La certification du conseil phytosanitaire découle du Grenelle de l'environnement. Tous les conseillers privés et les organismes de conseil (chambres d'agricultures, interprofessions…) y sont désormais soumis. Le coup d'envoi a été donné en octobre 2011. Tout doit être achevé en octobre 2013.
Cette certification comporte plusieurs aspects. Désormais, les conseillers doivent prouver leur indépendance. À ce titre, leur rémunération ne peut pas être liée à la vente ou à l'application de produits, ni à la vente de matériel. « Nous avons tous signé une déclaration sur l'honneur pour l'attester », rapporte Éric Hostalnou, à la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales.
Noter le produit et la dose à appliquer
Autre exigence : tous les conseillers doivent passer le certificat « conseil à l'utilisation des produits phytosanitaires » (ex-Certiphyto). « Cela concerne dix-sept techniciens chez nous. Ceux qui ne l'obtiendront pas à l'issue du QCM suivront une formation de quatre jours cet été ou cet automne », explique Éric Hostalnou.
Mais le changement le plus important est la formalisation du conseil. À l'avenir, celui-ci ne pourra être établi qu'après un diagnostic cultural et il devra être écrit. Pour chaque conseil de traitement, les conseillers devront remplir une fiche avec leur nom, le nom de l'agriculteur et la date de la préconisation. Ils devront détailler la culture, la ou les parcelles concernées, le produit à mettre en œuvre, sa composition et la dose. Ils devront expliquer ce qui les a amené à donner ce conseil (attaque parasitaire, nature de l'infestation…) et les risques pour l'opérateur et l'environnement. Ils devront également proposer des solutions alternatives, s'il y en a. Et s'il n'y en a pas, ils devront l'écrire noir sur blanc. « Par alternative, on entend tout ce qui n'est pas un produit phytosanitaire, c'est-à-dire des lâchers d'auxiliaires, le travail du sol, etc. », précise Édouard de Sainte Maresville, responsable qualité à l'APCA (Assemblée permanente des chambres d'agriculture). Le cuivre et le soufre, autorisés en bio, n'entrent pas dans cette catégorie. Encore moins les produits non homologués, vendus comme engrais et qui stimuleraient les défenses des plantes contre certaines maladies.
« Nous travaillons à la normalisation d'une fiche pour la vigne, insiste Michel Badier, de la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher, l'un des animateurs du groupe viticulture de l'APCA. L'objectif est que tous les conseillers viticoles des chambres d'agriculture l'utilisent. Nous allons la tester prochainement. »
Une fiche en trois exemplaires
« Nous aurons des carnets à souche sur lesquels nous rédigerons les fiches, anticipe Éric Hostalnou. Nous les signerons et donnerons l'original au viticulteur. Nous garderons une copie que nous pourrons consulter avant la visite suivante. L'assistante de la chambre classera le troisième exemplaire dans le dossier du vigneron. Nous réfléchissons à des outils qui permettraient de nous simplifier la tâche, comme les tablettes tactiles. »
Pour ce conseiller, cette réglementation va « homogénéiser les pratiques et apporter de la rigueur ». Mais il déplore des lourdeurs. « Sur la fiche, il faut préciser la culture sur laquelle il faut intervenir. Or, il est évident qu'un viticulteur va traiter des vignes et non des fraises », relève-t-il.
La fin des conseils téléphoniques ?
D'autres trouvent dommage qu'il faille préciser le nom des produits. « Lorsque je conseille un traitement, je recommande plutôt une matière active ou une famille chimique, indique François Dal, de la Sicavac, à Sancerre (Cher). Après, c'est au vigneron de voir avec son distributeur ce qu'il a en stock. Par exemple, je vais lui dire, dans telle situation, de mettre plutôt un IBS avec un délai de rentrée de six heures. Que le vigneron applique ensuite un Score, un Bogard ou un Systhane New, je m'en fiche. »
Quant à noter les alternatives, beaucoup n'en voient pas l'utilité. « On en parle déjà avec les viticulteurs. S'il faut à chaque fois les écrire, c'est une perte de temps. J'estime que toute cette traçabilité va me prendre trois à quatre jours par an. C'est autant de temps que je ne passerai pas sur le terrain », regrette François Dal. Ce dernier se demande également s'il va pouvoir continuer à conseiller les vignerons au téléphone. « Le lundi matin, je peux recevoir dix appels en une demi-heure. Si je dois faire un compte rendu écrit après chaque coup de téléphone, ce ne sera pas possible », signale-t-il.
« Un conseiller pourra donner un conseil d'appoint à un viticulteur au téléphone quelques jours après avoir fait un diagnostic chez lui. Sinon, il ne pourra donner qu'une information générale », rapporte Édouard de Sainte Maresville, de l'APCA. En clair, au téléphone, le viticulteur n'aura pas d'autres renseignements que ceux qui sont délivrés via les bulletins techniques. Pour avoir une préconisation précise, il faudra demander au conseiller de se déplacer sur son exploitation.
Les distributeurs sont aussi concernés
Les distributeurs devront également être agréés par l'administration, ce qui implique qu'ils soient certifiés par un organisme certificateur. Le référentiel pour obtenir la certification est différent de celui des conseillers indépendants.
Ce texte précise, entre autres, que « les personnes exerçant une fonction de conseil ou de vente (...) ne sont pas rémunérées sur la base des ventes ». « Chez nous, les conseillers ont des salaires fixes qui ne sont pas indexés sur le chiffre d'affaires des ventes de produits phytosanitaires », confirme Thierry Favier, de la CAPL (Coopérative agricole Provence Languedoc). De plus, les technico-commerciaux seront obligés de donner leurs conseils par écrit, comme les conseillers des chambres d'agriculture. Enfin, ils devront informer leurs clients sur l'emploi des produits, les risques et la protection de l'utilisateur. Plusieurs coopératives et négociants se préparent déjà à ces changements, en testant des fiches de préconisations pour être prêts dès l'an prochain.
Le calendrier
Depuis le 20 octobre 2011, tous les distributeurs de produits phytos, conseillers indépendants et organismes de conseil sont soumis à un agrément par le préfet de la région de leur siège social. Pour l'obtenir, les entreprises doivent avoir une assurance responsabilité civile professionnelle et être certifiées par un organisme accrédité. Ce dispositif est également valable pour les prestataires qui appliquent les produits.
À partir du 30 septembre 2012, toutes les entreprises doivent être assurées.
À partir du 1er octobre 2013, toutes les entreprises doivent avoir obtenu leur certification.