De quoi s'agit-il ?
Quelques minutes ou quelques heures après avoir consommé un aliment ou une boisson contenant des sulfites, certaines personnes peuvent déclarer les symptômes suivants : nez qui coule, éternuements, démangeaisons, urticaire, douleurs abdominales ou gêne respiratoire, voire crise d'asthme. Ces réactions, le plus souvent légères, sont dues à une hypersensibilité ou à une intolérance aux sulfites. L'inhalation de sulfites suffit parfois à provoquer un ou plusieurs de ces symptômes.
« Ce sont des manifestations fréquentes qui apparaissent parfois avec différents conservateurs, colorants et autres produits chimiques, remarque le professeur Jean-François Nicolas, allergologue au CHU de Lyon (Rhône). Dans la plupart des cas, elles ne posent pas de problème. »
Pour l'heure, il n'existe pas de statistiques sur la part de la population hypersensible aux sulfites. « Cela représente peut-être quelques pour cent, estime Jean-François Nicolas. C'est difficile à évaluer, car des personnes sont probablement intolérantes sans le savoir, notamment celles qui ne boivent pas de vin. »
Toujours est-il que « les sulfites étant des produits chimiques, ils sont doués de toxicité et ont des propriétés inflammatoires. Nous y sommes tous sensibles, mais à des degrés divers », poursuit le chercheur.
Certaines personnes sont-elles plus sensibles que d'autres ?
Oui. Les réactions peuvent être graves chez les asthmatiques, surtout durant les périodes où leur affection n'est pas bien stabilisée. Il faut noter que, d'après l'Inserm, 5 à 8 % des adultes français sont asthmatiques. « Environ 5 % des asthmatiques ont des difficultés à respirer dans les minutes suivant la consommation de sulfites », précise Jean-François Nicolas. Les risques de réaction sévère sont aussi plus grands chez les personnes allergiques à l'aspirine et chez les porteurs du syndrome de Fernand Widal, ce dernier combinant rhinite inflammatoire chronique (polypose nasale), asthme et intolérance à l'aspirine.
La sensibilité aux sulfites dépend aussi de la dose présente dans l'aliment ou la boisson. Plus un vin contient de sulfites, plus le risque de déclencher une réaction d'intolérance est important.
Peut-on parler d'allergie aux sulfites ?
Non, dans l'immense majorité des cas, la réaction inflammatoire est due à une hypersensibilité non allergique. « Parmi les personnes hypersensibles, seulement 5 % sont allergiques, explique Jean-François Nicolas. Ces personnes sont immunisées, c'est-à-dire qu'elles ont produit des anticorps ou des lymphocytes T spécifiques des sulfites, à l'origine de la réaction. L'allergie peut être grave, car elle peut provoquer la dégradation d'un organe ou de l'individu lui-même. »
Heureusement, dans 95 % des cas, la sensibilité n'entraîne pas de réaction allergique et n'a pas d'incidence sévère.
Quels aliments en contiennent ?
Les sulfites sont employés comme conservateurs du vin et de nombreux autres aliments. Les poissons et crustacés, les fruits secs, les confiseries, les condiments, la viande, les salades sous vide, les pommes de terre et les boissons alcoolisées en contiennent.
Cependant, le vin et le champagne sont la principale source d'apport chez les adultes. D'après la dernière étude de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) sur l'alimentation des Français (étude de l'alimentation totale française 2 ou EAT2) publiée en juin 2012, ces deux boissons apportent 72 à 75 % des sulfites qu'ils ingèrent. Viennent ensuite le sucre et ses dérivés pour 21 % et, dans une moindre mesure, les fruits secs, les fruits de mer et le cidre.
L'Anses a par ailleurs évalué entre 0,16 et 0,17 mg/kg de poids corporel et par jour l'exposition moyenne aux sulfites des adultes français.
Que penser des sulfites apportés par le vin ?
L'EAT2 montre que 2,9 % des adultes français dépassent la dose journalière admissible en sulfites recommandée par l'OMS, soit 0,7 mg/kg de poids corporel et par jour. « Ce dépassement est dû majoritairement à la consommation de boissons alcoolisées, de vin en particulier », souligne l'Anses. Ainsi, pour un adulte de 70 kg, il suffit de boire chaque jour deux verres de vin contenant 100 mg/l de sulfites pour dépasser cette dose. « La possibilité d'un risque (pour la santé, NDLR) lié à l'apport de sulfites ne peut donc pas être exclue pour certains groupes de consommateurs (forts consommateurs de vin) », conclut l'Anses.
Les aliments sont-ils la seule source d'exposition aux sulfites ?
Non. Les sulfites entrent aussi dans la composition de certains médicaments et d'emballages alimentaires tels que la cellophane. Beaucoup d'industries, comme la fabrication de papier, le traitement de l'eau, la teinturerie, la blanchisserie textile, la tannerie, etc. y ont recours.
Ces composés chimiques provenant du soufre sont aussi naturellement présents dans des aliments et dans l'organisme.
Quelle réglementation limite les risques ?
En Europe, afin d'alerter les personnes sensibles, il est obligatoire de déclarer la présence de sulfites dans un aliment ou une boisson dès lors que leur teneur dépasse 10 mg/kg ou 10 mg/l. Ils sont mentionnés sur les étiquettes par les numéros E220 à E228.
Depuis le 25 novembre 2011, l'étiquette des vins français doit mentionner « Contient des sulfites » quand la concentration est supérieure à 10 mg/l. C'est le cas de la quasi-totalité des vins. En effet, les teneurs maximales de SO2 total autorisées en Europe sont de 150 mg/l dans les vins rouges et de 200 mg/l dans les blancs et rosés s'il reste moins de 5 g/l de sucres. S'il y a plus de 5 mg/l de sucres, elles sont de 200 mg/l de SO2 total pour les rouges et de 250 mg/l pour les blancs et rosés. La limite est de 185 mg/l pour les vins mousseux de qualité et de 235 mg/l pour les autres vins mousseux. Des vins spéciaux, riches en sucres, peuvent contenir légalement jusqu'à 350 voire 400 mg/l de SO2.
En pratique, les teneurs en sulfites sont en général inférieures. Les vins analysés dans le cadre de l'EAT2 de l'Anses en contenaient en moyenne 92 mg/l, toutes couleurs confondues. À titre d'exemple, le suivi aval de la qualité d'Inter-Loire a aussi mesuré ces concentrations dans 900 vins de Loire en 2010. Les rouges renfermaient en moyenne 28 mg/l de SO2 total, les blancs 95 mg/l, les rosés secs 81 mg/l et les effervescents 101 mg/l. « Les rouges ont des teneurs très faibles en SO2 total, commente Élodie Besseas, responsable de l'observatoire qualité chez Inter-Loire. Et globalement, on est souvent bien en dessous des limites maximales légales. Néanmoins, il est préférable de ne pas trop abaisser ces plafonds pour avoir une marge de manœuvre les années difficiles. »
Que faire en cas d'intolérance aux sulfites ?
Les médecins conseillent aux personnes hypersensibles, surtout aux personnes asthmatiques ou allergiques à l'aspirine, de limiter voire d'éliminer les aliments et boissons riches en sulfites de leur régime alimentaire.
Une affection qui touche peu de personnes, mais à ne pas négliger
Répartition des apports en sulfites dans l'alimentation des adultes français Source : Étude de l'alimentation totale française n°2, Juin 2011-Anses
<p>Les sulfites peuvent provoquer des irritations, le plus souvent passagères. Il faut prévenir les consommateurs de leur présence par l'étiquetage.</p> <p>Le vin n'échappe pas à la règle, d'autant qu'il est la principale source alimentaire de sulfites.</p>