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L'assurance récolte prouve son utilité dans les années difficiels

Aude Lutun - La vigne - n°248 - décembre 2012 - page 74

C'est le moment de se décider pour souscrire une assurance récolte. La date butoir est fixée au 31 décembre dans certaines régions et à fin février dans d'autres. L'Union européenne prend 65 % du coût à sa charge.
Cette année, le gel de printemps a causé de lourdes pertes. Ce fléau climatique peut être couvert par l'assurance récolte. © P. ROY

Cette année, le gel de printemps a causé de lourdes pertes. Ce fléau climatique peut être couvert par l'assurance récolte. © P. ROY

« Est-ce utile pour moi de souscrire une assurance récolte ? » C'était le thème de deux journées de formation organisées par la chambre d'agriculture de Charente-Maritime. Le climat de l'année 2012 et la chute des rendements qu'il a provoquée ont remis sur le devant de la scène la question de l'assurance récolte.

« Dans notre région, la première chose à faire est de se constituer une réserve climatique, souligne Jean Aimon, chargé d'études économiques à la chambre d'agriculture de Charente-Maritime. Cette réserve est encore assez récente et tous les vignerons n'avaient pas mesuré son intérêt. Avec 5 hl/ha d'alcool pur (AP), elle représente la moitié d'une récolte. »

Deux niveaux de franchise

Malgré ce système de mise en réserve, il reste intéressant d'assurer sa récolte. « Le choix de s'assurer repose sur plusieurs paramètres, estime Jean Aimon. Il faut prendre en compte l'importance des risques en regardant leur fréquence et leur intensité sur une décennie. Certaines zones sont plus sensibles que d'autres au gel de printemps. De même, certains secteurs souffrent plus de la grêle. Ce travail d'inventaire permet de mettre des bornes aux différents problèmes climatiques. »

Une fois cet état des lieux établi, il reste à décider du niveau du seuil d'intervention. Deux seuils sont souvent proposés : 10 et 25 %. Dans le premier cas, l'assurance coûte plus cher que dans le second, mais l'assuré se voit remboursé dès qu'il perd plus de 10 % de sa récolte.

« Il faut regarder le coût réel de l'assurance, poursuit Jean Aimon. L'Union européenne assume 65 % du coût et cet investissement est une charge qui fait baisser les cotisations sociales et les impôts. Le coût réel n'est pas très élevé par rapport aux risques encourus en cas de grosses pertes de récolte. C'est à chacun de voir selon la santé financière de son exploitation et de son caractère face au risque. »

Contrat de groupe dans les côtes du Rhône

Pour rendre l'assurance récolte plus accessible, le Syndicat général des côtes du Rhône a signé en 2012 un contrat de groupe avec Groupama Méditerranée pour les viticulteurs de la Drôme et du Vaucluse. Cet accord permet une réduction du coût de l'assurance d'au moins 30 % par rapport à un contrat signé individuellement. L'objectif est que le taux d'assurés passe de 10 à 50 % dans ces deux départements, comme c'est déjà le cas dans le Gard et en Ardèche. Cet accord repose sur deux types de contrats. Le premier couvre neuf risques climatiques : gel, grêle, coup de soleil, excès d'eau, excès de température, inondation, pluie violente, sécheresse et tempête. La franchise est de 25 %. Pour 37 €/ha (subventions européennes déduites), le viticulteur peut garantir un capital de 4 000 €/ha. Il peut aussi choisir d'assurer un capital plus important, mais alors la prime augmente.

L'autre contrat prend seulement en compte les pertes de récolte par le gel et la grêle. Et la franchise est plus petite (10 %).

Un viticulteur cultivant 15 ha et voulant assurer une récolte de 48 hl/ha de côtes-du-rhône au prix de 155 €/hl, soit un capital de 7 440 €/ha, paie 1 021 euros par an avec le premier contrat (neuf risques et 25 % de franchise) et 2 660 euros par an avec le second contrat (deux risques et 10 % de franchise).

Pour les deux contrats, le capital maximal assurable est de 7 500 €/ha, avec une exception pour trois crus rhodaniens : 11 300 €/ha pour Crozes-Hermitage, 14 000 €/ha pour Gigondas et 21 000 €/ha pour Hermitage. Lorsque la superficie assurée par ces contrats collectifs dépassera 7 000 ha, le coût de l'assurance sera minoré de 10 %. Pour 10 000 ha assurés, une remise de 15 % sera appliquée, jusqu'à un plafond de 25 % pour 16 000 ha couverts. « Avant, les viticulteurs avaient la capacité financière d'assumer une petite récolte, commente Marc Acanfora, responsable du marché agricole chez Groupama Méditerranée. Ce n'est plus le cas. Assurer sa récolte n'est pas encore entré dans la culture de tous les vignerons. Mais cette démarche fait son chemin, surtout après une année comme celle que nous venons de vivre. Garantir 100 % de son chiffre d'affaires avec un taux net de 2,4 %, je ne pense pas que cela soit un mauvais acte de gestion… »

Les Champenois récupèrent leur investissement

Cette année, avec le gel et la coulure, l'assurance récolte a été utile en Champagne.

Groupama Nord-Est a versé 828 000 euros d'indemnités aux viticulteurs de cette région alors que l'assureur a perçu 827 000 euros de cotisations. L'assurance récolte est venue compléter la réserve individuelle (volume de vin récolté au-delà du rendement les bonnes années et mis de côté pour compenser une mauvaise récolte). Avec Groupama Nord-Est, ce volume débloqué n'entre pas en compte dans le calcul de l'indemnisation des assurés (voir témoignage ci-contre). L'assurance indemnise ses clients par rapport au rendement réel de leurs vignes et non par rapport à leur déclaration de récolte qui intègre la récolte de l'année et le volume de réserve débloqué. « En Champagne, ces dernières années, nous avons vu que la réserve individuelle pouvait être consommée partiellement ou totalement après des petites récoltes, rappelle-t-on chez Groupama Nord-Est. Les phénomènes climatiques exceptionnels deviennent plus récurrents. L'assurance récolte est donc un outil efficace pour garantir les coups durs. »

Le Point de vue de

Philippe Heissel, viticulteur à Bagneux-la-Fosse (Aube)

« Je me suis couvert pour les coups durs »

« J'ai souscrit l'assurance récolte climat dès sa création, en 2006. Auparavant, j'étais déjà assuré pour les dégâts de grêle. Ce qui m'intéresse dans l'assurance récolte, c'est la prise en compte du gel. En 1991, mes parcelles ont gelé et je n'ai récolté que 3 000 kg/ha. À l'époque, il n'y avait pas d'assurance gel. Aujourd'hui, le contrat est à la carte. Personnellement, je choisis d'assurer une récolte de 11 000 kg/ha, avec un prix du raisin de 5 €/kg et une franchise de 25 %. J'ai opté pour une franchise élevée car je souhaite surtout me couvrir en cas de coup dur. Et je préfère garantir mon chiffre d'affaires plutôt que mes coûts de production, c'est pourquoi j'ai mis le prix du raisin à 5 €/kg. Cette année, j'ai récolté 7 800 kg/ha. Avec ma franchise de 25 % pour un rendement autorisé de 11 000 kg/ha, Groupama m'assurait une récolte de 8 250 kg/ha. L'assurance récolte a donc fonctionné pour 450 kg/ha. L'expert est venu voir mes vignes avant la vendange et a constaté qu'en plus du gel, il y avait eu de la coulure, du millerandage et de l'échaudage. Dans la mesure où les vignes étaient saines, il a conclu que la perte de récolte était bien due à des incidents climatiques. Je ne sais pas ce qui se serait passé si j'avais eu du mildiou ou de l'oïdium. L'assurance récolte ne tient pas compte de la réserve individuelle. Grâce à cette dernière, j'ai pu parvenir à un rendement de 11 000 kg/ha et, en plus, je bénéficie d'une indemnité de 450 kg/ha par Groupama. »

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