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VIGNE

Résistances aux fongicides : soyez vigilants

Ingrid Proust - La vigne - n°250 - février 2013 - page 28

Avec la forte pression mildiou et oïdium enregistrée en 2012, la situation ne s'est pas améliorée sur le front des résistances aux fongicides. Les recommandations des notes nationales 2013 pourraient évoluer en conséquence.
EN 2012, LA NOTE NATIONALE recommandait de ne pas dépasser une à deux applications de QoI. Tout porte à croire que les préconisations pour 2013 seront encore plus restrictives. © P. ROY

EN 2012, LA NOTE NATIONALE recommandait de ne pas dépasser une à deux applications de QoI. Tout porte à croire que les préconisations pour 2013 seront encore plus restrictives. © P. ROY

OÏDIUM : Les QoI perdent du mordant

Fabricants et utilisateurs d'azoxystrobine, de krésoxim-méthyl, de pyraclostrobine et de trifloxystrobine ont du souci à se faire. La résistance de l'oïdium à ces matières actives de la famille des QoI ne cesse de progresser depuis 2008. En 2012, elle a de nouveau gagné du terrain. Elle concerne désormais la quasi-totalité des régions suivies par le plan de surveillance national du ministère de l'Agriculture.

« Nous avons trouvé la mutation responsable de la résistance aux QoI dans environ 70 % des échantillons de feuilles oïdiées prélevées l'année dernière en France, souligne Marie-France Corio-Costet, directrice de recherches à l'Inra de Bordeaux (Gironde). En 2008, cette fréquence n'était que de 1,2 %. » Les régions Midi-Pyrénées, Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Bourgogne sont les plus touchées.

La résistance aux QoI est donc installée. Cependant, elle n'est pas la seule cause des difficultés rencontrées pour lutter contre l'oïdium. « Les échecs peuvent aussi s'expliquer par un mauvais positionnement des traitements, par des doses inadaptées et une qualité de pulvérisation insuffisante, énumère Marie-France Corio-Costet. Les QoI sont souvent associés à d'autres matières actives. Celles-ci permettent de contrôler la maladie. Mais elles n'empêchent pas la sélection de souches résistantes. »

En 2012, la note nationale recommandait de ne pas dépasser une à deux applications par an de produits à base de QoI et d'éviter deux applications consécutives. Fin janvier, les services officiels n'avaient pas encore fait connaître leurs recommandations pour 2013. Tout porte à croire que les restrictions d'usage seront maintenues, sinon renforcées.

Du côté des IDM (ex-IBS, cyproconazole, difénoconazole, fenbuconazole, myclobutanil, penconazole, tébuconazole, tétraconazole et triadiménol), un indicateur nous rappelle à la prudence. En 2011, une mutation génétique participant au mécanisme de résistance à ces matières actives a été détectée dans 90 % des parcelles sous surveillance. « Sa fréquence reste néanmoins inférieure à 50 % dans la majorité des populations analysées », indique le bilan présenté en décembre dernier lors de la dixième conférence internationale sur les maladies de plantes de l'AFPP, l'Association française de protection des plantes. En clair, les souches d'oïdium présentant la mutation se rencontrent presque partout, mais ne sont pas encore majoritaires. En 2012, « la situation semble avoir peu évolué », signale Marie-France Corio-Costet. La détection de cette mutation n'est qu'un indicateur. En effet, la résistance aux IDM requiert l'intervention de plusieurs mutations, voire de plusieurs gènes. Pour l'instant, il n'y a donc pas d'impact significatif sur l'efficacité des traitements. Mais les restrictions d'usage seront probablement maintenues.

MILDIOU : Prudence accrue envers les CAA

En dépit de la forte pression mildiou en 2012, la résistance aux CAA (diméthomorphe, iprovalicarbe, benthiavalicarbe, mandipropamid et valifénalate) semble « relativement stable, observe Jacques Grosman, expert national vigne au ministère de l'Agriculture. Elle ne progresse qu'en Rhône-Alpes et en Bourgogne. Mais cette résistance reste à des niveaux élevés ». Un héritage du passé. En 2010 et 2011, la résistance n'a pas régressé alors que le recours aux CAA a fortement diminué durant ces deux années de faible pression de mildiou. Les raisons de cette situation ? Les utilisations répétées de CAA de 2007 à 2009, années de forte pression de mildiou, sur des attaques déclarées ont sélectionné des souches résistantes apparemment bien ancrées.

En 2012, des CAA ont été utilisés en curatif alors que la note nationale le déconseillait vivement. « Les vignerons n'avaient pas le choix, reconnaît Jacques Grosman. Une vigilance forte sera donc nécessaire en 2013 vis-à-vis de cette famille de produits qu'il faut utiliser à bon escient. » Des expérimentations au vignoble ont montré une baisse d'efficacité des CAA en situation de résistance. « Mais d'autres essais doivent encore être menés pour le confirmer », poursuit l'expert.

Les experts suivent aussi la situation des Qil (cyazofamide et ametoctradine). En 2011, ils avaient détecté des souches résistantes sur des parcelles n'ayant reçu aucune application de ces produits. En 2012, « la situation n'a pas évolué, mais il ne faut pas relâcher le suivi, indique Jacques Grosman. Les vignerons doivent continuer à bien les utiliser en préventif. »

BOTRYTIS : Pas d'inquiétudes

« On constate une diminution du nombre de parcelles concernées par les résistances. Mais cela reste à confirmer », déclare Jacques Grosman. Entre 2008 et 2011, la fréquence de souches résistantes a diminué ou s'est stabilisée, selon les vignobles. C'est notamment le cas en Champagne, où ont également été détectées des souches multirésistantes, à-dire résistantes à plusieurs molécules aux modes d'action différents. « Mais elles n'ont pas d'impact sur l'efficacité des traitements », note Marie-Laure Panon, du CIVC, le Comité interprofessionnel de vin de Champagne.

« La prophylaxie a fait ses preuves et l'offre en familles de produits est suffisante, commente Jacques Grosman. Il n'y a pas eu de perte d'efficacité. Les mesures d'alternance et de limitation des applications ont eu un effet positif. »

Vers une note nationale 2013 plus restrictive

« En 2013, on ne peut aller que dans le sens de fortes recommandations au sujet des QoI antioïdium, confie Jacques Grosman, expert national vigne au ministère de l'Agriculture. La résistance progresse et une vigilance importante est nécessaire. » De nouvelles restrictions de l'usage des QoI contre l'oïdium sont donc à prévoir. Les services officiels pourraient aussi recommander leur utilisation en association avec du boscalid ou du tébuconazole.

Pour les antimildious à base de CAA, ils pourraient demander de s'en tenir à une application maximum par an, en préventif. Les experts de la Protection des végétaux, de l'Inra, de l'Anses, du CIVC et de l'IFV devraient se réunir prochainement pour rédiger la note nationale vigne 2013, dans laquelle figureront leurs recommandations et dont la parution est attendue courant février ou mars.

QoI + boscalid : une piste intéressante contre l'oïdium

C'est dans le Gers, en 2008, qu'ont été détectées pour la première fois des souches d'oïdium résistantes aux QoI. Le groupement de coopératives Vivadour a donc testé en 2011 l'intérêt d'associer un QoI avec un fongicide non concerné par la résistance : le boscalid, pour limiter la perte d'efficacité des QoI.

Dans les essais de Vivadour, l'intégration de deux traitements aux QoI dans un programme antioïdium a fait baisser son efficacité de 40 à 53 % par rapport au témoin sans matière active de cette famille. « La perte d'efficacité reste très élevée, même avec un seul traitement à base de QoI », explique Philippe Mauranx, de Vivadour. Le fait d'ajouter du boscalid au QoI remédie au problème. Cette fois, lorsqu'on introduit deux traitements de ce mélange dans un programme, l'efficacité de celui-ci ne baisse plus que de 5 à 8 % par rapport au témoin sans QoI.

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