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Franck Pottiez, consultant au CER de l'Aisne et de la Marne « Il reste des outils pour transmettre son patrimoine »

Propos recueillis par Aude Lutun - La vigne - n°246 - octobre 2012 - page 75

Cet expert en droit fiscal fait le point sur les dispositions les plus intéressantes pour gérer son patrimoine après la loi de finances rectificative pour 2012.

LA VIGNE : Pour les viticulteurs, quels sont les principaux changements introduits par la loi de finances rectificative pour 2012 ?

Franck Pottiez : Ces changements touchent à la transmission du patrimoine. Les abattements sur les donations et successions ont été revus à la baisse, passant de 159 325 à 100 000 euros pour les successions ouvertes à compter du 17 août 2012. Ce montant de 100 000 euros échappe aux droits de mutation. Autre changement : désormais, après avoir effectué une donation, il faudra patienter quinze ans, et non plus dix, pour bénéficier d'un nouvel abattement. Pour l'instant, l'exonération du conjoint survivant ou du partenaire pacsé est maintenue, de même que l'abattement spécifique pour les personnes handicapées (159 325 euros). Les abattements concernant les dons à des petits-enfants, arrière-petits-enfants, frères, sœurs, neveux et nièces sont également maintenus, tout comme les dons manuels d'argent (31 865 euros).

Dans ces conditions, quelles sont les stratégies à mettre en place pour transmettre des biens sans trop payer d'impôts ?

F. P. : Donner en nue-propriété, en gardant l'usufruit pour soi, reste un outil indispensable. Il faut aussi penser aux abattements liés aux baux à long terme et aux groupements fonciers viticoles ou agricoles (GFV ou GFA), d'autant que ces abattements se cumulent. Par exemple, lorsqu'une parcelle fait l'objet d'un bail à long terme, 75 % de sa valeur jusqu'à 101 897 euros et 50 % au-delà sont exonérés de droits de succession.

Le pacte Dutreil (article 787 B CGI) est également très intéressant mais pas assez utilisé. Il permet de donner son outil professionnel avec un abattement de 75 %, à certaines conditions : un engagement individuel de conservation pendant quatre ans et l'exercice d'une fonction de direction pendant trois ans.

Une autre piste consiste à donner ses parts de société. Elles seront exonérées de plus-value si le donataire (celui qui reçoit, NDLR) poursuit l'activité pendant au moins cinq ans.

Vous plébiscitez également le don manuel d'argent…

F. P. : Oui, parce que c'est très simple. Mais il n'est pas assez connu. Le don manuel d'argent est limité à 31 865 euros par parent ou grand-parent de moins de 80 ans, tous les quinze ans. À ce sujet, je conseille vivement aux parents qui souhaitent donner de l'argent à leurs enfants (obligatoirement majeurs) de procéder à une donation-partage chez un notaire. Cela aura le grand mérite de figer les valeurs. Imaginons que des parents donnent chacun 30 000 euros à leurs deux fils. Ils reçoivent donc 60 000 euros chacun. Un des enfants investi cette somme dans une entreprise et l'autre achète un bateau. Quinze ans après, au moment du décès du dernier parent vivant, l'évolution des biens n'est plus la même. Celui qui a investi a de grandes chances d'avoir un capital plus grand que celui qui a acheté un bateau. Si les dons ne sont pas figés par une donation-partage, l'enfant qui a acheté un bateau est en droit de demander la moitié de la plus-value réalisée par son frère.

Vous insistez sur l'importance de faire un bilan patrimonial. Pourquoi ?

F. P. : Trop peu d'exploitants viticoles réalisent un bilan patrimonial, souvent par méconnaissance de cet outil. C'est pourtant un état des lieux indispensable. Je conseille aux viticulteurs de le réaliser vers 40-45 ans, pour avoir le temps de mettre en place une stratégie de transmission de leur patrimoine, selon les besoins et les projets de chacun. À 60 ans, il est trop tard pour réagir. Il devient impossible, par exemple, de développer un autre patrimoine (immobilier ou autre) à céder aux enfants qui n'auront pas repris l'exploitation.

Des mesures d'alourdissement de la fiscalité sont prévisibles. Il est question d'une hausse de l'impôt sur le revenu. Si cela se confirme, comment réagir ?

F. P. : Effectivement. La réforme de la fiscalité des revenus devrait être conséquente. On évoque la fusion de la CSGCRDS avec l'impôt sur le revenu. L'assiette de cotisation à la CSG-CRDS devrait aussi être revue. À un moment, il a été question d'intégrer une partie du patrimoine professionnel dans l'assiette de l'ISF, mais cette idée a été abandonnée. Pour limiter la hausse prévisible des impôts sur le revenu, les viticulteurs peuvent réfléchir à créer une société patrimoniale imposée à l'impôt sur les sociétés, qui détiendrait des parts dans la SCEV.

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PARCOURS :

1992 : diplômé de l'Ihedrea.

Depuis 1993 : conseiller d'entreprise au CER Nord-Est Île-de-France.

Janvier 2012 : conseiller en gestion du patrimoine.

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