Retour

imprimer l'article Imprimer

VIN

Effervescents : flûte ou coupe ?

Gérard Liger-Belair - La vigne - n°248 - décembre 2012 - page 50

Ni l'un, ni l'autre. En observant le rôle du CO2 et des bulles dans la perception des arômes du champagne, des chercheurs viennent d'apporter la preuve que pour déguster un effervescent, rien ne vaut un verre pour vin tranquille.
Flûte. Sur ces clichés pris en lumière infrarouge, le gaz carbonique apparaît bien concentré au-dessus de la flûte. Comme les arômes du vin se mêlent à ces vapeurs de CO2, ils sont eux aussi bien concentrés dans l'air qu'inhale le dégustateur au-dessus du verre.

Flûte. Sur ces clichés pris en lumière infrarouge, le gaz carbonique apparaît bien concentré au-dessus de la flûte. Comme les arômes du vin se mêlent à ces vapeurs de CO2, ils sont eux aussi bien concentrés dans l'air qu'inhale le dégustateur au-dessus du verre.

Coupe. Le gaz carbonique est plus dilué dans les vapeurs qui s'échappent au-dessus de la coupe comme le montrent la couleur claire et la finesse des volutes. Un effervescent dégusté dans une coupe apparaît souvent moins aromatique que dans une flûte.

Coupe. Le gaz carbonique est plus dilué dans les vapeurs qui s'échappent au-dessus de la coupe comme le montrent la couleur claire et la finesse des volutes. Un effervescent dégusté dans une coupe apparaît souvent moins aromatique que dans une flûte.

Caméra infrarouge. Les chercheurs de l'université de Reims (Marne) ont utilisé ce type de caméra pour observer les vapeurs de gaz carbonique qui s'échappent du verre au moment de servir un vin effervescent. Le CO2 absorbe la lumière infrarouge et devient visible sous forme de volutes colorées. PHOTOS G. Liger-Belair/Université de Reims

Caméra infrarouge. Les chercheurs de l'université de Reims (Marne) ont utilisé ce type de caméra pour observer les vapeurs de gaz carbonique qui s'échappent du verre au moment de servir un vin effervescent. Le CO2 absorbe la lumière infrarouge et devient visible sous forme de volutes colorées. PHOTOS G. Liger-Belair/Université de Reims

Qui de la flûte ou de la coupe constitue le verre idéal pour déguster le champagne et les vins effervescents ? « Ni l'un, ni l'autre », répondent des chercheurs de l'université de Reims (Marne) qui ont étudié l'impact de la forme du verre sur la perception du gaz carbonique et des arômes dans le champagne à l'aide d'outils scientifiques perfectionnés.

Un des premiers facteurs à prendre en compte dans la dégustation est le gaz carbonique dissous, responsable de la formation des bulles dans le champagne. Plus il est présent dans le verre, plus l'effervescence est généreuse. Aussi, afin de préserver au mieux cette effervescence, un verre doit conserver le plus longtemps possible son gaz carbonique dissous une fois le champagne servi.

En utilisant une balance ultrasensible (au dixième de milligramme près), il est possible de mesurer la perte progressive de ce gaz dissous, après avoir versé le champagne dans une flûte ou dans une coupe. Comme on pouvait s'y attendre, la flûte permet de conserver le CO2 dissous, donc l'effervescence, plus longtemps que la coupe. Logique, puisque la surface de contact avec l'air – par laquelle s'échappe le gaz – est plus faible dans la flûte que dans la coupe.

La lumière infrarouge permet de voir l'invisible

Du point de vue du dégustateur, les vapeurs de gaz carbonique qui s'échappent du verre ont aussi leur importance : en inhalant l'espace au-dessus du verre, le dégustateur perçoit ces vapeurs avec lesquelles se mélangent les arômes du vin.

En filmant une dégustation de champagne à l'aide d'une caméra infrarouge, le gaz carbonique devient visible, car la molécule de CO2 absorbe la lumière infrarouge. Le gaz apparaît alors sous forme de volutes colorées, d'autant plus sombres et teintées de bleu que le CO2 est concentré. Les images obtenues (voir illustrations) montrent très clairement que le CO2 est beaucoup moins concentré au-dessus de la coupe que de la flûte.

Encore une fois, ce résultat est tout simplement dû à la large ouverture de la coupe. Le CO2 se dilue davantage dans l'air ambiant puisqu'il s'échappe d'une surface bien plus importante que celle de la flûte. Il en va de même avec les composés aromatiques volatils qui s'évaporent. Eux aussi sont plus dilués au-dessus de la coupe que de la flûte. L'impact pour le dégustateur ? Un champagne dégusté en coupe lui paraîtra le plus souvent très peu aromatique au nez.

Les flûtes étroites sont agressives pour le nez

Le bon verre est finalement celui qui réalise un compromis entre une longue conservation du CO2 dissous, donc une bonne longévité de l'effervescence, et la diffusion des arômes à un rythme assez modéré pour que le nez du dégustateur les perçoive. La coupe perd donc sur tous les tableaux. Elle empêche à la fois le champagne de retenir correctement son CO2 dissous et elle dilue les arômes qui s'échappent à la surface avec les vapeurs de CO2.

La flûte, quant à elle, retient bien mieux le gaz carbonique dissous que la coupe. Cependant, si elle est trop étroite, elle risque de concentrer le gaz et les arômes mélangés aux vapeurs de façon excessive. Il est ainsi bien connu des amateurs de champagne et de vins effervescents qu'un excès de vapeurs de CO2 peut irriter le nez, provoquant une sensation de piqûre très désagréable qui peut mettre plusieurs secondes à disparaître. On observe aussi que les « premiers nez » de champagne servis dans une flûte étroite sont systématiquement très agressifs pour les muqueuses nasales.

Le bon compromis se situe donc probablement dans une forme intermédiaire entre la coupe et la flûte. D'ailleurs, il n'est pas rare aujourd'hui de voir les sommeliers servir le champagne dans des verres identiques à ceux utilisés pour les vins tranquilles !

Un aérosol chargé d'arômes

Au cours d'une dégustation de champagne qui ne dure que quelques minutes, des dizaines de milliers de bulles éclatent en surface, libérant le gaz carbonique et les molécules aromatiques volatiles dont elles se sont chargées pendant leur ascension dans le verre.

Mais leur action ne s'arrête pas là… En éclatant, chaque petite bulle projette un mince fi let de champagne susceptible de catapulter de minuscules gouttelettes plusieurs centimètres au-dessus de la surface du vin. Grâce à la macrophotographie dite « haute vitesse » (qui consiste à photographier jusqu'à 5 000 images par seconde), des chercheurs de l'université de Reims (Marne) et de l'université Pierre et Marie Curie de Paris ont réussi à figer ce phénomène : sur la photo ci-contre, on voit bien le mince fi let éjecté par la bulle quand elle explose à la surface du liquide.

Au final, les milliers de gouttelettes projetées chaque seconde sont semblables à un aérosol de champagne qui picote et rafraîchit agréablement le visage. De plus, ces myriades de gouttelettes qui jaillissent à haute vitesse au-dessus de la surface du verre s'évaporent en partie et permettent ainsi une libération encore bien plus efficace des arômes du vin.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :