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À LA VIGNE - MOIS

Accidents climatiques : l'heure des comptes

C. Stef et C. Sarrazin - La vigne - n°244 - juillet 2012 - page 10

La météo a de nouveau été cruelle en juin. Grêle et tornades ont provoqué d'importantes destructions. Pluie et fraîcheur ont causé leur lot de coulure. Le potentiel de récolte s'amenuise petit à petit.
DÉGÂTS DE GRÊLE dans des vignes situées entre La Chapelle-de-Guinchay et Saint-Amour-Bellevue, en Saône-et-Loire, suite à l'orage du 30 juin. © L. BOLLET/JSL

DÉGÂTS DE GRÊLE dans des vignes situées entre La Chapelle-de-Guinchay et Saint-Amour-Bellevue, en Saône-et-Loire, suite à l'orage du 30 juin. © L. BOLLET/JSL

DÉGÂTS DE COULURE. En Bourgogne, elle est particulièrement importante. © CHAMBRE D'AGRICULTURE DE CÔTE-D'OR

DÉGÂTS DE COULURE. En Bourgogne, elle est particulièrement importante. © CHAMBRE D'AGRICULTURE DE CÔTE-D'OR

GRÊLE : Encore des dégâts

Après la Provence fin mai, bien d'autres vignobles ont subi la grêle. Le 7 juin, de violents orages ont frappé la côte de Bar, en Champagne. D'après le CIVC, environ 1 750 ha ont été grêlés. Les pertes sont très variables et peuvent aller jusqu'à 100 % de la récolte détruite dans certaines parcelles. Des vignes sont totalement défoliées, leurs bois très abîmés et leurs rameaux sectionnés à 30 cm. Les communes de Bergères, Urville, Baroville et Fontaine (Aube) sont très fortement touchées.

Le 21 juin, une tornade accompagnée de grêle s'est abattue sur une dizaine de communes de l'ouest du département de l'Aude, « principalement celles qui apportent à la cave coopérative du Razès », précise Emmanuel Rouchaud, de la chambre d'agriculture. 1 500 ha de vignes sont impactés à des degrés divers. Certaines vignes ont été dépalissées sous l'effet du vent. Une dizaine d'hectares de plantiers sont détruits. Les assureurs ont recensé 70 déclarations pour perte de production. Le 4 juillet, une commission d'enquête est passée dans les plantiers détruits pour voir s'ils peuvent passer en calamité agricole pour perte de fonds.

Et ce n'est pas tout. Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, une vague de 15 à 45 mm de pluie et de grêle a traversé toute la Bourgogne, n'épargnant que le nord de la côte de Nuits et le sud de la côte de Beaune. Les dégâts sont les plus sévères en Saône-et-Loire. Le secteur de Montagny, au sud-ouest de Chalon-sur-Saône, est particulièrement touché. Dans certaines parcelles, 80 à 100 % de la récolte est détruite. Dans d'autres, 30 à 40 % des grappes sont perdues.

En Côte-d'Or, la côte de Nuits a moins souffert que la côte de Beaune, où Pommard, Volnay et la célèbre colline de Corton ont senti le vent du boulet. Aubert Lefas, le président de l'ODG de Pommard, précise que l'intensité des dégâts reste faible. Selon lui, « les grappes touchées vont sécher. Nous avons perdu un peu de récolte mais cela reste limité ». Sur l'ensemble du département, les dégâts sont plus importants dans les hauts et les bas de coteaux et dans les parcelles qui venaient juste d'être rognées et effeuillées. « Dans les parcelles les plus touchées, les baies sont tapées, les feuilles hachées et les grappes parfois entièrement sectionnées », déplore Pierre Petitot. Pour couronner le tout, les plus touchées par cet épisode de grêle étaient les moins attaquées par le mildiou jusqu'alors.

Comme s'il n'y en avait pas eu assez, le 1er juillet vers 18 h 45, un violent orage de grêle s'est abattu sur la commune de Roquefort- la-Bédoule, dans les Bouches-du-Rhône. Selon le communiqué de presse des vignerons indépendants de la région, 150 ha classés en AOC Côte de Provence ont été dévastés.

COULURE : Un impact sur le potentiel de récolte

Les mauvaises conditions météo pendant la floraison ont provoqué de la coulure dans plusieurs vignobles. En Bourgogne, elle est particulièrement importante sur le pinot noir, notamment dans les zones les plus précoces. « Dans certaines parcelles, il aura des pertes de récolte », annonce Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or.

Dans le Beaujolais, Jean-Henri Soumireu, de la chambre d'agriculture du Rhône, note également un peu de coulure. « La fleur a mis du temps à passer. Actuellement (le 29 juin, NDLR), les stades sont très hétérogènes et oscillent entre nouaison et fermeture de la grappe. »

En Alsace, le muscat ottonel, un cépage très sensible au phénomène, est particulièrement atteint. « On constate entre 30 et 80 % de pertes selon les parcelles, indique Frédéric Schwaerzler, de la chambre d'agriculture du Haut-Rhin. Il a plu entre 30 à 40 mm les 11 et 12 juin. Puis le 14 juin, le thermomètre est descendu entre 6 et 8°C. » Ces pluies et ce froid ont compromis la fécondation des fleurs. Le gewurztraminer et le riesling sont également touchés, mais dans une moindre mesure. « Les pertes sont difficiles à estimer car certains pieds ont coulé et d'autres pas », précise le conseiller viticole.

Dans le Jura, c'est surtout le poulsard qui a coulé. Dans certaines parcelles, les pertes avoisinent 50 %. Dans le Gard, le merlot et le grenache sont touchés. « Ce n'est pas la catastrophe, mais beaucoup de grappes de merlot ne se fermeront pas », précise Gilles Sube, de la chambre d'agriculture.

Dans le Libournais, en Gironde, Alix Lombard, de l'Adar, observe également le phénomène sur le merlot. « Il y a pas mal de millerandage. Dans certaines parcelles, il y aura un impact sur le volume de récolte. »

Début juillet, ces techniciens ne parvenaient pas à quantifier l'impact de la coulure sur la production de leur vignoble, mais il est difficile d'imaginer qu'il sera nul.

GEL D'HIVER : 20 millions de ceps détruits dans les côtes du Rhône

Le Syndicat général des vignerons des côtes du Rhône a lancé une enquête auprès des viticulteurs de sa région pour évaluer la mortalité des ceps après le gel de cet hiver. Le 18 juin, il avait dépouillé les réponses d'un quart de ses adhérents cultivant 19 000 ha.

Selon ces réponses, 6,1 millions de ceps seraient morts sur 19 000 ha. Comme toutes les appellations (Côtes-du-Rhône, Crus méridionaux, Grignan-les-Adhémar, Ventoux, Lubéron et Costières-de-Nîmes) et toutes les communes sont touchées, le syndicat estime, par extrapolation, que 20,5 millions de ceps sont morts à l'échelle des côtes du Rhône et de ses appellations satellites. À raison d'une densité moyenne de plantation de 4 000 pieds par ha, cela représenterait 5 125 ha de perdus. 41 % des parcelles touchées ont plus de 50 ans. « Au sein de chaque tranche d'âge, c'est le grenache noir qui est le plus représenté : 75 % des surfaces touchées », indique le bilan du syndicat daté du 20 juin.

Sans attendre d'avoir toutes les réponses, le syndicat a enclenché la procédure de calamité agricole pour venir en aide aux viticulteurs ayant subi une perte de fonds.

Comment panser ses plaies

Le 12 juin, suite à la grêle qui a frappé la région le 27 mai (voir « La Vigne » n° 243, p. 10), la chambre d'agriculture du Var a organisé une démonstration des soins à apporter aux vignes touchées. Première chose à faire : une protection soignée contre le mildiou et l'oïdium, car les nouvelles pousses sont particulièrement sensibles à ces maladies.

Ensuite, la chambre a distingué trois cas :

les vignes où il ne reste que des rameaux de moins de 50 cm de long et sévèrement effeuillés ;

les vignes qui ont conservé des rameaux de plus de 50 cm avec des feuilles et des inflorescences ;

les vignes dont les rameaux font plus de 50 cm mais où les feuilles et les inflorescences ont été sectionnées.

Dans les deux premières situations, la chambre a conseillé de ne pas retailler. Il faut conserver les jeunes rameaux, même blessés. Puis, « il faut ébourgeonner consciencieusement pour conserver les pampres les plus intéressants et éliminer les autres », indique Claire Bontemps, référente phytosanitaire à la chambre d'agriculture.

Dans le troisième cas, mieux vaut retailler très court « pour que la végétation reparte du bas et avoir des rameaux sains pour la taille de cet hiver », insiste la technicienne. Cette opération doit s'effectuer dans les vingt jours suivant la floraison. Pour certaines parcelles, il était trop tard le 12 juin. « Dans ces situations, nous avons demandé aux vignerons de laisser les vignes telles quelles », précise Claire Bontemps.

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