Retour

imprimer l'article Imprimer

DOSSIER - Petite récolte : Amortir le choc

Check-list pour éviter le crash

La vigne - n°248 - décembre 2012 - page 26

La petite récolte est rentrée. Il va maintenant falloir passer le cap commercial et financier. Trois experts livrent leurs conseils pour éviter l'accident de trésorerie ou la perte de clients

1. Prévoyez vos difficultés de trésorerie

« Ne pas prévoir, c'est déjà gémir », disait Léonard de Vinci. Nos conseillers sont unanimes sur le sujet : pour éviter les déconvenues, il faut devancer les conséquences de la petite récolte sur le plan commercial et financier. « Comme le vigneron connaît ses volumes, il doit calculer quand cela risque de coincer en terme de trésorerie. En clair, quand il n'aura plus de vin à vendre mais qu'il aura encore des dépenses à engager pour faire tourner son exploitation et notamment préparer la prochaine récolte », avertit Julien Mallon. Soit le vigneron dispose des réserves financières suffisantes pour acheter ses bouteilles, ses produits phytos, payer ses tailleurs, etc. et tout va pour le mieux, soit il sent qu'il va lui manquer de l'argent et il doit se rapprocher de sa banque pour négocier un prêt de trésorerie ou une ouverture de crédit exceptionnel.

2. Optez pour la pédagogie avec vos clients

Sur le plan commercial, Julien Mallon rappelle qu'il faut organiser les restrictions au lieu de les subir. Et d'énumérer : « D'abord, il faut limiter les opérations de promotion. Ensuite, si vous avez des gros clients qui demandent plus de vin que d'habitude, il faut chercher à gagner du temps. Enfin, s'il est nécessaire de faire un choix entre deux clients, préférez le client régulier au nouveau venu. »

Pour Joëlle Brouard, la vendange 2012 est « l'occasion d'adopter un discours pédagogique à l'égard de ses clients particuliers. Rappelez que le vin est un produit naturel, c'est-à-dire qu'il dépend de la nature. N'hésitez pas à expliquer votre métier. » L'essentiel est de faire comprendre que tout ne dépend pas des interventions de l'homme : « Vous pouvez faire passer le message au travers d'une lettre bien tournée. Rappellez la succession des malchances auxquelles vous avez dû faire face… Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux arguments du commerce éthique et solidaire. Ce type de courrier leur permet de prendre conscience de la situation à laquelle les vignerons sont confrontés. » Un client averti sera ensuite plus compréhensif si vous lui annoncez un manque de disponibilité ou si vous lui présentez une hausse de prix.

3. Revalorisez avec raison vos prix

À la question de savoir s'il y a un maximum d'augmentation possible des prix cette année, les avis de nos experts divergent un peu. Assez classiquement, Joëlle Brouard rappelle la règle générale d'élasticité du prix qui veut « qu'au-delà d'une hausse de 10 %, il y a un risque réel de perte de clientèle ». De son côté, Julien Mallon analyse le problème par rapport au marché sur lequel le vigneron se situe : « Il faut surtout voir si après une hausse conséquente, vos vins restent concurrentiels par rapport aux autres vins similaires. Si c'est le cas, il ne faut pas hésiter. » Et de citer l'exemple d'un producteur qui a augmenté le prix d'une cuvée en méthode traditionnelle de 3,60 à 3,90 euros TTC (+ 8,3 %) sans qu'aucun client ne bronche. Nos experts en profitent pour rappeler une règle de base : mieux vaut une augmentation régulière du prix des bouteilles de 2 à 5 % tous les deux ans plutôt que 10 % infligés d'un coup. « Il est préférable de procéder par roulement. Une année, revalorisez vos rosés et ne touchez pas aux rouges. L'année d'après, faites l'inverse. Comme cela, si un client se plaint, vous pouvez toujours lui rétorquer que la cuvée qu'il voulait a bien augmenté mais qu'il peut en acheter une autre dont le prix n'a pas varié », préconise Julien Mallon.

4. Analysez vos erreurs

Enfin, les millésimes comme 2012 peuvent révéler des problèmes d'exploitation plus profonds. Par exemple, une année culturale difficile peut mettre en lumière la nécessité de replanter pour approvisionner des produits sur lesquels l'exploitation est trop souvent sous tension. « Soit vous décidez d'investir au vignoble, soit vous prenez une carte de négociant », conseille Julien Mallon.

L'année que l'on vient de connaître rappelle aussi l'importance de toujours viser le rendement autorisé. « C'est essentiel, déclare Jean-Claude Vanel. Il faut réfléchir à son itinéraire technique. » Selon ce conseiller d'exploitation, il est également important de bien gérer ses stocks. « Quand on démarre la vente directe, il faut avoir de quoi sécuriser sa commercialisation au moins sur une année. Cela montre combien ce type de débouché nécessite de trésorerie. »

Conseils aux vendeurs en vrac

« La contractualisation est préférable à l'opportunisme car elle sécurise l'exploitation dans le temps. » Tel est, en substance, le message délivré par les experts. Une fois ce principe rappelé, certaines nuances existent selon la situation de l'exploitation. Plusieurs conseillers préconisent un partage de sa commercialisation en vrac entre contrats pluriannuels et contrats spots. « Quand on ne parvient pas à tout vendre en bouteille, l'idéal est d'avoir un tiers de vente directe, un tiers en contrat spot et un tiers en pluriannuel », considère un conseiller viticole. Les experts rappellent par ailleurs que si l'on veut profiter au mieux d'une spéculation à la hausse, il faut avoir la trésorerie suffisante pour attendre le meilleur moment pour vendre. « Si vous n'avez pas la solidité financière suffisante, mieux vaut ne pas jouer ! » avertit un spécialiste. Enfin, ceux qui désirent franchir le pas de la contractualisation sur plusieurs années doivent bien faire leur compte, calculer leur coût de revient et conserver une marge de 10 à 15 %.

Le Point de vue de

Joëlle Brouard, professeur de marketing à l'ESC Dijon Bourgogne.

Joëlle Brouard, professeur de marketing à l'ESC Dijon Bourgogne.

Jean-Claude Vanel, responsable de service au CER France Rhône.

Jean-Claude Vanel, responsable de service au CER France Rhône.

Julien Mallon, conseiller viticole au CER France Maine-et-Loire.

Julien Mallon, conseiller viticole au CER France Maine-et-Loire.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :