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VIN

Les six attributs des rouges aptes à la garde

Marine Balue - La vigne - n°250 - février 2013 - page 42

Certains lots sont plus appropriés que d'autres pour donner des vins de garde. Les œnologues se fient à la structure, à l'acidité, à l'alcool ou à la longueur en bouche pour les repérer et réussir le bon assemblage.
UN OUTIL PRÉCIEUX. L'assemblage est un exercice délicat mais très utile pour proler les vins. Il se base essentiellement sur la dégustation. © P. ROY

UN OUTIL PRÉCIEUX. L'assemblage est un exercice délicat mais très utile pour proler les vins. Il se base essentiellement sur la dégustation. © P. ROY

L'assemblage d'un vin rouge de garde suit les mêmes règles de base que tout autre assemblage : c'est avant tout un travail de dégustation ! Voici les critères auxquels il faut s'attacher pour avoir les meilleures chances de composer une cuvée qui traverse bien les années.

1. Des tanins harmonieux

Les premiers points auxquels les œnologues s'attachent sont la structure tannique et la concentration en bouche. En général, l'intensité des tanins doit être assez importante. « J'ai tendance à sélectionner les cuves les plus structurées, avec la meilleure puissance, illustre Christophe Coupez, directeur de l' Œnocentre de Pauillac (Gironde). Je recherche surtout l'harmonie, à savoir qu'il ne doit pas y avoir de creux en bouche. »

Pour Christophe Marchais, œnologue conseil dans le Val de Loire, les cuvées destinées à la garde doivent présenter un bon volume en bouche, « auquel le degré d'alcool peut contribuer ».

Toutefois, certains cépages qui n'ont pas beaucoup de tanins donnent des vins qui évoluent très bien. C'est le cas des pinots noirs de Bourgogne ou des rouges du Jura. « Ce qui compte avant tout, c'est la qualité des tanins », note Éric Grandjean, œnologue au centre œnologique de Bourgogne. Quelle que soit leur région, les œnologues écartent les lots aux tanins verts ou asséchants. « Les tanins doivent être mûrs et de belle qualité dès leur jeunesse, estime Matthieu Dubernet, conseiller au laboratoire Dubernet œnologie, dans le Languedoc. Mais il faut que les raisins aient mûri de manière régulière et complète. Les vins très riches, issus de millésimes solaires et ayant mûri très vite, ne sont pas ceux qui se conservent le mieux. » Même constat pour les caractères végétaux : les arômes liés à un manque de maturité s'améliorent rarement.

2. Un minimum d'acidité

L'acidité est un autre critère à prendre en compte dans tout assemblage. Sans forcément viser les cuves les plus acides, les œnologues remarquent qu'à qualité égale les vins avec plus d'acidité se conservent souvent mieux. « Si le pH est trop haut, au-dessus de 3,8 ou 3,9, la perte de SO2 sera plus rapide, explique Olivier Roustang, gérant de la société Rhône œnologie. Le risque de dérive microbienne en bouteille sera plus grand. » Sans oublier, une plus forte sensibilité à l'oxydation.

En bouche, l'acidité entretient une fraîcheur durable : « Un vin assez mou et peu structuré aura plus de mal à affronter les années qu'un vin plus vif », présume Christophe Coupez. Pour Olivier Roustang, il est aussi essentiel d'obtenir un bon équilibre entre les tanins, l'acidité et l'alcool. Or, c'est une difficulté pour les vignobles méridionaux. « Dans le sud de la vallée du Rhône, le grenache apporte beaucoup d'alcool, mais pas énormément de tanins, indique l'œnologue rhodanien. Pris tout seul, il donnera difficilement des vins au fort potentiel de garde. » C'est pourquoi, la plupart du temps, il est assemblé à la syrah, au mourvèdre ou à d'autres cépages. Ceux-ci contribuent à la structure et à la fraîcheur de l'assemblage, pour soutenir l'alcool.

3. De la longueur en bouche

« C'est un signe qui trompe rarement : les vins longs en bouche tiennent souvent mieux la distance que les vins larges », remarque Matthieu Dubernet. Même si le vin peut gagner de la persistance en bouche avec l'élevage (dans le cas d'un assemblage pré-élevage), il est préférable de rejeter les lots aux finales courtes.

4. Une résistance à l'oxydation

Pour supporter le vieillissement en bouteille, l'assemblage doit résister à l'oxydation. Cet impératif conduit à rejeter les vins issus de raisin atteint de pourriture grise. Il justifie certains assemblages. « Syrah et mourvèdre sont plutôt des cépages réducteurs, alors que le grenache est oxydatif. C'est une raison de plus de les associer », rappelle Olivier Roustang.

5. De la couleur et des arômes

Doit-on choisir les lots les plus colorés ? Pas forcément, répondent les œnologues. « Beaucoup de pinots noirs n'ont pas une couleur intense et sont de très bons vins de garde », souligne Éric Grandjean. À l'intensité, il faudra plutôt préférer la stabilité de la couleur.

Les arômes ne sont pas non plus déterminants pour augurer du potentiel de garde. Toutefois, il est intéressant de choisir des cépages dont le bouquet évolue bien en vieillissant. « Le mourvèdre est un cépage idéal pour les cuvées de garde, car ses arômes se bonifient avec le temps, alors qu'il est moins facile d'accès dans sa jeunesse », poursuit Olivier Roustang.

6. Un grand millésime

Dernière règle : il faut garder à l'esprit qu'il n'est pas possible d'élaborer des vins de longue garde tous les ans. Le millésime et le potentiel des raisins comptent énormément. « Les lots qui rentrent dans un vin de garde doivent avoir connu un bel élevage, en fût ou non, avec un bâtonnage des lies de préférence », ajoute, pour finir, Christophe Marchais.

Aujourd'hui, si la majorité des gens consomment le vin peu de temps après l'avoir acheté, beaucoup considèrent qu'un vin de qualité doit être de garde. Les œnologues doivent donc parvenir à assembler des vins de garde… mais prêts à boire assez tôt.

Assembler avant l'élevage pour équilibrer le vin

Les œnologues soulignent que l'assemblage ne doit pas forcément avoir lieu à la fin de l'élevage. Ils considèrent que, souvent, les vins évoluent mieux s'ils sont assemblés avant. « C'est le cas des lots de syrah. Elevés seuls, ils sont souvent décevants, car ils sont trop structurés et manquent un peu d'acidité, remarque Matthieu Dubernet, œnologue dans le Languedoc.

L'assemblage permet d'équilibrer ces vins avant l'élevage.» Pré-assembler permet aussi de choisir le contenant d'élevage le plus approprié à chaque assemblage, d'autant plus pour un vin de garde : fût ou cuve, part de fût neuf, etc. Mais si on ne connaît pas le profil de vin dont on aura besoin au final, il est délicat d'assembler trop tôt.

L'élevage sous bois ne garantit pas le potentiel de garde

L'élevage en barriques permet une oxygénation faible, lente et régulière. Il apporte des ellagitanins, ce qui est positif pour des cuvées de garde. Dans le cas des blancs, c'est l'élevage en fût sur lies qui peut favoriser la conservation. Mais le bois ne fera pas d'un petit cru un vin de garde. Il faut raisonner dans l'autre sens : sélectionner d'abord un assemblage apte à vieillir, sachant qu'il supportera plus de bois qu'un vin à consommer dans l'année.

En outre, des vins se conservent longtemps sans avoir vu un gramme de bois.

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