L'ambiance est électrique et pourtant très paisible en ce 18 janvier 2013 dans le vignoble champenois, près d'Œuilly (Marne). Le premier enjambeur électrique T4E de Kremer énergie nous attend en bout de rang, sous la neige, prêt à broyer des sarments.
À bord, le T4E jouit d'une finition plutôt haut de gamme. La cabine, galbée, est spacieuse et offre une visibilité optimale. Le siège pneumatique chauffant, la colonne de direction inclinable, le volant réglable en hauteur ou les rétroviseurs électriques sont autant de gages d'un excellent confort de conduite.
Une fois le contact enclenché, l'engin émet un léger ronronnement mais ne vibre pas. On a peine à croire qu'on a démarré. Le compteur affiche 38 heures sur l'écran principal. Au dessus se trouve le DPAE Genius Viti, monté de série pour la pulvérisation. En dessous, un troisième écran, tactile, indique les niveaux de charge et de tension du bac de batteries. Ce dernier, suspendu dans le rang central, comprend vingt-six batteries au lithium-ion et pèse 900 kg.
Sécurité au démarrage
Après avoir ôté le frein de parking, on sélectionne la première des trois gammes de vitesse (de 0 à 5, 0 à 10 ou 0 à 20 km/h) à l'aide d'un bouton sur le module de commandes devant l'accoudoir.
Puis on pousse le joystick. Le tracteur ne bouge pas ! Nouvel essai. Cette fois-ci, il avance. C'est par sécurité que l'engin ne se met en marche qu'à la seconde tentative. Nous voilà rassurés ! Puis étonné ! Car même en brusquant un peu le manche, le tracteur ne réagit que doucement. « Le T4E est régulé pour éviter les à-coups, consommateurs d'énergie », explique Vincent Denisart, directeur commercial de Kremer. En entrant dans le rang, la mise en route du broyeur vient troubler un peu le silence ambiant. Nous sommes dans une vigne plantée à un mètre, en légère pente et le sol est assez humide. Le tableau de bord affiche 1,2 km/h : la vitesse réelle calculée par le GPS embarqué. En cas de perte de signal, celle calculée par les capteurs de roues prend le relais.
Avec un rayon de braquage de 4 mètres, l'enjambeur manœuvre à l'aise dans les tournières. La direction, bien qu'assistée par l'hydraulique, manque à notre goût d'un peu de souplesse. La première gamme de vitesse de travail, de 0 à 5 km/h, nous semble aussi un peu courte, ne serait-ce que pour tourner un peu plus vite dans une allée quand c'est possible. C'est d'autant plus gênant qu'il faut lâcher le joystick pour passer la gamme supérieure. Est-il bien utile de disposer de deux échelles de vitesses de travail, l'une de 0 à 5 km/h et l'autre de 0 à 10 km/h ? En montée, l'enjambeur, équipé de quatre moteurs développant l'équivalent de 110 ch, ne montre aucun signe de faiblesse. Le broyeur Boisselet travaille efficacement.
Dans les descentes, le freinage électrique des moteurs permet de conserver une vitesse régulière. Mieux, « ils se transforment en génératrice, ajoute Vincent Denisart. Lors du freinage, 20 % d'énergie sont récupérés pour recharger les batteries ». On réduit quand même le régime du broyeur à la sortie du rang pour les ménager.
Sur la route, on enclenche la troisième gamme de vitesse de 0 à 20 km/h. Les deux gyrophares à Led se mettent automatiquement en marche. Bridé à 20 km/h, le T4E n'a pas l'ambition de dépasser le TGV, mais de préserver l'autonomie de ses batteries. Car, Kremer ne s'en cache pas, l'enjambeur est très énergivore sur la route.
Selon le constructeur, l'autonomie de l'enjambeur varie de huit à seize heures selon les outils et les conditions d'utilisation. Concrètement, le T4E n'est pas prévu pour travailler en continu pendant dix heures avec un broyeur ou un pulvé. Ni pour transporter de la vendange plus d'une demi-journée sur de longues distances. À moins d'investir 60 000 euros dans un second bac de batteries pour remplacer le premier lorsqu'il est déchargé.
Multiplier les recharges
Kremer recommande de recharger les batteries le midi. D'autant que « plus on les recharge souvent, plus on augmente leur durée de vie », précise Vincent Denisart. La recharge permet aussi d'éviter d'atteindre un niveau d'énergie trop bas, peu recommandé pour les batteries, ou, beaucoup plus embêtant, de tomber en panne !
Cette précaution prise, le chauffeur qui utilise le T4E depuis ses débuts assure travailler huit heures par jour dans des vignes en pente, distantes de 4 km du siège de l'exploitation. Mais cet enjambeur, qui pèse quatre tonnes nu, en fera-t-il autant cet été avec ses moteurs refroidis à l'air ambiant et lesté d'un pulvé avec une cuve de 900 ou 1 200 litres ? C'est à espérer. Car l'appareil a de quoi séduire.
Certes, le prix d'un T4E est élevé, à partir de 162 000 euros. Mais par la suite, cinq euros suffisent pour une recharge complète des batteries, qui prend huit heures. À ce tarif et selon Kremer, on réalise 80 % d'économie par rapport à un enjambeur roulant au GNR en conditions identiques. Et cela sans polluer l'atmosphère.
Les outils du T4E : objectif tout électrique
Le broyeur monté sur le T4E est le modèle hybride Rotabo de Boisselet. Il est entraîné par un moteur électrique branché sur la prise de 40 ch. Pour l'instant, le pick-up est animé par un moteur hydraulique. Mais il fonctionnera bientôt lui aussi avec un moteur électrique.
Le T4E recevra le pulvérisateur électrique à descentes soufflantes portées (DSP) de Kremer énergie. Il traite neuf rangs en face par face. L'appareil est équipé de trois moteurs électriques, identiques aux moteurs de roues. Ils entraînent la turbine, la pompe et un nettoyeur haute pression pour laver le pulvé à la parcelle.
Collard va adapter sa rogneuse électrique Profilmatic et Boisselet une tondeuse et les outils de travail du sol. En attendant le développement de l'offre d'outils électriques, le T4E peut être muni d'une centrale hydraulique de 65 litres, fonctionnant à l'aide d'un moteur électrique, pour travailler avec les outils hydrauliques existants.