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VIGNE

Regain d'intérêt pour les engrais verts

Christelle Stef - La vigne - n°246 - octobre 2012 - page 34

Cette technique utilisée par certains vignerons améliore la structure du sol ainsi que la fertilité minérale. Elle apporte de la matière organique et favorise la biodiversité.
ENGRAIS VERT composé de vesce et de trèfle incarnat. Ces deux légumineuses enrichissent le sol en azote. La vesce couvre bien le sol, le trèfle l'aère. © ÉRIC MAILLE/ AGROBIO PÉRIGORD

ENGRAIS VERT composé de vesce et de trèfle incarnat. Ces deux légumineuses enrichissent le sol en azote. La vesce couvre bien le sol, le trèfle l'aère. © ÉRIC MAILLE/ AGROBIO PÉRIGORD

« On peut définir un engrais vert comme toute plante cultivée pour augmenter la fertilité du sol et non pour être récoltée », indique la fiche technique que l'Itab (Institut technique de l'agriculture biologique) a éditée sur le sujet. Il est semé juste avant les vendanges ou au début de l'automne, puis détruit au printemps de manière à ce qu'il restitue à la vigne les éléments minéraux emmagasinés.

Cette pratique reste encore peu développée en viticulture. Mais plusieurs vignerons s'y intéressent, particulièrement en bio. « C'est une technique dont on parle de plus en plus mais au sujet de laquelle nous manquons de références », reconnaît Nicolas Constant, de Sudvinbio (ex-AIVB-LR). « Elle présente de nombreux avantages », soutient Éric Maille, d'Agrobio Périgord. D'abord, comme tout enherbement hivernal, elle limite l'érosion, facilite la recharge utile et favorise la vie biologique du sol. Mais, en plus, elle améliore la structure du sol ainsi que la fertilité minérale, apporte de la matière organique et favorise la biodiversité.

Certains vignerons ne sèment qu'une seule espèce, mais la tendance est à l'association de plusieurs variétés. « Chaque plante a ses avantages et ses inconvénients. Le fait de jouer sur des associations permet de s'adapter à chaque parcelle. Ainsi, si la vigne manque de vigueur, on mettra un peu plus de légumineuses pour ramener de l'azote. Si le sol est compacté, on sèmera davantage de crucifères dont les racines pivotantes aident au décompactage. L'avoine et le triticale résistent bien aux conditions humides tandis que l'orge est plutôt adaptée aux sols secs et draineurs », détaille Éric Maille.

Sélectionnez des espèces robustes

Ce conseiller cite d'autres propriétés. L'orge produit des exsudats racinaires qui aideraient à lutter contre le pourridié. L'avoine et la tagète auraient une action contre les nématodes à galles (Meloidogynes). Quant aux crucifères, elles utiliseraient le phosphore et la potasse non disponibles pour les autres plantes.

En tout état de cause, il faut sélectionner des espèces robustes, peu exigeantes, qui ont un développement rapide et un système racinaire puissant. Elles devront également être faciles à détruire et peu coûteuses à l'achat.

« Il faut trouver des espèces qui produisent une bonne biomasse au printemps en étant semées tard en automne », précise Laure Gontier, de l'IFV pôle Sud-Ouest, qui mène depuis deux ans un essai sur le sujet. L'institut a ainsi testé l'avoine, le pois fourrager, la féverole, la vesce, le lupin, le trèfle, etc. Les premiers résultats montrent que la féverole est l'espèce qui produit la plus grande biomasse. Le fénugrec a eu un développement moyen. Les semis de trèfle incarnat n'ont rien donné. La clé de la réussite passe aussi par une bonne préparation du sol avant le semis. L'idéal est de créer une structure fine avec des mottes de 1 à 3 cm. « Mais le viticulteur n'a pas forcément le matériel adéquat, ni le temps pour cela », avoue Éric Maille. Il faut semer avec un semoir adapté, puis rouler le semis, surtout si les graines sont petites. « Certains grainetiers proposent des semoirs. Sinon, on peut utiliser un épandeur à engrais sur lequel on installe des panneaux latéraux pour éviter de projeter des graines sous le rang », ajoute le conseiller.

Broyage et enfouissement

La période du semis est cruciale. Juste avant la récolte, on risque de piétiner le couvert. Trop près de l'hiver, les températures sont trop basses pour assurer une bonne levée du semis.

Ensuite, il ne faut pas intervenir jusqu'à la destruction du couvert. L'idéal est de laisser l'engrais vert aller jusqu'à la floraison. Mais, en pratique, ce n'est pas toujours possible. L'herbe peut augmenter le risque de gel au printemps. Elle entretient un microclimat favorable au développement des maladies cryptogamiques. Et si l'on attend la floraison pour la détruire, on risque de se retrouver avec un pic d'azote favorisant la coulure. Pour la destruction du couvert, il existe deux écoles. Certains vignerons préfèrent faucher ou rouler l'herbe pour former un mulch, sans l'enfouir.

D'autres optent pour le broyage et l'enfouissement. « Je conseille alors de passer le gyrobroyeur, d'attendre que la matière organique se décompose à la surface, puis de passer un coup de griffe ou de disques pour mélanger la matière organique à la terre et l'enfouir », explique Éric Maille. « Nos travaux montrent que c'est en enfouissant l'engrais vert que l'on restitue le plus d'azote minéral », complète Laure Gontier.

Le Point de vue de

Pascal Pélissou, vigneron à Brens (Tarn), 50 ha de vignes en AOC Gaillac et IGP Côtes du Tarn

« Une vraie interculture de la vigne »

Pascal Pélissou, vigneron à Brens (Tarn), 50 ha de vignes en AOC Gaillac et IGP Côtes du Tarn

Pascal Pélissou, vigneron à Brens (Tarn), 50 ha de vignes en AOC Gaillac et IGP Côtes du Tarn

« J'ai commencé à semer des engrais verts il y a quatre ans. Jusqu'alors, j'avais mis en place un enherbement permanent. Mais à cause de la sécheresse, il était devenu trop concurrentiel. En plus, le rendement maximum pour l'IGP Côtes du Tarn étant passé à 120 hl/ha, j'avais besoin de produire davantage. Désormais, je sème un mélange de féverole, de navette, de phacélie et d'orge un rang sur deux, assez tôt en octobre pour obtenir une bonne levée. Je travaille les autres rangs. L'année suivante, j'alterne. Comme je travaille les sols jusqu'au début du mois d'août, je n'ai pas besoin de recommencer au moment du semis. Pour épandre les graines, je me sers d'un semoir que j'ai bricolé. Pour un rang sur deux, je mets environ 60 kg/ha de graines : 40 à 45 kg de féveroles, 2 kg de navette, 2 kg de phacélie et 10 à 15 kg d'orge. Les graines ne coûtent pas très cher, de l'ordre de 20 €/ha, car je me fournis chez un agriculteur. Ces espèces sont très rustiques et lèvent bien. Elles couvrent le sol durant l'hiver. Elles montent de 30 à 90 cm de haut. C'est une vraie interculture de la vigne. Pour autant, je n'ai pas eu de problème de gelées. En avril, au moment du débourrement, je roule ce couvert avec un rolofaca. Je passe deux fois, à quinze jours d'intervalle. Cela forme un mulch et permet de restituer des éléments minéraux à la vigne. S'il se salit, je passe du glyphosate ou je tonds. Sinon, je n'y touche pas avant le printemps suivant, où je recommence à travailler le sol sur cet interrang. Pour l'instant, je continue à apporter de l'azote au sol sous forme d'urée en localisé. Mais j'espère pouvoir m'en passer l'année prochaine. Je verrai en fonction des résultats de mes analyses foliaires. »

Le Point de vue de

François Bacco, chef de culture du domaine Jaubertie, à Colombier (Dordogne) 50 ha en AOC Bergerac, certifié bio depuis 2009

« De l'orge pendant deux ans pour décompacter »

« En 2006, lorsque nous avons entamé la conversion en bio, nos sols étaient très compactés. Deux années de suite, nous avons donc semé de l'orge entre les rangs de vigne dans 80 % des parcelles. Pour cela, nous avons travaillé les sols à l'automne. Nous avons réalisé le semis avec un épandeur à engrais puis nous l'avons roulé. Au printemps, nous avons broyé l'orge puis nous l'avons enfouie avec des disques ou des griffes. Nous avons terminé le travail par un passage avec des herses rotatives. Cela nous a permis de bien décompacter les sols. Mais nous n'avons pas recommencé les années suivantes, car l'orge concurrençait trop la vigne. Depuis, dans les parcelles les plus qualitatives, nous laissons l'herbe pousser naturellement dans tous les rangs. À l'entrée de l'hiver, nous réalisons un décompactage. Au printemps suivant, s'il fait humide, nous laissons l'herbe repartir. S'il fait sec, nous travaillons les rangs. Dans les autres parcelles, nous travaillons un rang sur deux et laissons l'herbe pousser dans les autres rangs. Partout, nous laissons pousser l'herbe jusqu'à 8 cm, puis nous tondons. »

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