DE NOMBREUSES VIGNES SONT PLANTÉES SUR DES TERRAINS TRÈS ACCIDENTÉS nécessitant la création de terrasses. La plupart sont protégées des oiseaux par des filets.
IRRIGATION. La plupart des vignes sont irriguées au goutte-à-goutte, même si certains préfèrent l'asperseur. Mais en novembre, les viticulteurs sont souvent soumis à des restrictions d'eau et irriguent les rangs en alternance.
JOËL GOUSSIEF, CI-DESSUS, est le responsable technique du chai depuis 2009. Il suit l'évolution des vignes et conseille les adhérents sur les traitements à effectuer. La coopérative décide aussi de la date des vendanges.
LE DÉBOURREMENT IRRÉGULIER DES CEPS est le plus gros problème auquel le chai doit faire face. Le cycle végétatif est plus court en pays tropical. En plus de ne connaître un intervalle que d'un mois et demi entre le débourrement et la floraison, il est très irrégulier. Ce cep où se trouvent à la fois un bourgeon et une fleur en est une bonne démonstration. PHOTOS T. JOLY
Si la culture de la vigne a été introduite à la Réunion dès l'arrivée des premiers colons, au XVIIe siècle, la mise en place d'une filière de production de vins de qualité ne remonte qu'à 1992 avec la création du Chai de Cilaos. Cette coopérative regroupe aujourd'hui quatorze adhérents, tous installés dans le cirque de Cilaos, au centre de l'île. « C'est la région que le Cirad (un organisme de recherche, NDLR) a identifiée comme la plus propice à la viticulture après des essais menés à la fin des années soixante-dix », expose Joël Goussief, le responsable technique du chai depuis 2009.
Tous pluriactifs (caviste, agent hospitalier, agriculteur…), les adhérents ne totalisent que 13,25 ha de vignes plantées à 4 500 pieds/ha entre 800 et 1 300 mètres d'altitude. Ils cultivent du malbec, du pinot noir, de la syrah et du gamay en rouge ; du chenin, du gros manseng et du verdelho en blanc. Composée de 50 % de rosé, de 25 % de blancs (un primeur, un sec et un mœlleux), de deux rouges et d'un vin doux naturel rouge, la production avoisine 30 000 bouteilles par an. « Mais cette année, elle sera inférieure de 30 à 50 % en raison des dégâts causés en décembre par le cyclone Dumid », précise Laurent Barnavon, œnologue du Chai depuis août 2012.
Un rude coup pour la coopérative qui, en temps normal, a déjà du mal à satisfaire toutes les demandes. « Afin d'avoir du vin à la vente toute l'année, nous échelonnons les mises en bouteille. Nous avons donc rarement toute la gamme disponible au même moment », révèle Joël Goussief.
Les vins partent vite malgré un prix élevé
La production est écoulée rapidement. Caviste et restaurateurs de l'île en achètent 30 %. La coopérative vend le reste dans son magasin où la clientèle est pour moitié constituée de touristes et pour l'autre de locaux. Les vins ont pourtant un prix relativement élevé, de 11,50 à 13 euros la bouteille, et sont concurrencés par des vins illicites à bas coût, issus des cépages hybrides interdits isabelle et couderc, qui se vendent le long des routes et sur les marchés.
Dans ce contexte, les administrateurs du Chai de Cilaos ont récemment initié diverses mesures pour développer et sécuriser la production. Pour que la qualité de leurs vins soit encore mieux identifiée, ils ont entrepris des démarches auprès de l'Inao afin d'obtenir une IGP Vin de Cilaos. La procédure suit son cours.
Plus de 5 000 pieds viennent d'être plantés pour remplacer les manquants, ce qui augmentera un peu le rendement moyen qui ne dépasse pas 25 q/ha.
Par ailleurs, il est désormais interdit aux adhérents d'avoir plus de 3 ha de vignes. « Cela réduit les risques pour la coopérative en cas de cessation d'activité de l'un d'entre eux. C'est aussi le gage d'un travail plus soigné », souligne le technicien du chai de Cilaos.
En raison de la topographie très accidentée du terrain et de l'exiguïté des parcelles, toutes les tâches sont manuelles. Le coût de production est donc compris entre 6 et 7 euros la bouteille, d'autant que tout doit être importé de métropole. Même l'engrais organo-minéral servant à amender les sols carencés en oligo-éléments, en brome et en manganèse. Un approvisionnement qu'il est nécessaire de bien anticiper pour ne pas être en rupture de stock, surtout en phytos, car il faut trois mois pour que les commandes arrivent. « Pour cette raison, tous nos équipements sont doublés, car, en cas de panne, le technicien vient de France à nos frais », regrette Joël Goussief.
Pour améliorer la qualité, les responsables de la coopérative font pression sur les adhérents pour qu'ils mettent fin à la pratique consistant à cultiver des tomates ou des lentilles entre les rangs, ou au moins à ne le faire qu'un rang sur deux. En 2011, ils ont revu la grille de paiement pour encourager la qualité et la production des cépages les plus durs à cultiver. Le prix versé varie aujourd'hui de 2,50 à 3,80 euros le kg.
« Comme c'est devenu plus intéressant, nous enregistrons des projets d'agrandissement et d'installation », se réjouit Joël Goussief. 1,30 ha est ainsi en cours de plantation. Mais le coût est un sacré frein. « Il faut compter 25 000 €/ha, sans compter les travaux de terrassement, d'accessibilité et d'épierrage. »
Hétérogénéité du débourrement
Comme il ne pleut pratiquement pas de la fin août au début du mois de janvier, la plupart des vignes sont dotées d'une irrigation au goutte-à-goutte, quoique certains vignerons utilisent des asperseurs. « Mais en novembre, nous sommes souvent soumis à des restrictions d'eau et devons alors irriguer les rangs en alternance », assure le technicien. La majorité des vignes sont également couvertes par des filets pour protéger les grappes de la voracité des oiseaux, bien plus nocifs que le mildiou et l'oïdium, normalement maîtrisés par six à sept traitements.
Le principal problème cultural est l'hétérogénéité du débourrement. « Comme dans tous les pays tropicaux, le cycle végétatif de la vigne est plus court et l'intervalle entre le débourrement et la floraison n'est que d'un mois et demi, rappelle le responsable technique du chai. Mais, ici, il est en plus très irrégulier. »En conséquence, lors des vendanges effectuées en janvier et février, il faut parfois passer plusieurs fois sur un même pied. Par ailleurs, pour remplir un pressoir ou une cuve, il faut souvent aller chez plusieurs adhérents. « Et lorsque le début d'année est nuageux ou pluvieux ,il est difficile d'avoir de bonnes maturités avec les rouges », ajoute Laurent Barnavon.
Le problème du débourrement touchant particulièrement le malbec et la syrah, Joël Goussief n'exclut pas de les remplacer par un cépage précoce. « Un cépage que nous serions également les seuls à cultiver et qui serait ainsi typique des vins réunionnais », espère-t-il. Il pense notamment au portant. Un essai de 1 000 pieds a été lancé avec, en même temps, un test de nouveau porte-greffe, le Grenesac. « Toutes les vignes ont été plantées sur du SO4, qui est plutôt passe-partout, alors que nous avons un climat sec », remarque-t-il. Mais si remplacement il y a, cela ne pourra se faire que petit à petit. « Nous n'avons que vingt ans d'antériorité. Nous avons besoin de temps. »