AZOTE FOLIAIRE : Pas d'intérêt sur les rouges du Sud-Ouest
Contrairement aux résultats obtenus sur blancs, les pulvérisations d'azote foliaire n'ont pas d'effet sur les arômes des vins rouges de fer servadou et de carignan. C'est ce qu'a observé l'IFV en 2011 en testant des pulvérisations de 20 kg/ha d'azote (urée) en deux passages encadrant la véraison.
Cette fertilisation a permis d'augmenter la teneur en azote assimilable de 65 % dans les moûts de fer servadou et de 33 % dans ceux de carignan. Mais les vins obtenus ne contiennent pas plus de molécules à fort impact aromatique, dont les thiols, que les vins témoins. Les experts n'ont pas non plus détecté de différence significative à la dégustation.
MACÉRATION EN ROUGE : Bons points pour la MPC et la carbo
En 2009 et 2010, l'IFV Sud-Ouest a comparé cinq techniques différentes de macération sur des vendanges de carignan, grenache et fer servadou :
la macération carbonique ;
la macération préfermentaire à froid (MPF) ;
la macération préfermentaire à chaud (MPc) suivie d'une fermentation en phase liquide ;
la macération préfermentaire à chaud puis fermentation alcoolique (FA) en phase solide ;
la macération fermentaire courte de cinq jours.
La MPF et la macération courte ont un impact très faible sur les composés aromatiques et sur la dégustation, quel que soit le cépage. Au contraire, la macération carbonique conduit à des teneurs en 3MH (arôme de pamplemousse) et en cinnamates (notes florales et épicées) plus élevées que dans les témoins. Avec la macération à chaud suivie d'une FA en phase liquide, les vins sont plus riches en esters fermentaires.
Pour les dégustateurs, ces vins sont les plus aromatiques au nez. Les vins de MPC sont plus « lactés » et moins végétaux au nez que les autres. Ils sont aussi plus gras que les témoins. Qu'elle soit suivie d'une vinification en phase liquide ou solide, la macération à chaud fait perdre certaines molécules, dont la ß-damascénone. Dans le cas de la FA sous marc, l'astringence est légèrement accentuée.
La température importe plus que la turbidité
En 2011, les essais se sont focalisés sur la fermentation en phase liquide qui a suivi la macération à chaud de la vendange. Les chercheurs ont observé que la température de FA influençait beaucoup plus le profil aromatique des vins que le niveau de turbidité du moût.
Ainsi, les FA à 18°C entraînent des vins plus riches en arômes fermentaires, plus acides et plus chauds en bouche. Alors qu'une FA à 25°C donne des vins plus gras et plus thiolés. Une turbidité du moût de 150 NTU conduit à des vins un peu plus riches en thiols et un peu plus de gras qu'une turbidité de 800 NTU.
MACÉRATION EN BLANC : Deux techniques équivalentes
La macération pelliculaire et la stabulation sur bourbes à froid améliorent les arômes fruités thiolés du gros manseng, d'après des essais conduits en 2009, 2010 et 2011 sur deux parcelles en Côtes de Gascogne. Avant la fermentation, les chercheurs de l'IFV ont fait macérer les raisins pendant dix-huit heures à 16°C d'un côté et, de l'autre, ils ont mis en contact les jus avec leurs bourbes pendant deux semaines. La macération accentue la production de plusieurs composés fermentaires et la stabulation augmente la formation du thiol A3MH, à l'odeur de fruit de la passion.
À la dégustation, les deux techniques, sans distinction, conduisent à un fruité de type thiols plus intense que dans les témoins. « Le millésime et la parcelle ont une influence plus forte que la technique de vinification sur le profil des vins », nuance Thierry Dufourcq, ingénieur à l'IFV.
COPEAUX : L'acacia apporte de la fraîcheur
Les morceaux de bois à base d'acacia ne donnent pas le même profil de vins de gros manseng que ceux à base de chêne : ils confèrent fraîcheur et complexité, alors que le chêne apporte plus de sucrosité et de notes boisées. L'IFV et la société Boisé France ont apporté 3,5 g/l de copeaux, les uns composés à 85 % d'acacia, les autres à 100 % de chêne, à des moûts de gros manseng en fermentation.
L'ajout tardif marque davantage le vin
À la dégustation des vins en bouteille, la modalité « acacia » préserve les arômes thiolés, diminue les notes herbacées et apporte un léger boisé. « Ces copeaux respectent la fraîcheur du vin en améliorant un peu la sucrosité », conclut Simon Grelier, de Boisé France. Les vins boisés avec des copeaux en chêne présentent beaucoup plus de douceur en bouche et un boisé de type coco vanillé plus marqué.
Lors d'essais menés en 2010 sur du fer servadou, l'apport de copeaux en fin de fermentation alcoolique a marqué plus fortement les vins qu'un apport en début de FA. Les chercheurs ont mis les moûts en contact avec 1 g/l de bois riches en composés de chauffe en début de FA pendant dix jours ou en fin de FA pendant deux mois. Les vins obtenus dans le second lot renferment plus de gaiacol et de 2-furfurylthiol, deux molécules à l'origine du boisé, que ceux du premier. Leur intensité aromatique au nez est aussi plus forte. En bouche, l'apport tardif conduit à légèrement plus de gras et de fruit mûr.
DIMÉTHYLSULFURE : Potentiel mieux connu
Des chercheurs ont identifié la S-méthyl-methionine (SMM) comme précurseur principal du sulfure de diméthyle (DMS). La molécule de DMS, parfois considérée comme un défaut, apporte aussi au vin des arômes positifs de sous-bois, d'olive, de truffe et elle renforce les notes de fruits rouges. Elle se forme à partir du potentiel en DMS, appelé PDMS et présent dans les raisins, pendant la fermentation alcoolique et surtout lors de la conservation du vin. « Le PDMS est contenu à 57 % dans la pulpe, à 37 % dans la pellicule et à 5 % dans les pépins, a indiqué Laurent Dagan, responsable du laboratoire de Nyséos. Seulement 15 à 20 % du PDMS se retrouve dans le vin. Il est surtout dégradé pendant la FA, où il atteint son niveau le plus faible. » Des essais menés sur syrah et chardonnay ont montré que ce PDMS était plus élevé quand la contrainte hydrique après véraison était plus faible. D'après d'autres essais sur gros manseng, les carences azotées dans les moûts entraînent un faible PDMS en fin de FA. « Il est possible que les levures utilisent la SMM comme nutriment azoté », explique Laurent Dagan.
POTENTIEL DE GARDE : Supérieur chez les premiers vins
En 2009, une équipe de l'ISVV de Bordeaux a identifié deux molécules impliquées dans le vieillissement défectueux des vins rouges à l'origine d'odeurs de pruneau ou de fruits cuits : la gamma-nonalactone et la MND. Récemment, les chercheurs ont observé que la teneur en gamma-nonalactone dans les vins est d'autant plus élevée que les raisins sont surmûris ou que le bois employé pour l'élevage est jeune.
Enfin, ils ont dosé la MND dans des premiers et seconds vins de Bordeaux et ont constaté que les premiers en renfermaient moins que les seconds : preuve que les œnologues qui les ont assemblés ont bien perçu le meilleur potentiel de garde des premiers vins !
Qu'est-ce que le projet Vinaromas ?
L'IFV Sud-Ouest et le laboratoire d'analyses de l'arôme et d'œnologie de Saragosse (Espagne) viennent de terminer leur projet commun Vinaromas, initié en 2009. Ce programme visait à mettre en valeur le potentiel aromatique de quatre cépages : deux de l'appellation espagnole Cariñena, le grenache et le carignan, et deux du Sud-Ouest, le fer servadou et le gros manseng. Les chercheurs ont étudié le profil sensoriel de ces cépages et ont identifié les principales molécules responsables des arômes dans chacun d'eux. Ils ont aussi testé diverses techniques, comme la fertilisation foliaire, la macération à froid et à chaud, l'utilisation de copeaux, l'élevage sur lies, etc. pour améliorer le profil aromatique des quatre cépages. L'IFV a profité de son colloque annuel pour présenter les résultats.