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Magazine - Histoire

Gay-Lussac : L'inventeur de l'alcoomètre

Florence Bal - La vigne - n°250 - février 2013 - page 75

Chimiste et physicien de renom, Louis Joseph Gay-Lussac a inventé l'alcoomètre qui sera utilisé par les services de l'État pour taxer équitablement les boissons alcoolisées.

Louis Joseph Gay-Lussac restera dans l'histoire viticole pour avoir inventé l'alcoomètre et défini les règles de son utilisation. Ses travaux l'ont aussi conduit à donner la première définition du degré alcoolique il y a deux cents ans environ, selon l'œnologue Jacques Blouin. Ce degré est le pourcentage du volume d'alcool dans un volume de liquide, officiellement dénommé TAV, titre alcoométrique volumique.

Pour réaliser son alcoomètre, Gay-Lussac s'inspire de l'aréomètre créé en 1768 par le pharmacien Antoine Baumé. Il le dote d'une échelle centésimale, puis établit précisément les tables qui permettent de s'en servir. À l'époque, on sait bien qu'une même eau-de-vie ne présente pas le même degré alcoolique à 10° qu'à 20°C. Mais comment éliminer ce facteur ? Gay-Lussac prend comme base les mesures réalisées à 15°C. Puis il refait des mesures à chaque degré entre 0 et 30°C. Il établit ainsi une série de tables permettant de comparer les valeurs relevées à la référence. Le scientifique effectue ce travail pour tous les mélanges eau et alcool de 1 à 97°. Suite à ces travaux, le titre alcoométrique à 15°C a été exprimé en degré Gay-Lussac.

Une carrière exceptionnelle

Dans son manuel « Instruction pour l'usage de l'alcoomètre centésimal », publié en 1824, le chimiste explique que « plusieurs années ont été nécessaires pour le mettre au point ». On le comprend ! « Quoiqu'il fût encore incomplet, je me décidais à le présenter à l'administration des contributions indirectes en 1821, souligne-t-il dans l'introduction. Les avantages que le commerce et la régie devaient en retirer furent promptement reconnus : je fus engagé à le terminer. »

Trois ans plus tard, c'est chose faite avec la publication de son ouvrage. Comme il est désormais possible de mesurer exactement la concentration en alcool des boissons, l'État fait voter une loi sur « leur taxation de manière équitable et incontestable ».

« L'utilité de l'alcoomètre centésimal démontrée et sanctionnée par une loi est pour moi un dédommagement bien honorable du temps qu'il m'a coûté », poursuit Gay-Lussac. En fait, c'est un certain Collardeau, élève de Polytechnique, qui a réalisé les tables. Pour le remercier, Gay Lussac commercialise avec lui l'alcoomètre issu de leurs travaux et dont l'État se servira pour ses contrôles.

À l'époque, Louis Joseph Gay-Lussac est déjà un scientifique reconnu qui a mieux à faire que des manipulations basiques. Il est né le 6 décembre 1778 à Saint-Léonard-de-Noblat, petit village de la Haute-Vienne, dans une famille aisée. Son père est avocat et procureur du roi. Après la Révolution, ce père déchu l'envoie poursuivre ses études à Paris.

Brillant élève, il intègre l'École polytechnique en 1797. En 1800, le chimiste Claude Louis Berthollet le choisit comme préparateur. C'est le début d'une carrière exceptionnelle. Dès 1802, le jeune homme s'illustre en découvrant la loi de dilatation des gaz en fonction de la température. En 1808, il établit la loi sur les combinaisons en volume des substances gazeuses, qui porte son nom. Il étudie la composition du gaz sulfureux (SO2) et confirme qu'il s'agit bien d'une combinaison de soufre et d'oxygène. Il n'a même pas 30 ans lorsqu'il devient membre de l'Académie des sciences. En 1809, il épouse une jeune vendeuse. Ils auront cinq enfants.

« À partir de 1810, Gay-Lussac se tourne vers la recherche appliquée. Il met alors tout son talent au service d'organismes d'État et de sociétés industrielles », indique Pierre Radvanyi, directeur de recherche honoraire au CNRS.

En 1815, « il établit la première équation exacte de la fermentation alcoolique », écrivent les œnologues Jacques Blouin et Jacqueline Cruège. Selon cette équation, 180 g de sucres (glucose ou fructose) donnent 92 g d'alcool et 88 g de gaz carbonique.

Des méthodes fiables de contrôle des produits

« En plus de ses nombreux mémoires, le savant a publié une centaine d'instructions pratiques destinées aux entrepreneurs », relève l'historienne Bernadette Bensaude-Vincent. Il construit des thermomètres et des baromètres de haute précision. Il améliore divers procédés de fabrication industriels et met au point des méthodes simples et fiables de contrôle des produits par chlorométrie, alcalimétrie, sulfurométrie et alcoométrie pour ce qui concerne le domaine des vins et spiritueux.

« Gay-Lussac joue également un rôle politique. Il est élu député de la Haute-Vienne en 1831 et est réélu à deux reprises. Ses interventions sont essentiellement consacrées à l'enseignement supérieur, aux sciences et techniques ainsi qu'à l'industrie », ajoute Pierre Radvanyi. Il meurt à Paris le 9 mai 1850 à l'âge de 71 ans.

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SOURCES

Avant d'être mesuré en pourcentage volumique à 20°C (% vol.), le dégré alcoolique du vin était exprimé en dégré Gay-Lussac à 15°C (°GL). © AKG/SCIENCE PHOTO LIBRARY

Avant d'être mesuré en pourcentage volumique à 20°C (% vol.), le dégré alcoolique du vin était exprimé en dégré Gay-Lussac à 15°C (°GL). © AKG/SCIENCE PHOTO LIBRARY

« Instruction pour l'usage de l'alcoomètre centésimal », par Louis Joseph Gay-Lussac.

« Mort de Louis Joseph Gay-Lussac », par Bernadette Bensaude-Vincent.

« Technique d'analyse des moûts et des vins », par Jacques Blouin, aux éditions Dujardin Salleron.

« Analyse et composition des vins », par Jacques Blouin et Jacqueline Cruège, aux éditions Dunod.

« Traité théorique et pratique du travail des vins », par Edme-Jules Maumené.

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