble, note le BSV Languedoc-Roussillon du 26 juin. Des pertes de récolte sont parfois constatées. »

BORDELAIS, COGNAC : Les épamprages tardifs n'ont pas pardonné

La pression est forte dans le Libournais. « Mais la maladie est généralement bien contenue », indique Alix Lombard, de l'URABLT-Adar de Grézillac (Gironde). Quelques parcelles décrochent. En cause : la qualité de pulvérisation et les délais de renouvellement. De même, « les épamprages et les relevages trop tardifs n'ont pas pardonné », précise la technicienne. Les rameaux proches du sol ont fourni des marchepieds au mildiou pour partir à l'assaut des vignes.

À Cognac, le mildiou est sorti sur les feuilles et s'installe sur les grappes « Les viticulteurs réagissent. Pour l'instant, il n'y a a priori pas de perte de récolte », indique Magdalena Girard, de la chambre d'agriculture de Charente-Maritime.

L'oïdium se montre également agressif

Dans beaucoup de vignobles, les symptômes d'oïdium commencent à sortir. « On en voit depuis une semaine à dix jours sur feuilles, mais également sur grappes », rapporte François Dal, de la Sicavac, à Sancerre (Cher). « Dans les témoins non traités, 70 à 80 % des grappes sont touchés. On s'attend à une explosion de la maladie dans les deux premières semaines de juillet », craint Laurent Paupelard, de Soufflet vigne, dans le Beaujolais. L'humidité des sols et la chaleur sont très favorables au champignon. « En Anjou, on trouve de très fortes attaques sur feuilles et quelques symptômes sur grappes, alors que nous ne sommes qu'au stade nouaison », renchérit Xavier Besson, de LVVD. Il y a également une grosse pression d'oïdium dans le Gard. « Il y a déjà des parcelles qui présentent des dégâts importants », rapporte Gilles Sube, de la chambre d'agriculture.

SONDAGE Un quart des vignerons débordés

« Êtes-vous inquiet de la forte pression de mildiou ? » Le 12 juin, « La Vigne » a posé la question sur son site internet www.lavignemag.fr (rubrique « Sondage »). Au 3 juillet, 86 internautes y avaient participé. La majorité d'entre eux (58 %) ont répondu « Pas vraiment, mais je reste vigilant ». 24 % se disaient débordés par les attaques et 17 % avaient la situation sous contrôle.

Le Point de vue de

Jean-Louis Nadau, château Gillet, 80 hectares n A0C Bordeaux, implanté à Faleyras (Gironde) Un quart des vignerons débordés

« Tout s'est précipité le 29 juin »

Jean-Louis Nadau, château Gillet, 80 hectares n A0C Bordeaux, implanté à Faleyras (Gironde) Un quart des vignerons débordés

Jean-Louis Nadau, château Gillet, 80 hectares n A0C Bordeaux, implanté à Faleyras (Gironde) Un quart des vignerons débordés

« Je travaille en conventionnel. C'est dans la semaine du 25 juin que j'ai commencé à voir quelques taches ici et là. Mais tout s'est précipité dans l'après-midi du 29 juin. Je suis tombé sur une parcelle de cabernet franc, j'ai cru qu'elle avait attrapé la varicelle ! Sur un hectare, j'ai observé des taches huileuses non sporulantes sur de jeunes pousses. Sur une autre parcelle, de merlot cette fois, c'était la même chose. J'ai du mildiou partout, à des stades plus ou moins avancés. Mais ce n'est pas catastrophique. Notre vignoble subit ces attaques en raison de la météo. Fin juin, nous avons eu des brouillards avec beaucoup de rosée et de la chaleur. L'hygrométrie était très élevée. Cela a favorisé le mildiou sur les jeunes pousses. Nous traitons tous les quinze jours avec des produits systémiques comme le Sillage (Fosétyl-Al + métirame Zn). Cette humidité et ce brouillard sont intervenus onze jours après le traitement précédent. Il aurait fallu intervenir à nouveau le lendemain, c'est-à dire après douze jours. Mais j'ai attendu quinze jours. Nous projetons de renouveler le prochain traitement à treize jours, mais tout dépendra de la météo.

Mon voisin m'a appelé pour me dire qu'il a du mildiou sporulant.

Son problème est beaucoup plus gênant. Pour un viticulteur, il est toujours difficile d'admettre la présence de mildiou. Chacun a son honneur et n'a pas envie de reconnaître qu'il s'est trompé dans sa façon de faire les traitements. Mais ce que je vis aujourd'hui n'est rien comparé à ce que j'ai connu il y a six ans. À l'époque, j'ai eu du mildiou sur grappes. Résultat, cette année-là, j'ai perdu 20 % de ma récolte »

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