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VENDRE - Conseils de pros

Comment augmenter vos tarifs professionnels

Mathilde Hulot - La vigne - n°250 - février 2013 - page 54

L'acheteur professionnel est avant tout un partenaire de votre développement. Vous devez le traiter comme tel lorsque vous vous préparez à augmenter vos prix.
Quand vous rencontrez des acheteurs professionnels, comme ici au salon ProWein de Düsseldorf (Allemagne), n'hésitez pas à exposer clairement vos tarifs. © MESSE DUESSELDORF

Quand vous rencontrez des acheteurs professionnels, comme ici au salon ProWein de Düsseldorf (Allemagne), n'hésitez pas à exposer clairement vos tarifs. © MESSE DUESSELDORF

1. Oubliez que c'est un problème

« Une augmentation, c'est forcément désagréable, explique Jacques-Olivier Pesme. Alors oubliez que c'est un problème ! Si vous augmentez vos prix, vous avez forcément une bonne raison. » Il faudra l'expliquer.

La différence entre le consommateur et le client professionnel, c'est que le second est un partenaire, vous travaillez ensemble. Il est confronté comme vous à la nécessité de relever ses prix. Parfois, une augmentation peut lui permettre d'améliorer sa marge.

2. Préparez une grille tarifaire

« Rien de pire qu'une négociation bouclée sur un coin de table avec une poignée de main », prévient Jacques-Olivier Pesme. Montrez votre nouvelle grille tarifaire à vos partenaires. Ils y verront clair et le sujet sera moins tabou. Vous avez toujours intérêt à être transparent.

Faites figurer vos conditions tarifaires, surtout si elles dépendent du délai et de l'échelonnement du paiement. Plus vos clients paient tôt et bien, mieux votre trésorerie se porte. Vous avez donc intérêt à les encourager dans ce sens en leur accordant des remises. Les professionnels apprécient d'avoir ces informations dont ils ont besoin pour prévoir leurs budgets.

3. Choisissez le bon moment

La plupart des changements de tarifs s'effectuent sur le premier quadrimestre, de janvier – dès qu'on connaît les volumes disponibles de chaque cuvée – à avril, dans le cas de crus classés bordelais. Les clients sont donc habitués à recevoir les nouveaux tarifs à cette époque. Quelle que soit la date que vous choisissez, « augmentez vos tarifs pour tous vos clients en même temps », conseille Patrick Amigo.

4. N'augmentez pas sous n'importe quel prétexte

« Si un vin est à la mode et que tout le monde en veut, c'est normal qu'il soit à la hausse, souligne Michel Chapoutier. En revanche, si c'est à cause d'un coup de froid ou du gel, non. Vous ne pouvez pas dire : j'ai moins de volume, je fais payer la différence au client. Des AOC ont tué leur marché comme ça. Si le client n'en est pas très friand, il n'aura pas envie, en plus, de jouer les organismes sociaux. » Il va en profiter pour se fournir ailleurs, surtout s'il n'y a pas eu de négociations.

5. Plus vous augmentez, plus il faut expliquer

Lorsque les augmentations sont faibles, il n'y a pas besoin d'explications. En revanche, si vos tarifs augmentent beaucoup, ne serait-ce que pour un vin, il faut l'expliquer avec des éléments factuels comme le prix des matières sèches impactant le coût final, une reconversion en viticulture biologique ou une forte demande par exemple. Les clients apprécient d'avoir un fournisseur capable de se justifier.

6. Prévenez bien à l'avance vos bons clients

Évitez de mettre vos partenaires devant le fait accompli. Prévenez-les le plus tôt possible. Au détour d'une conversation, invoquez les hausses que certains concurrents ont déjà pratiquées. Plus l'acheteur est préparé, mieux il accepte l'augmentation, insiste Jacques-Olivier Pesme.

Vous pouvez dire à vos bons clients : « Cette année, je ne change rien, mais l'an prochain j'augmente de 8 %. » Faites-leur sentir que vous les prévenez car vous entretenez de bonnes relations avec eux. Dites-leur qu'en les informant ainsi, vous leur accordez un traitement de faveur.

7. Préférez les marchés forts

Privilégiez les marchés où la consommation est en forte croissance ou ceux où vous êtes solide et en confiance pour tenter des augmentations. La France, par exemple, n'est pas un marché propice à l'augmentation de prix.

8. Sachez résister aux refus

Pouvez-vous refuser une vente si un client n'accepte pas vos hausses ? « Oui, répond Michel Chapoutier. Il n'est pas question de vendre à perte. » Évidemment, si vous avez des vins sur les bras, les choses se compliquent. S'il faut lâcher du mou, proposez une action marketing et temporaire sur un vin, des gratuités… Par exemple, proposez une animation sur un lieu de vente. Présenter vos vins directement aux consommateurs sera pour vous l'occasion de montrer que vous êtes prêt à défendre vos nouveaux prix et à les justifier.

En effectuant un geste commercial, vous appliquez à votre négociateur le même tarif qu'à tous vos clients, tout en lui faisant une offre. Mais votre partenaire doit vous proposer une contrepartie : un engagement sur un volume d'achat, sur un niveau de gamme ou sur un nombre de commandes dans l'année.

Dans tous les cas, appliquez la même grille tarifaire à tous vos clients. Si vous faites une exception pour l'un, vous rattraperez difficilement le retard pris avec lui.

9. Coupez la poire en deux si elle est trop grosse

« L'augmentation globale des prix permet de faire passer votre hausse avec les autres. Mais attention à ne pas abuser de cet argument », signale Patrick Amigo. Il est préférable d'augmenter un petit peu ses prix régulièrement plutôt que de procéder à une forte hausse que personne ne va comprendre, avertit aussi Jacques-Olivier Pesme. 3 %, c'est souvent le maximum. Si ce besoin d'augmentation est supérieur à 5 ou 6 %, mieux vaut faire passer une telle hausse en deux fois : 5 % maintenant, le reste six mois plus tard.

Le Point de vue de

Patrick Amigo

Patrick Amigo, enseignant à l'Institut de promotion commerciale vins et spiritueux de la CCI de Bordeaux.

Le Point de vue de

Jacques-Olivier Pesme

 Y. SAMUEL

Y. SAMUEL

Jacques-Olivier Pesme, professeur à la Bordeaux Management School.

Le Point de vue de

Michel Chapoutier

Michel Chapoutier, vice-président d'Inter-Rhône.

Le Point de vue de

Jean-Claude Rieflé, du domaine Rieflé, à Pfaffenheim (Haut-Rhin). 250 000 bouteilles par an.

« Nous n'avons pas peur d'annoncer une hausse »

Jean-Claude Rieflé, du domaine Rieflé, à Pfaffenheim (Haut-Rhin). 250 000 bouteilles par an.

Jean-Claude Rieflé, du domaine Rieflé, à Pfaffenheim (Haut-Rhin). 250 000 bouteilles par an.

« Nous augmentons nos prix tous les ans, ce qui n'empêche pas de négocier. De 1,5 à 2 % : c'est ce que nous cherchons à obtenir. Si j'augmente de 3 % une année, je maintiens les prix au même niveau l'année suivante. Nous exportons plus des deux tiers de notre production. Nous vendons beaucoup dans le nord de l'Europe. Tout passe par un importateur danois, une société qui a des filiales dans les différents pays et les compagnies de ferries. Nous négocions les prix une fois par an. Nous n'avons pas peur d'annoncer une hausse : il faut oser. Si ça ne passe pas, nous pouvons toujours revenir au point de départ. Le vrai professionnel a tout intérêt à jouer gagnant-gagnant. Si nous augmentons les prix et que les vins continuent de se vendre correctement, l'importateur s'y retrouve aussi. Pour faire accepter une hausse, il faut soit une augmentation de la qualité, soit fournir des outils marketings sur lesquels l'importateur va pouvoir s'appuyer pour revendre. C'est ainsi que nous avons choisi de récompenser les meilleurs vendeurs en leur offrant un voyage en Alsace, notamment aux sommeliers des bateaux.

L'importateur prend en charge le voyage et nous l'hôtel et le séjour. Cette démarche permet de maintenir le positionnement du produit. Et c'est toujours moins cher et plus écologique de faire venir des sommeliers deux jours en Alsace qu'une semaine au Chili. En temps de crise, tous ces arguments sont bons à mettre en avant. »

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