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VIGNE

Mildiou sur grappes : le rôle déterminant des stomates

José Martinez-Teruel - La vigne - n°248 - décembre 2012 - page 38

Après la floraison, les stomates des grappes se bouchent. Le mildiou ne peut plus y pénétrer. Des chercheurs suisses expliquent ainsi que l'on passe du rot gris au rot brun, puis à la perte totale de sensibilité envers cette maladie.
STOMATES FONCTIONNELS. Ces stomates ont été photographiés au stade inflorescences visibles sur les pédicelles des baies et la rafle des grappes. On voit à leur ouverture qu'ils sont fonctionnels. Ils sont situés au même niveau que l'épiderme (A), extrudés par rapport à celui-ci (B et C) ou invaginés (D). Ils sont la porte d'entrée du mildiou dans l'inflorescence. Une fois qu'il s'est nourri des organes verts, il en ressort sous forme de rot gris.

STOMATES FONCTIONNELS. Ces stomates ont été photographiés au stade inflorescences visibles sur les pédicelles des baies et la rafle des grappes. On voit à leur ouverture qu'ils sont fonctionnels. Ils sont situés au même niveau que l'épiderme (A), extrudés par rapport à celui-ci (B et C) ou invaginés (D). Ils sont la porte d'entrée du mildiou dans l'inflorescence. Une fois qu'il s'est nourri des organes verts, il en ressort sous forme de rot gris.

STOMATES USÉS. Au stade fin floraison, alors que tous les capuchons sont tombés, les stomates perdent leur fonctionnalité. Ils se fissurent (A), se déstructurent (B) ou se bouchent (C et D). Le mildiou ne peut plus rentrer ni sortir par cette voie. Les grappes deviennent résistantes à ce pathogène. Photos prises au microscope électronique à balayage sur deux cépages sensibles au mildiou, le chasselas et le merlot, et deux cépages résistants, le solaris et le 2091.

STOMATES USÉS. Au stade fin floraison, alors que tous les capuchons sont tombés, les stomates perdent leur fonctionnalité. Ils se fissurent (A), se déstructurent (B) ou se bouchent (C et D). Le mildiou ne peut plus rentrer ni sortir par cette voie. Les grappes deviennent résistantes à ce pathogène. Photos prises au microscope électronique à balayage sur deux cépages sensibles au mildiou, le chasselas et le merlot, et deux cépages résistants, le solaris et le 2091.

INFECTION DE MILDIOU AU STADE INFLORESCENCES VISIBLES. Les spores de mildiou sont enkystées dans les tissus (A). C'est le début de l'infection. Quatre jours après l'infection, les fructifications (sporangiophores) émergent au travers des ouvertures des stomates (B et C). Les inflorescences se couvrent d'un feutrage blanc : c'est le rot gris (D). PHOTOS AGROSCOPE

INFECTION DE MILDIOU AU STADE INFLORESCENCES VISIBLES. Les spores de mildiou sont enkystées dans les tissus (A). C'est le début de l'infection. Quatre jours après l'infection, les fructifications (sporangiophores) émergent au travers des ouvertures des stomates (B et C). Les inflorescences se couvrent d'un feutrage blanc : c'est le rot gris (D). PHOTOS AGROSCOPE

Depuis 2009, une équipe de chercheurs de la station Agroscope Changins-Wädenswil, en Suisse, étudie la sensibilité des grappes au mildiou. Elle a pris quatre cépages comme matériel expérimental : deux cépages sensibles au mildiou, le chasselas et le merlot, et deux cépages résistants, le 2091 et le solaris. « Nous avons inoculé artificiellement les grappes aux trois stades phénologiques suivants : inflorescences visibles (BBCH 53), chute des capuchons floraux (BBCH 69) et baies de la taille de petits pois (BBCH 75). Puis nous avons suivi le développement du mildiou », indique Katia Gindro, chef du groupe de mycologie et biotechnologie à Changins.

Les chercheurs ont suivi l'évolution des infections à l'aide d'un microscope électronique à balayage. Ils ont aussi observé les stomates des grappes, car ce sont les portes d'entrée et de sortie du mildiou dans la vigne. C'est par là qu'il pénètre après avoir germé et qu'il ressort pour fructifier une fois qu'il s'est nourri des organes verts.

Avant la floraison, les stomates des grappes sont pleinement fonctionnels. Ils parsèment les capuchons floraux, les pédicelles des baies et le rachis des grappes. C'est au travers des stomates que tous ces organes respirent, comme le reste de la plante d'ailleurs. Ces observations permettent de comprendre le faciès rot gris. Après une contamination précoce, le mildiou peut effectuer tout son cycle dans les grappes. Il y pénètre par les stomates, puis en ressort pour sporuler et former le rot gris. Il s'attaque aussi bien aux futures fleurs qu'aux pédicelles ou à la rafle.

Utilisation de la biologie moléculaire

Après la chute des capuchons floraux, tout change. Les stomates se fissurent ou se bouchent. Ils perdent leur fonctionnalité. Le mildiou ne peut plus entrer ni sortir des grappes ou à grand-peine. Cette résistance des grappes est appelée ontogénique.

Katia Gindro et son équipe expliquent ainsi qu'on ne voit plus de rot gris après la floraison et supposent que c'est la raison de l'apparition du rot brun. Ce dernier serait provoqué par du mildiou qui aurait réussi à pénétrer dans les grappes par des stomates encore ouverts mais qui ne pourrait plus en sortir car, entre-temps, ces organes respiratoires se seraient fermés.

Bien que prisonnier, le champignon se développerait dans les tissus verts, provoquant le brunissement puis le dessèchement du pédoncule, de la rafle, de la grappe et des baies. Reste à prouver cette hypothèse. « Nous souhaitons voir si le rot brun est effectivement dû à la progression systémique du mildiou. Pour cela, nous allons utiliser la biologie moléculaire pour le suivre dans les tissus verts de la grappe tout au long de la saison », précise Katia Gindro.

À la différence des cépages sensibles, les cépages résistants ont de quoi se défendre contre les attaques précoces. « Au stade préfloraison, ils synthétisent des molécules appelées stilbènes en très grande quantité qui leur permettent de stopper le mildiou, contrairement aux cépages sensibles qui n'en synthétisent pratiquement pas, poursuit la chercheuse. Au stade petits pois, nous observons une chute de la teneur en stilbènes, que ce soit dans les cépages résistants ou sensibles. Comme chez les cépages sensibles, les stomates se bouchent ou se transforment en lenticelles. »

Quand les stomates ne sont plus fonctionnels, le mildiou n'entre plus dans les grappes. Celles-ci deviennent peu à peu insensibles à la maladie. Même les cépages résistants n'ont plus besoin de molécules de défense.

Un cépage résistant très prometteur

Pour comprendre le développement du mildiou sur grappe, la station Agroscope de Changins, en Suisse, a travaillé sur deux cépages résistants : le 2091 et le solaris. Tous deux ont été obtenus par hybridation classique. Le 2091 est un cépage rouge non seulement très résistant au mildiou, mais aussi à l'oïdium et à la pourriture grise. Alors que le solaris, un cépage blanc souvent utilisé dans les études, est uniquement résistant au mildiou. Le 2091 a la particularité de réagir très rapidement en présence du mildiou en produisant des concentrations importantes de stilbènes toxiques tant au niveau des feuilles que des grappes. « Il produit aussi de la callose permettant de boucher une partie des stomates fonctionnels. Il a également la capacité de transformer le resvératrol, stibène peu toxique contre le mildiou, en molécules plus toxiques pour le pathogène, comme la delta-viniférine et le pterostilbène », détaille Katia Gindro, mycologue à Agroscope. Les observations et les microvinifications réalisées sur le 2091 montrent qu'il présente aussi un intérêt agronomique et œnologique. « Notre bébé est prometteur pour les professionnels », se félicite Jean-Laurent Spring, le sélectionneur du nouveau cépage.

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