Retour

imprimer l'article Imprimer

DOSSIER - Exportations : Le palmarès des régions - Les championnes

COGNAC Le luxe à la française s'apprécie avec éclat

Myriam Guillemaud - La vigne - n°249 - janvier 2013 - page 24

La crise ? Quelle crise ? Le marché du cognac se porte plus que bien. Grâce aux États-Unis, à la Russie et surtout à la Chine, où la croissance est à deux chiffres.
CHIFFRES CLÉS AOC COGNAC

CHIFFRES CLÉS AOC COGNAC

À Cognac, en Charente, tout se passe à l'exportation. Et le marché national ne compte guère. En 2011-2012, 97 % des eaux-de-vie charentaises ont été expédiées vers d'autres pays. Après avoir accusé le coup lors de la crise de 2009, les ventes sont reparties de plus belle. Et comme les qualités supérieures sont les plus demandées, notamment en Asie, la croissance des exportations en valeur dépasse celle en volume. Tant et si bien que toute la filière est euphorique et que la seule véritable inquiétude concerne le risque de manquer de cognac.

Cet énorme marché se partage entre quatre grandes maisons de négoce. Chacune fait partie d'une multinationale sur le réseau de laquelle elle s'appuie pour la commercialisation, la publicité et la présence sur le terrain : Hennessy chez LVMH, Martell chez Seagram, Rémy Martin chez Rémy Cointreau et Courvoisier chez Beam Inc.

L'Asie supplante peu à peu l'Europe

Le succès des cognacs est lié à l'image qu'ils véhiculent. Leur commercialisation s'appuie donc sur des campagnes publicitaires télévisées ou par voie de presse. Elles mettent en avant les nectars les plus fameux, les nouveaux produits ou les éditions limitées. Certaines maisons ont aussi leurs propres boutiques dans les pays les plus consommateurs.

Les marchés traditionnels du cognac, dans le nord de l'Europe et de l'Amérique, sont toujours présents. Mais ils sont peu à peu supplantés par ceux de l'Asie. En Extrême-Orient, la progression des ventes de cognac est à deux chiffres. La Chine, à elle seule, est passée de 11 à 25 millions de bouteilles au cours des cinq dernières années. À ces 25 millions de bouteilles, il faut ajouter 80 % de celles qui sont expédiées de Cognac vers Singapour pour être ensuite revendues en Chine, soit 22 millions de cols supplémentaires. Au total, le marché chinois pèse environ 800 millions d'euros…

Les autres pays d'Asie sont aussi d'excellents clients, notamment la Malaisie et le Vietnam qui progressent. Seule reste fermée l'Inde, dont les tarifs douaniers atteignent de tels sommets qu'il est impossible, même au cognac, de franchir le barrage.

La classe moyenne chinoise dope les ventes

« Le cognac a, en Chine, l'image du luxe à la française, indique Caroline Ricard, de la société Pernod Ricard, propriétaire de Martell. Sa consommation est très sociale : pour célébrer un événement ou un repas d'affaires. C'est une marque de statut et de respect des convives. » En Chine, seuls les plus riches pouvaient auparavant se permettre d'acheter du cognac. Avec l'émergence, depuis le début des années 2000, d'une vraie classe moyenne, les ventes de cognac ont été dopées. Cette classe moyenne représenterait aujourd'hui 20 % de la population et sa progression continue.

Martell est historiquement le premier négociant présent en Chine et aujourd'hui le premier en volume. Cette année, il a franchi la barre du million de caisses, soit 12 millions de cols. Sa force de vente s'appuie sur celle de Pernod Ricard et de ses 800 employés. « Les Chinois aiment connaître l'histoire du produit, la façon dont il est élaboré et le rôle des viticulteurs, souligne Caroline Ricard. C'est la mission de nos ambassadeurs d'expliquer cela. »

L'autre marché en progression est la Russie. Comme en Asie, il s'est ralenti en 2008-2009 pour reprendre sa croissance l'année suivante. Là aussi, le cognac est considéré comme un signe de luxe français, avec parfois une préférence pour le clinquant du contenant sur la qualité du contenu. Mais le consommateur, chouchouté par les forces de vente, s'éduque. Et le marché évolue vers plus de sophistication.

Aux États-Unis, le cognac était traditionnellement consommé par la population blanche. Depuis une vingtaine d'années, il connaît un nouveau souffle grâce au rap. Pour se démarquer des Blancs, les rappeurs délaissent le bourbon pour les eaux-de-vie charentaises et entraînent avec eux la population afro-américaine. Des stars du hip-hop les ont même chantées, citant Hennessy, leader sur le marché nord-américain, dans leurs couplets. La meilleure publicité qui soit…

50 à 78 % de croissance annoncée

Enfin, de nouveaux consommateurs pointent leur nez dans les pays émergents. Les expéditions de cognac sont en hausse vers le Mexique, le Nigeria et l'Afrique du Sud.

Les perspectives restent tout aussi souriantes. L'interprofession prédit en effet une croissance de… 50 à 78 % des ventes pour les quinze prochaines années ! Si les marchés européens (Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas et pays scandinaves) marquent le pas, la progression des marchés plus lointains rattrape plus que largement ces légères baisses.

Le problème aujourd'hui est davantage de trouver des eaux-de-vie que des clients. Les eaux-de-vie vieilles sont les plus demandées, notamment en Asie, et les stocks n'y suffisent plus. Avec la confiance qui revient, les investissements ont repris : les viticulteurs renouvellent un vignoble qui avait été délaissé depuis la sévère crise des années 1990, tandis que les négociants font construire de nouveaux chais. Et afin de faire face à la progression annoncée des marchés, la question de l'accroissement du vignoble devient un sujet récurrent à Cognac.

Le Point de vue de

Éric Laborde, directeur général de Pernod Ricard pour l'Europe de l'Est

« Moins de "bling-bling", plus de traditionnel »

Julien Merlet (marketing manager), Pascal Nebout, le chef de la maison Martell, Olga Kassatkina (directrice de la communication Pernod Ricard Russie), Éric Laborde et Christophe Pienkowski (Brand Ambassadeur Martell), à Moscou.

Julien Merlet (marketing manager), Pascal Nebout, le chef de la maison Martell, Olga Kassatkina (directrice de la communication Pernod Ricard Russie), Éric Laborde et Christophe Pienkowski (Brand Ambassadeur Martell), à Moscou.

« Après la crise de 2008-2009, l'économie russe est repartie. Avec ce retour de la croissance, les Russes ont repris goût au cognac. La crise a forcé les gens à redéfinir leur perception de la valeur. Aujourd'hui, la consommation de produits de luxe est revenue à ce qu'elle était avant la crise. Mais il y a moins de demande pour des produits qui capitalisent sur le côté "bling-bling". On note une préférence grandissante pour un luxe plus traditionnel et plus sobre. Les Russes ont l'habitude de boire le cognac sec et chez eux.

Les ventes par le réseau de la grande distribution représentent 80 % du marché. Et si la consommation dans les cafés, hôtels et restaurants se développe, c'est surtout le fait des grandes villes comme Moscou ou Saint-Pétersbourg. Pour l'avenir, nous comptons développer en Russie l'ultraprestige, créneau sur lequel Martell a toute sa place. Nous avons pour ambition de faire de Martell l'un des cognacs les plus prisés du très profitable marché russe. La marque est déjà considérée comme celle d'un cognac classique, une réputation nourrie par l'image du luxe français et un fort soutien publicitaire et commercial. Pour renforcer encore cette image, Martell organise auprès de ses clients de Russie des dégustations au cours desquelles sont associés différents cognacs et des mets préparés par des chefs français. Il y a chez les consommateurs russes une soif de connaissance et une envie d'évoluer. »

Cet article fait partie du dossier Exportations : Le palmarès des régions - Les championnes

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :