DANS SA NOUVELLE ŒNOTHÈQUE, la famille Stentz (Céline et Stéphane, les enfants, et Simone et Jean-Jacques, leurs parents) a rassemblé ses vieux millésimes encore disponibles par dizaines de cols. « Les vins d'Alsace ont une réputation de garde de cinq ans. Nous sommes persuadés que leur potentiel est bien supérieur », disent-ils.
« Nous avons achevé l'œnothèque en été 2012. Nous l'avons meublée d'une grande table en bois, de fauteuils et d'un canapé pour qu'on s'y sente à l'aise. Le prochain objectif est d'aménager un nouveau caveau de vente, point de départ d'un circuit de visite complet de la cave », expose Stéphane Stentz, viticulteur au domaine Stentz-Buecher, à Wettolsheim, près de Colmar (Haut-Rhin).
Après l'obtention d'un BTA viti-œno, le jeune homme passe sept mois en Australie. En 1995, à son retour sur l'exploitation de ses parents, Simone et Jean-Jacques, le néovigneron a en tête de se doter d'un outil de travail rationnel à l'image irréprochable. Son père lui confie alors la vinification de trois cuves de riesling et une de pinot noir. Jean-Jacques est vite convaincu par les résultats obtenus par son fils. En 1996, Stéphane s'associe avec ses parents en Gaec sur leur domaine de 6 ha. Désormais, il sera seul à décider en cave.
Au vignoble, il prend aussi les choses en mains. Les vignes sont conduites en guyot double. Stéphane les taille plus court pour ne conserver que six yeux par baguette. Le rendement tombe de 70-75 hl/ha à environ 50 hl/ha. Le viticulteur mise plus sur la valorisation que sur les volumes. Dans la foulée, il arrête les herbicides, bannit les produits de synthèse et se limite au soufre et au cuivre. Cependant, il ne revendique sa reconversion au bio qu'en 2007. « Nous avons fini par demander la certification pour pouvoir faire passer le message via l'étiquette. C'est le seul moyen d'informer les acheteurs étrangers de notre démarche bio », se justifie-t-il.
Un tri sévère à la vigne
En 1998, le viticulteur cesse de levurer et de coller ses vins à la bentonite. « Il ne me reste plus que le SO2. Je sulfite les moûts à dose réduite. C'est pourquoi il est essentiel de rentrer une matière première très saine. Nous l'obtenons en pratiquant un tri sévère à la vigne. Pendant les vendanges, nous chargeons deux personnes de surveiller tous les seaux. Nous remplissons peu les bennes afin de ne pas écraser les raisins. Quand la récolte 2006 a commencé à pourrir sur pied, nous nous sommes contentés de 32 hl/ha à force de trier. Mais c'est un millésime que nous avons vendu facilement alors que beaucoup d'autres vins de l'époque présentaient des faux goûts. »
En 2003, le Gaec a réalisé son dernier gros investissement en agrandissant de 300 m le chai existant pour y réorganiser le stockage des bouteilles et loger une nouvelle réception. « Cela nous a coûté 660 000 euros, mais je ne le regrette pas. Aujourd'hui, la facture serait autrement plus élevée », souffle Stéphane. Le pressoir de 50 hl est désormais situé au-dessus des cuves de débourbage pour que les jus s'écoulent par simple gravité.
L'Alsacien sépare les terroirs pour élaborer des vins qu'il classe dans les gammes Assemblage de terroirs, Lieux dits ou Grands crus. « J'ai de petits rendements, expliquet-il. Je ne levure pas. Je veux que les sucres soient consommés. Mes cuves fermentent facilement six mois. Je veux élaborer des vins concentrés et secs. Les vins d'Alsace sont des vins gastronomiques. Pour pouvoir les servir aux repas, ils ne doivent pas être ronds. »
Stéphane obtient ainsi des vins de garde. Le riesling 1995 a par exemple conservé toute sa superbe. « Il peut encore vieillir vingt ans ! Les vieux millésimes doivent être au cœur de notre offre. La demande existe », lance le viticulteur. Son œnothèque toute neuve lui permet de les mettre en valeur. Il y expose ses vins âgés d'au moins huit ans, vendus à un tarif spécial.
En 2012, Simone et Jean-Jacques ont pris leur retraite, mais ils continuent de travailler dans les vignes et au caveau. Une EARL a succédé au Gaec. Céline, la sœur de Stéphane, a pris des parts. En attendant de le rejoindre définitivement, elle donne un coup de main à la vente. Depuis, le domaine multiplie les initiatives commerciales. Il a proposé à ses clients de parrainer des pieds de vigne. Une opération qui a rencontré un beau succès. « Nous avons reçu une trentaine d'engagements à partir du millésime 2013. C'est une très bonne surprise », glisse Céline. Désormais deux agents représentent le domaine auprès des cavistes et de la restauration. Stéphane et Céline vont adhérer à la charte d'accueil des Vignerons indépendants. Le viticulteur prend aussi des contacts pour que son œnothèque intègre l'offre œnotouristique locale et il participe à trois salons professionnels et à trois autres s'adressant aux particuliers en France, en Suisse et en Belgique. Il a trouvé un partenaire en Chine et espère les premières retombées cette année. « À terme, il faudra que nous réalisions 60 % de nos ventes à l'export », martèle-t-il.
Et si c'était à refaire ? « Nous devons nous bouger commercialement »
« Je ne changerais rien. J'ai programmé le développement de l'exploitation par étapes dès mon installation. Je les ai mises en œuvre en fonction des possibilités financières.
Je suis partisan d'effectuer chaque chose en son temps.
À présent, nous devons nous bouger commercialement pour réagir à la baisse des ventes en caveau et par expédition.
L'arrivée de ma sœur Céline va y contribuer. Elle doit amplifier l'intensification des efforts commerciaux qui a démarré progressivement il y a deux ans. Notre priorité est désormais de toucher les consommateurs qui veulent approfondir leur relation avec le viticulteur et connaître le terroir dont un vin est issu.
Nous visons les circuits spécialisés en France et à l'étranger. Mais développer l'export est un travail aussi colossal que de suivre ses vignes. »