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AU COEUR DU MÉTIER

Dans la Drôme, chez la famille Vinson « S'agrandir, pour quoi faire ? »

Florence Bal - La vigne - n°248 - décembre 2012 - page 30

Frédérique et Denis Vinson ont choisi de valoriser leur production en vente directe plutôt que de s'agrandir. Pour cela, ils améliorent la qualité de leurs vins, cultivent une image traditionnelle et misent sur le cru Vinsobres.
APRÈS LA VENDANGE, Denis Vinson et son fils Joseph marquent les pieds malades ou morts sur cette parcelle de syrah âgée de vingt-cinq ans. Ils s'apprêtent à réaliser un griffage d'hiver, fin novembre. PHOTOS F. BAL

APRÈS LA VENDANGE, Denis Vinson et son fils Joseph marquent les pieds malades ou morts sur cette parcelle de syrah âgée de vingt-cinq ans. Ils s'apprêtent à réaliser un griffage d'hiver, fin novembre. PHOTOS F. BAL

LA FAMILLE VINSON ne se déplace sur aucune foire ni aucun salon. Elle vend 70 % de sa production au caveau ou par correspondance. Denis, Frédérique et leurs deux fils Joseph et Charles sont là tous les jours, sauf le dimanche.

LA FAMILLE VINSON ne se déplace sur aucune foire ni aucun salon. Elle vend 70 % de sa production au caveau ou par correspondance. Denis, Frédérique et leurs deux fils Joseph et Charles sont là tous les jours, sauf le dimanche.

DANS LEUR CAVE SOUTERRAINE EN PIERRE construite en 1989, Frédérique, responsable du chai, batônne les vinsobres rouges pour leur donner « du gras, de la profondeur et plus de CO2 naturel », tandis que Denis les ouille.

DANS LEUR CAVE SOUTERRAINE EN PIERRE construite en 1989, Frédérique, responsable du chai, batônne les vinsobres rouges pour leur donner « du gras, de la profondeur et plus de CO2 naturel », tandis que Denis les ouille.

« Nous avons tenu notre cap. » Au domaine du Moulin, 26 ha de vigne à Vinsobres, dans la Drôme, la famille Vinson assume une stratégie toute personnelle, faite du refus de s'agrandir, d'ancrage dans la tradition et d'observations.

En 1986, Denis Vinson et son épouse Frédérique rejoignent le domaine familial. Ce dernier compte 20 ha classés en appellation Côtes du Rhône villages Vinsobres, mais qui ne sont pas revendiqués comme tels, et 7 ha en vin de pays. Il écoule un tiers en bouteilles, un tiers en petit vrac et un tiers au négoce. Aujourd'hui, à peu de chose prêt, il affiche toujours la même surface : 22 ha en AOC et 4 ha en IGP. Mais il vend le double de cols.

« À l'époque, le discours dominant était qu'il fallait absoluement s'agrandir, se souvient Denis Vinson. Il y avait des occasions à saisir et de bons revenus par hectare à la clé. Je ne l'ai pas cru une seule seconde et j'ai bien fait. Notre objectif a été de rester petit mais de faire bon. Combien de bouteilles faut-il vendre en plus pour rentrer dans les frais induits – salons, déplacements, publicité – lorsqu'on s'agrandit ? Nous n'avons pas ces coûts et ne les répercutons donc pas sur nos prix. »

Trois cuvées très vite remarquées

Dès leur arrivée, lui et son épouse choisissent de ne plus se déplacer, de tout vendre au caveau et de soigner l'image du domaine. Ils créent deux cuvées en côtes-du-rhône villages Vinsobres pour monter en gamme : Vieilles vignes et Charles Joseph, élevée en barriques neuves. En 1992, ils signent leur premier millésime en côtes-du-rhône villages Vinsobres blanc, un assemblage de viognier et de clairette. Ces trois nouveaux vins et la construction d'une cave d'élevage souterraine voûtée et en pierres, une curiosité dans la région, leur valent leurs premières citations dans des guides et des magazines. Des articles qui « les propulsent et amènent des clients ». En 2000, ils agrandissent leur cave souterraine, remodèlent la réception de vendange et acquièrent un érafloir. Dès lors, pour les vins villages Vinsobres rouges, ils pratiquent le pigeage, des macérations longues avec chapeau submergé et un élevage sur lies fines en barriques avec bâtonnage, « pour plus de gras et de profondeur ».

À la vigne, Denis Vinson travaille de manière traditionnelle. Il applique sa technique « toujours vérifiée dans les faits » pour obtenir de petites grappes et de petits raisins. Il épampre et ébourgeonne ses gobelets et ses cordons de royat en laissant quatre à cinq pousses par courson. « Une concurrence bénéfique a lieu à la floraison, précise-t-il. Si on en laisse deux ou trois comme le conseille la chambre d'agriculture, elles deviennent des monstres et buissonnent. »

Sur les AOC, il éclaircit mi-août pour que les grappes restantes ne compensent pas. « On récupère le travail dans les vins », affirme le vigneron. Les vignes en AOC sont vendangées manuellement, avec un triple tri : sur pied, dans la remorque et à la réception. Les IGP sont vendangées à la machine. Sur les vignes palissées, il effeuille côté soleil levant. Si c'est nécessaire, il crée un puits de lumière au centre en enlevant quelques feuilles sur les gobelets.

« La naissance du cru Vinsobres en 2006 n'a rien changé à notre manière de conduire les vignes », souligne Denis. Ils produisent toutefois un Vinsobres intermédiaire, entre le Vieilles vignes et le Charles Joseph : la cuvée ++, avec 40 % de syrah, vendue à 8 euros.

Sur le plan des tarifs, ils pratiquent une augmentation de 2 % par an au 1er décembre, alors que le marché les autoriserait à progresser davantage. « Nous avons une clientèle historique. Nous n'allons pas lui asséner une augmentation de 20 % du jour au lendemain sous prétexte que nous sommes passés en cru Vinsobres ou que nous sommes cités dans les guides et les magazines tous les ans. Ce n'est pas notre philosophie », explique le père de famille. De fait, « ce nouveau cru attise une forte curiosité, poursuit-il. Nous sommes dans des tarifs encore corrects par rapport aux vins de Châteauneuf-du-Pape, de Gigondas, de côte Rôtie… où les prix ont flambé. Beaucoup de clients s'en sont détournés et viennent chez nous ». Idem pour les petits revendeurs, cavistes et épiciers. Toute la production est vendue. Le domaine n'a aucun stock et rationne même ses clients sur le haut de gamme. Le couple, rejoint par ses deux fils, Charles en 2005 et Joseph en 2009, va donc poursuivre son recentrage sur l'AOC Vinsobres en portant la surface ainsi valorisée à 12 ha d'ici quatre à cinq ans. Autre décision : désormais, l'augmentation du 1er décembre sera de 4 % pour leur cuvée ++ et le villages blanc. Presque une révolution !

Et si c'était à refaire ? « Je formerais des grenaches en gobelets »

« Durant les vingt premières années, nous avons palissé tous les grenaches que nous avons plantés, soit environ 4 ha. Si c'était à refaire, nous les planterions tous en gobelets. Ce n'est que depuis cinq ou six ans que nous avons choisi cette taille. Les gobelets donnent un meilleur équilibre ombre-soleil sur le cep, de meilleurs vins. Nous avons replanté ainsi un hectare de grenache. Les gobelets nous apportent un vrai plus en terme d'image et nous communiquons largement sur ce côté tradition. Nous aurions également dû planter environ 2 ha supplémentaires de syrah, en plus des 6 que nous avons. C'est un beau cépage, qui complète très bien le grenache. De même, nous avons commencé à érafler en 2000. Nous aurions pu le faire avant car c'est un moyen efficace d'enlever la verdeur des rafles. L'éraflage donne davantage de finesse et de rondeur au vin. Ce que le consommateur apprécie. »

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L'EXPLOITATION

Main-d'œuvre : les quatre membres de la famille, deux salariés et des occasionnels.

26 ha dont 22 en AOC.

Appellations : Vinsobres, Côtes du Rhône villages, Côtes du Rhône et IGP Drôme.

Encépagement : grenache, syrah, cinsault, mourvèdre, carignan, clairette et viognier.

Taille : gobelet, cordon de royat et guyot simple.

4 000 pieds/ha.

Production : 1 000 hl.

Les ventes

70 000 bouteilles. Sept vins entre 5 et 15,50 euros TTC, prix départ propriété.

6 000 bibs de 5 et 10 litres.

100 hl de petit vrac entre 1,40 et 2,70 €/l, prix départ.

100 hl/an de côtes-du-rhône rouge en vrac au négoce.

Les résultats

CA 2011 : 468 212 euros.

L'essentiel de l'offre

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